mercredi 26 décembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (20)


Ça avait pris des teintes très sombres. Qui s’étaient rejointes. Enchevêtrées et superposées les unes aux autres.
Elle a étudié tout ça de près. De très très près.
– J’ai bien fait de pas te ménager, toi ! Ça s’est profondément incrusté. Ça dure du coup. Et c’est pas déplaisant du tout à regarder.
Elle a fait les traditionnelles photos. En plus grand nombre encore que d’habitude.
– T’es toujours décidé à te peindre ?
Il a fait signe que oui. De la tête. Oui.
– Eh bien installe-toi alors !
Elle lui avait préparé un chevalet. Qu’elle avait placé très en hauteur, un peu en avant du sien.
Il a semblé chercher quelque chose, du regard, autour de lui. Une chaise.
– Non, non. Debout, tu vas peindre. T’es jeune, tu peux. Et à poil. Comme ça, moi, pendant ce temps-là, je pourrai contempler mon œuvre tout à loisir. Sur le vif. Ça m’inspirera.
Il s’est emparé d’un pinceau. A mélangé des couleurs. Jeté un coup d’œil sur sa toile à elle. Poussé un profond soupir.
– Jamais j’y arriverai.
– À quoi ?
– À faire aussi bien que vous.
– Personne te le demande.
– Mais quand même ! Comment j’aimerais ça…
Ils ont travaillé quelques instants en silence.
– Bon, ben je t’écoute…
– Vous m’écoutez ?
– Tu devais nous dire… Toutes ces vilaines choses, là, que t’as à te reprocher.
– Ah, oui ! Oh, il y en a pas tant que ça, finalement !
– Ben, voyons !
– Si, c’est vrai, hein !
– T’as une copine ?
– Oui. Non. Enfin, si ! Ça dépend.
– De quoi ?
– De ce qu’on entend par là.
– Ce qui veut dire, en fait, que tu tiens pas vraiment à elle.
– Pas trop, non.
– Qu’elle te sert juste à te vider les couilles.
– Pas seulement. On fait des trucs ensemble. Des kebabs. Des cinés.
– Le minimum syndical, quoi ! Histoire de l’entretenir dans l’illusion qu’elle compte un peu pour toi. Et elle ? Tu comptes pour elle ?
– Je crois. Je sais pas.
– Et tu cherches pas à savoir. C’est le cadet de tes soucis. Ce qu’elle pense, ce qu’elle ressent, ce qu’elle espère, t’en as strictement rien à battre. La seule chose qui compte à tes yeux, c’est ton intérêt à toi, ta petite satisfaction égoïste. Le reste… Et quand t’en auras soupé d’elle ou que tu lui auras trouvé une remplaçante, tu t’en débarrasseras. Sans autre forme de procès. C’est pas vrai ce que je dis là peut-être ? Hein ? C’est pas vrai ? Bien sûr que si ! Tu la jetteras comme t’as jeté toutes les autres avant elle. Sans le moindre état d’âme. Il y en a eu combien ? On peut savoir ? Eh bien ?
– Six ou sept. Peut-être huit. Quelque chose comme ça.
– Et t’es fier de toi ?
Il a baissé la tête. Il n’a pas répondu.
– Comme quoi la correction que je t’ai flanquée était amplement méritée, avoue ! Non ?
– Si !
– Oh, mais fais-moi confiance ! On va pas s’en tenir là…

mercredi 19 décembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (19)


– Tu crois que c’est la peine ?
– De quoi donc ?
– Que je revienne ce soir.
Un éclair de déception est passé dans ses yeux. Qui a très vite disparu.
– Comme tu veux. C’est toi qui vois.
– Je crois franchement pas que tu aies grand-chose à craindre d’un type comme lui.
– On sait jamais. On peut pas savoir. Surtout si je le pousse dans ses derniers retranchements.
– C’est ton intention ?
– Peut-être. Ça va dépendre. De tout un tas de choses. Je verrai. J’improviserai. Au coup pour coup. Mais faut pas te croire obligé de venir non plus, hein ! Je veux pas te faire perdre ton temps.
– Je le perds pas.
– Un peu quand même, si ! Parce que tu me rends service. Ce dont je te remercie. Mais à toi, ça n’apporte pas grand-chose. Pour pas dire rien du tout.
– Qui sait ?
Elle m’a coulé un bref regard en coin.
– Ah, oui ?
– Le plaisir manifeste que tu prends à tout ça a quelque chose de très communicatif et, disons-le, de très jubilatoire.
Elle m’a gratifié d’un éclatant sourire.
– Eh ben alors ! Il est où est le problème ? Si c’est le trajet…
– C’est vrai que ça fait quand même au bout.
– Il y a une chambre d’amis. Où t’as déjà passé la nuit. Tu peux t’y installer si tu veux. Ça t’évitera toutes ces allées et venues, deux fois par jour. Tu bosses chez toi en plus. Sur ordi. C’est quelque chose que tu peux très bien faire ici. Non ?
Si. Bien sûr que je pouvais. Si.
– Je reviens.
Et je suis allé chercher quelques affaires.

Elle a passé la tête.
– Ça va ? T’es bien installé ?
– C’est parfait.
– Si t’as besoin de quoi que ce soit, surtout t’hésites pas, hein !
– Promis. Merci.
J’ai pris mes marques. Rempli de mes sous-vêtement et de mes tee-shirts le tiroir d’une commode, suspendu mes pantalons dans la penderie, branché mon imprimante, jeté un coup d’œil, par la fenêtre, sur la cascade grise des toits rendus luisants par la pluie.
Et je me suis mis au travail.
Pas bien longtemps. Elle a frappé, entrouvert la porte.
– Je te dérange pas ?
– Bien sûr que non.
– J’en ai pas pour longtemps. C’est juste que je voulais te dire : je suis vraiment très contente que tu restes. Très. Parce que, maintenant que je me suis habituée à ta présence, j’aurais vraiment beaucoup de mal à envisager tous ces trucs-là sans toi. Je sais pas trop comment expliquer en fait. C’est pas seulement que ça me rassure, c’est pas seulement que c’est dissuasif, c’est que ça prend une autre dimension. De l’ampleur. Tu comprends ?
Elle ne m’a pas laissé le temps de répondre. Elle a refermé la porte. Qu’elle a presque aussitôt rouverte.
– Et puis aussi… Tu sais ce que je me disais ? C’est que ce serait encore mieux si tu pouvais participer. D’une façon ou d’une autre.
Et elle est repartie. Pour de bon, cette fois.

mercredi 12 décembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (18)


Comment il avait marqué ! Ça s’était incrusté en longues stries violacées, boursouflées, qui s’étalaient au large sur toute la surface.
Elle a pris photo sur photo. Pas loin d’une centaine.
– Là ! Bon, ben tu peux y aller, toi, maintenant ! Rendez-vous dans douze heures. Et tâche d’être ponctuel…
Il s’est lentement dirigé, comme à regret, vers ses vêtements. S’est retourné.
– Je pourrais pas ?
– Quoi donc ?
– Les voir ?
– Oh, si tu veux !
Il a lâché le boxer qu’il s’apprêtait à enfiler. Est revenu sur ses pas. Le temps de glisser la carte dans l’ordinateur et elle a fait défiler. Lentement. Il n’a pas quitté l’écran un seul instant des yeux. Jusqu’à la fin.
– Laquelle vous allez peindre ?
– Je sais pas encore. Je verrai.
– Et sur celles d’hier soir, de juste après, vous n’avez pas décidé non plus ?
– T’es bien curieux.
– Oh, vous pouvez bien. Je suis le premier concerné après tout.
Elle l’a affichée.
– C’est celle-là !
Il l’a longuement contemplée.
– Ça me fait tout drôle de me dire que je vais être en tableau. Surtout comme ça ! Vous allez le commencer bientôt ?
Elle a découvert la toile posée sur le chevalet.
– C’est déjà commencé.
– Ah, oui ! Et drôlement avancé en plus. Vous allez le continuer quand ?
– Dès que tu seras parti.
Il s’est rembruni.
– Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux me voir peindre, c’est ça ? Bon, mais une demi-heure. Pas plus. Attrape une chaise et assieds-toi là, près de moi.
Il ne se l’est pas répéter deux fois. Il s’est installé. Sans même prendre le temps d’aller se rhabiller.
Et il l’a regardée faire, fasciné.
– Vous travaillez à une allure…
– Question d’habitude.
Il s’est absorbé dans sa contemplation.
– Vous allez en faire quoi après ?
– Qu’est-ce tu veux que j’en fasse de spécial ? Tu seras suspendu au mur. Comme les autres.
– Je pourrai pas l’avoir ?
– Certainement pas, non.
– À moins que… Vous pourriez peut-être m’en faire un deuxième.
– Non, mais écoutez-le, celui-là ! Exigeant en plus !
– Oh, vous auriez vite fait.
Sur la toile, elle lui a fignolé une fesse.
– Tu y tiens vraiment ?
Son visage s’est illuminé.
– Oh, oui ! Oui !
– Alors tu as une solution toute trouvée. Tu m’as dit que tu peignais, toi aussi, non ?
– Ben oui, mais…
– Mais quoi ? On n’est jamais mieux servi que par soi-même. On t’a pas appris ça à l’école ? Alors ce soir, après la séance photo, au boulot…

mercredi 5 décembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (17)


– Cette raclée qu’il s’est ramassée !
– Oui, hein ! Je suis pas mécontente de moi.
– Et quel pied t’as pris à la lui flanquer !
– Ça s’est vu tant que ça ?
– Comme le nez au milieu de la figure.
– C’est sa faute aussi ! On n’a pas idée de ressembler, comme deux gouttes d’eau, à cette espèce d’enflure de Christopher.
– C’était qui ce Christopher ?
– Une belle petite saloperie. Et il était pas le seul. Il y en avait d’autres.
– Tu m’avais dit que tu me raconterais.
– On ira manger quelque part ensemble à midi,si tu veux. On aura tout notre temps.

– Je t’écoute…
Elle a repoussé son assiette sur le côté, croisé les bras sur la table.
– C’était le nec plus ultra de l’enseignement de la peinture, Weber, à l’époque. LE professeur. Avec un grand P. Celui aux cours duquel tout le monde rêvait d’assister. J’avais postulé. Sans grande conviction. Il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. Alors je te dis pas mon ravissement quand j’ai reçu sa réponse. Positive ! Je sautais partout. J’embrassais tout le monde. Avec Weber, j’allais devenir une grande artiste. Un peintre de renom. Je serais exposée partout dans le monde. J’étais sur mon petit nuage. Je me suis précipitée à Vienne, toutes affaires cessantes. Weber était très sélectif. On était cinq. Que cinq. Et j’étais la seule fille. Une fille dont le maître ne cessait pas de vanter les mérites. Dont il plaçait les qualités très au-dessus de celles de ses petits camarades. Il le disait. Il le répétait. Dix fois par jour. Ça me flattait. Et eux, évidemment, ils ne le manifestaient pas ouvertement, mais ça les rendait jaloux. Profondément jaloux. Je ne m’en rendais absolument pas compte. J’étais dans ma bulle. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, pour eux, c’est quand il m’a demandé de poser. Poser pour Weber ? Être peinte par Weber ? Même dans mes rêves les plus fous… Alors c’était oui, bien sûr que c’était oui ! Oui. Et encore oui. Sauf que poser pour Weber, dans le cadre de ses cours, c’était, en même temps, poser pour eux. Ce dont je me fichais éperdument. Je n’ai jamais été spécialement pudique. Et puis, de toute façon, ils ne comptaient pas. Weber allait me peindre, moi ! Je ne voyais que ça. Le reste n’avait pas la moindre importance. Ils ont été absolument odieux. Oh, pas en sa présence, bien sûr ! Non. En sa présence, ils étaient sagement installés devant leurs toiles. Ils me peignaient sans broncher. Ils écoutaient ses conseils. On leur aurait donné le bon Dieu sans confession, mais je peux te dire que, dès qu’il avait le dos tourné, j’en prenais plein la tête. Dans le registre « T’adores ça te foutre à poil, hein ? Mais si ! Mais si ! Tu crois que ça se voit pas ? Tu mouilles comme une petite folle, j’parie ! Non ? Tu mouilles pas peut-être ? » Ou bien alors… « Tu peux pas savoir comment j’ai hâte d’y avoir mis la dernière main, moi, à ce tableau ! Je l’installerai dans ma chambre, juste en face de mon lit, et je me branlerai devant ta chatte et tes nénés de petite cochonne. Parce qu’une fille comme toi, à part pour le cul, elle ne présente pas le moindre intérêt. » Je t’en passe… Et des meilleures.
– Et c’était tous ? Tous les quatre ?
– À des degrés divers. Mais le plus acharné de tous – et de loin – c’était Christopher.
– Je comprends mieux.
– Ils m’ont pourri toutes les séances. Je savais ce qu’ils avaient dans la tête. Alors leurs regards sur moi, c’était, à proprement parler, insupportable.
– T’en as pas parlé à Weber ?
– Si ! Bien sûr que si !
– Et ?
– Et c’était un artiste, Weber. Ça lui passait à cent mille lieues au-dessus de la tête, tout ça. Il n’a pas compris. Ou n’a pas voulu comprendre. Et j’ai dû renoncer, la mort dans l’âme à mes études de peinture. Je n’avais pas d’autre solution. Je n’en pouvais plus.
– Et les tableaux ?
– Ils n’avaient été qu’ébauchés, les tableaux. Ils n’ont jamais été terminés . Ni le sien ni les leurs. Du moins je le suppose. Et je l’espère.

mercredi 28 novembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (16)


Il avait vraiment pas l’air rassuré, ce Domitien, c’est le moins qu’on puisse dire. Il était blême. Ses mains tremblaient.
Julie a fait tournoyer le martinet autour de sa tête.
– Bon, allez ! On y va ?
– Attendez ! Attendez ! Dites-moi avant… Ça va se passer comment ?
Elle a haussé les épaules.
– Comment tu veux que ça se passe ? Tu vas te désaper et je vais te fouetter. C’est pas plus compliqué que ça.
– Oui, mais…
– Mais quoi ?
– Ça va faire mal ?
– Ah, ben oui ! Ça ! Forcément…
– C’est obligé ?
– Évidemment que c’est obligé ! Parce que le but, je te le rappelle, c’est d’obtenir des marques significatives et suffisamment durables pour qu’on puisse en tirer quatre ou cinq tableaux des plus décoratifs. J’ai été assez claire là-dessus, ce me semble.
– Vous l’avez été, oui.
– Eh bien alors ?
– C’est que…
– Tu te dégonfles ? Tu serais pas le premier. Bon, mais, c’est pas un problème, ça ! J’attends pas après toi. Il y en a des dizaines et des dizaines qui rêvent d’être à ta place. Alors tu arrêtes de me faire perdre mon temps et tu dégages…
– Oh, non ! Non ! S’il vous plaît !
– Faudrait savoir ce que tu veux…
– Mais je le sais ! Seulement ça me fout quand même une trouille bleue.
– La peur est faite pour être dépassée. Bon, mais ça suffit. Assez discutaillé. T’as quinze secondes pour te mettre à poil. Passé ce délai, je considérerai que tu renonces. Et ce sera sans appel.
Il a jeté un regard dans ma direction. Comme pour solliciter de l’aide. Et puis il s’est décidé. Il a arraché tous ses vêtements qu’il a abandonnés à même le sol.
– Eh bien voilà ! Va te mettre là-bas ! Non, là-bas ! Devant le miroir. Et les mains sur la tête. Pour te punir de cette petite comédie que tu viens de nous infliger. Non, mais qu’est-ce que c’est que ces façons de danser d’un pied sur l’autre ? Je veux. Je veux plus. Je veux quand même. Pour la peine je vais te corriger beaucoup plus sévèrement que je ne l’aurais fait si tu t’étais comporté, d’entrée de jeu, avec un peu plus de courage. Ah ben si, si ! Tu vas pas encore recommencer à faire tout un tas d’histoires ?
Il a baissé la tête.
– Non.
Elle est venue se placer derrière lui. Leurs regards se sont croisés dans la glace. Se sont retenus. Elle lui a promené longuement les lanières le long des fesses. Le long des jambes.
– Je vais te donner un conseil. Pour qu’elle soit plus supportable, la douleur. Tu as sûrement fait, dans ta vie, des choses pas bien jolies. Dont tu n’as vraiment pas de quoi être fier. Tu en fais même très probablement encore. Non ?
– Si !
– Ah, tu vois… C’est quoi ?
– Je…
– Tu veux pas le dire ? C’est pas grave. Tu y viendras. En temps voulu. L’essentiel, pour le moment, c’est que toi, tu le saches et que tu gardes bien à l’esprit que c’est pour ça que tu es puni. Que ce n’est que justice. Vu ?
– Oui.
– Alors, cette fois, on y va.
Elle a cinglé. De toutes ses forces. Il a hurlé.

mercredi 21 novembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (15)


Elle lui a lancé une petite claque sur les fesses.
– Bon, ben voilà. Vous pouvez vous rhabiller. On a fait le tour de la question.
– Mais…
– Mais quoi ? Il n’y a plus la moindre marque.
– Oui, mais le problème n’est pas réglé pour autant.
Ah, ça, pour pas l’être, il l’était pas. Il bandait tout ce qu’il savait, le bougre.
– Il ne le sera jamais, réglé, le problème. Et vous le savez très bien. Vous êtes irrécupérable.
– Mais non, je vous assure…
– Assez discuté. Rhabillez-vous !
– Vous pouvez pas me laisser une petite chance ?
– Rhabillez-vous !
Il a commencé à le faire. Avec un profond soupir.
– Je pourrai voir les tableaux, au moins, quand ils seront finis ?
– Je ne sais pas. J’aviserai. Je vous dirai.
Et elle lui a tourné le dos. Elle a regagné sa chambre.
Il m’a jeté un regard suppliant.
– Vous pourriez pas intercéder, vous ?
– Je verrai ce que je peux faire. Mais vous savez, elle, pour la faire changer d’avis… Mais j’essaierai. Je vous promets d’essayer.
– Merci.

– Il est parti ?
– Il est parti, oui. Mais comment il avait l’air déçu !
Elle a levé les yeux au ciel.
– Ils sont tous déçus quand c’est fini. Tous ! Ou quasiment. T’as vu le nombre qu’il y en a déjà ? Sans compter ceux qu’attendent. Alors je peux matériellement pas me mettre sur le pied de jouer les prolongations avec tout ce monde. J’en sortirais plus. Cela étant, je les garde quand même sous le coude. On sait jamais. Je réserve l’avenir.
– On n’aurait vraiment pas dit tout à l’heure.
– J’avais pas le choix. Charles, c’est le genre de type que je cours le risque de trouver tous les matins sur mon paillasson si je le recadre pas d’entrée de jeu. Il sera toujours temps, après, de desserrer un peu l’étau. Parce qu’il va m’écrire. Je te parie tout ce que tu veux que, dès ce soir, demain au plus tard, j’aurai un mail, voire deux ou trois. Je me montrerai alors beaucoup plus conciliante. Je lui distillerai un peu d’espoir. À la condition expresse qu’il attende mon bon vouloir. Qu’il s’abstienne de m’assaillir de récriminations intempestives. Bon, mais allez ! Assez parlé de lui… Surtout qu’il y en a un autre, là, qui devrait pas tarder à arriver.
– Déjà ! Tu perds pas de temps, dis donc !
– Jamais. C’est un dénommé Domitien. Vingt-deux ans. Que mon projet de tableau toutes les douze heures enthousiasme, paraît-il.
– Un artiste…
– Oui, oh… Ses véritables motivations sont très vraisemblablement ailleurs. Le challenge, pour moi, va consister à les débusquer. Mais il y a pas que ça ! Il y a qu’il ressemble comme deux gouttes d’eau à un type que j’ai connu jadis.
– Un ex ?
– Oui, oh, ben alors ça, il y a pas de risque. Non. C’était quand j’étudiais la peinture, à Vienne, avec un maître de renom. Lui aussi, il suivait ses cours. Une belle enflure, oui ! Je te raconterai.

mercredi 14 novembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (14)


– Ah, il t’a dit ça ?
– Mot pour mot.
– Et tu l’as cru ?
– Ben…
– Il y avait certainement une bonne part de comédie là-dedans, va, pas besoin de t’en faire !
– Ça donnait pas vraiment cette impression.
– Tu parles qu’il y arrive pas à se maîtriser ! À d’autres ! T’y arrives bien, toi ! T’y arrives pas peut-être ?
– Mais si, mais…
– Ah, tu vois ! Toi, t’as pas la queue en l’air à tout bout de champ. T’as pas la langue qui pend de dix kilomètres à chaque nana qui passe. Alors ce qu’est possible pour toi, pourquoi ce serait pas possible pour lui ?
– Parce qu’on réagit pas tous pareil.
– Oui, oh, alors ça ! Non, je vais te dire ce que c’est son problème, à Charles. C’est qu’en réalité, au fin fond de lui-même, il a pas vraiment envie de modifier en quoi que ce soit son comportement. Il s’en donne l’illusion. Pour tout un tas de raisons. Parce que ses agissements lui ont causé – et ne cessent pas de lui causer – toutes sortes de désagréments. Parce que l’image que tout ça lui renvoie de lui-même n’est pas très gratifiante, c’est le moins qu’on puisse dire. Alors il prend la pose. « Je vais changer. Il faut que je change. Je demande que ça. Et, pour preuve de sa bonne volonté, il tente un peu tout et n’importe quoi. Ce qui lui donne bonne conscience. « J’ai fait ce que j’ai pu. Tout ce que j’ai pu. Ça n’a servi strictement à rien. » Forcément. Quand on n’a pas fondamentalement envie de changer, eh bien on ne change pas. C’est pas plus compliqué que ça…
– Quand même ! Quand même ! Il avait l’air vraiment mal…
– Et les femmes sur lesquelles il jette, au quotidien, des regards affamés, elles sont pas mal, elles ? Tu sais ce que c’est, toi, de devoir essuyer, à longueur de trottoir des avances humiliantes, des commentaires salaces, de se faire traiter de pute ou de salope parce qu’on est en jupe ou en robe ? Tu sais ce que c’est d’être en permanence sur le qui-vive ? De devoir, dès qu’on se trouve dans une foule un peu compacte, repousser des mains résolument baladeuses ? Tu sais ce que c’est de jamais pouvoir profiter d’un moment de tranquillité quand on s’aventure à l’extérieur ? Et tout ça à cause de types comme Charles. Copies conformes. Alors je vais te dire : ses états d’âme, il peut se les carrer où je pense. Parce que tu vas voir que bien pris, parti comme c’est, à l’entendre, ça va être lui la victime. Alors non, David, non ! Je ne plaindrai pas Charles. Sûrement pas. Ni lui ni les autres.
– Il y a peut-être quand même une petite chance, non ?
– Une petite chance que quoi ?
– Qu’il change. Qu’il s’amende. Je sais pas, moi !
– J’y crois pas une seule seconde.
– Tu vas faire quoi alors, du coup, avec lui ?
– Mais rien. Rien du tout. Qu’est-ce tu veux que je fasse ?
– Tu vas pas le garder ?
– Demain, après-demain au plus tard, les marques auront complètement disparu. Il n’y aura plus aucune espèce de raison pour que je le garde par les pieds.
– Il y compte bien pourtant.
– Oui, ben alors ça, c’est le cadet de mes soucis. Il est pas seul au monde. Tu verrais tous ceux qu’attendent derrière !
– Avec les mêmes motivations que lui ?
– Plus ou moins. Mais ça, je m’en fiche un peu, en réalité, de leurs motivations. C’est pas ça, à mes yeux, l’essentiel. Même si j’en tiens compte. Même si je m’en sers. Par contre, ils ont tous en commun de ne considérer la femme que comme un objet voué à la satisfaction de leurs instincts les plus primaires.
– Ce qui te permet de régler tes comptes.
– Dans un sens, on peut dire ça comme ça, oui.

mercredi 7 novembre 2018

Julie, artiste peintre, fesseuse (13)


Elle avait voulu que je dorme là. Chez elle. Dans la chambre d’amis.
– Ben oui, attends ! Je vais pas te foutre dehors à cette heure-ci pour te faire revenir aux aurores. D’autant que t’habites pas la porte à côté.

Quand il est arrivé, le lendemain matin, à sept heures tapantes, elle était sous la douche. Elle m’a crié d’aller ouvrir.
– Ben, oui ! Ça fait partie de tes attributions, ça, maintenant.
Il était tout sourire. Parfaitement détendu. Parfaitement à l’aise. Du moins en apparence.
– Salut ! Faut que je fasse quoi, moi, là, maintenant ? Elle vous a dit ?
– Non, mais comme d’habitude, je suppose…
– Il y a de grandes chances, oui.
Et il a entrepris de se dévêtir. Tout en me faisant un brin de causette.
– Vous êtes qui, vous, en fait ? Son mec, c’est ça ?
– Si on vous le demande…
– Oui, bon, okay ! Ça me regarde pas. En attendant, en douce que vous devez bien vous marrer à me voir me démener comme un beau diable pour essayer de pas bander.
– Sans y arriver…
– Ah, ça ! C’est pas faute de prendre mes dispositions avant pourtant ! Dans la voiture. Juste avant de monter. Vous voyez ce que je veux dire. Ça y fait rien. Rien n’y fait rien n’importe comment. Et, de toute façon, quand bien même j’y arriverais, ça prouverait quoi dans des conditions pareilles ? Je l’abuserais peut-être, elle –et encore ! –, mais je ne m’abuserais pas, moi. Non. Faut que je me fasse une raison. Que j’en prenne mon parti. J’aurai beau dire et beau faire, ce truc que j’ai entre les jambes m’emmerdera toute ma vie.
– Mais non ! Pas forcément !
– Oh, que si ! J’ai tout essayé. Tout. Les médecins. Ils m’ont filé des traitements de merde qui m’ont transformé en zombie. Les psys. Ils m’ont fait raconter mon enfance. J’ai perdu mon temps. Je suis tombé entre les pattes de deux ou trois charlatans qui m’ont sucé mon pognon. Sans résultat. Et là, ici, c’est pareil. Sauf qu’elle me demande pas un rond. On m’avait pourtant assuré que ce serait radical. Tu parles !
– C’est si handicapant que ça ?
– C’est rien de le dire. Ne pouvoir penser qu’à ça… Toute la journée… Toute la journée… Toute la journée… Et à rien d’autre. Jamais. Non, mais vous imaginez ?
– Mal.
– J’en crève, il y a des jours. Si vous saviez comme je rêve de pouvoir m’intéresser à autre chose. Au foot. À l’Histoire. Aux voyages. À n’importe quoi. Mais à autre chose. Seulement, non. Non. J’y suis en permanence ramené. C’est plus fort que moi. Je suis emprisonné là-dedans. Rien d’autre ne compte. Jamais. Et les femmes ! Ah, les femmes ! Ce que j’aimerais, parfois, qu’on puisse discuter, elles et moi. Les écouter. Sans arrière-pensée. Partager. Mais non ! Non ! Pour moi ce ne sont jamais rien d’autre que des proies. Des proies vers lesquelles ça se dresse, là, en bas. Des proies qu’il me faut. Et que je vais dépenser des trésors de diplomatie, de persuasion et d’hypocrisie pour m’efforcer d’obtenir. Non. Je me fais plus d’illusions. C’est sans issue. Je suis condamné à mariner éternellement dans mon jus.
– Il doit quand même bien y avoir une solution !
– Laquelle ? Votre copine, là, avec ses tableaux ? J’y crois pas. J’y crois plus.
– Vous allez mettre un terme ?
– Même pas, non ! Et vous savez pourquoi ? Ça va sûrement vous paraître très con. Parce que je sais que j’ai aucune chance avec elle. Que je parviendrai pas à mes fins. Et ça a quelque chose d’extraordinairement reposant.

– Eh bien, les garçons ! On est en pleine discussion à ce que je vois…
Elle était nue.
Il a bandé.

mercredi 31 octobre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (12)


– Celle-là ? Ou celle-là plutôt, non ?
Elle n’arrivait pas à se décider.
– Mais aide-moi plutôt, au lieu de rester planté là comme une bûche…
J’en savais rien, moi. Qu’est-ce qu’elle voulait que j’en sache ? Elles se ressemblaient toutes ces photos. À d’infimes détails près.
– Bon, allez ! On va pas tergiverser comme ça pendant des heures. Ce sera celle-là. J’aime bien l’expression qu’il a là-dessus. Tout penaud. Tout repenti. Avec, en même temps, une pointe d’arrogance qu’il s’efforce tant bien que mal de dissimuler.
Elle a posé une toile vierge sur le chevalet, s’est installée, saisie d’un pinceau.
– Bon, mais et toi ? Raconte ! Comment tu l’as vécu tout ça ?
– Il a pris cher. J’aurais pas aimé être à sa place.
– C’est pas ce que je te demande. Ce que je veux savoir, c’est comment t’as vécu ça de ta place à toi.
– C’est-à-dire ?
– Fais bien l’innocent !
– Tu veux la vérité vraie ?
– De préférence, oui…
– Ça va être difficile.
– Parce que ?
– Parce que tu as des idées très arrêtées sur le sujet, que tu es terriblement bien foutue, que je ne suis pas de bois et que…
– Et que, quand j’ai laissé tomber mon peignoir, tu t’es mis à bander comme un furieux… Bon, ben voilà, c’est dit. Cela étant, je m’en doutais, hein ! Je suis pas complètement idiote.
– Et tu ne m’en tiens pas plus rigueur que ça ? Après tout ce que tu…
– Non, mais faut pas tout mélanger, attends ! Parce qu’un mec comme Charles dont la queue se dresse systématiquement pour n’importe quelle nana, sans distinction, qui veut qu’elle sache, qu’elle sente que, pour lui, elle n’est qu’un trou à remplir et rien d’autre, c’est un véritable calvaire pour nous, les femmes. T’en as partout de ceux-là. Ils est visqueux leur désir. Il est glauque. Il t’humilie. Il t’écœure. Il te donne envie de gerber. Alors oui, oui ! Ceux-là il faut la leur refouler dans la gorge, leur envie de nous. La leur renvoyer dans la gueule. L’anéantir. C’est faire œuvre de salubrité publique. Mais heureusement, t’as pas que ça. T’en as d’autres, par contre, tu perçois parfaitement que leur désir, c’est un hommage qui t’est personnellement destiné. Que c’est toi, en tant que telle, et personne d’autre, qui les met dans cet état-là. Ça a quelque chose de gratifiant, d’émouvant, même si, au bout du compte, ça te laisse complètement indifférente. Si tu n’as pas la moindre intention de les payer de retour. Ils ont envie de toi ? Eh bien, qu’ils aient envie de toi ! Tant qu’ils veulent. Ça les regarde. Et ça te dérange pas. Tant que ça reste dans les clous. Et puis, t’as les autres, ceux qui t’émeuvent, dont le désir éveille le tien. Que t’as envie de sentir dressés contre ton ventre. Dans les bras desquels tu aspires à t’abandonner. Complètement. Avec qui ça se passe. Ou ça se passe pas.
– Et moi, alors ? Dans quelle catégorie tu me ranges ?
– À ton avis ?
– La deuxième ?
– Peut-être.
– Seulement peut-être ?
– De toute façon, pour le moment, la question n’est pas là.
– Ah, bon ! Et elle est où alors ?
– Elle est que j’ai besoin de toi. D’un assistant. D’un garde-fou. Je ne veux peux pas courir le risque qu’un de ces jours Charles, ou un autre du même acabit, me « saute » dessus. Et que t’es très bien dans le rôle. J’ai misé sur le bon cheval. Même si t’as encore quand même pas mal de progrès à faire. Si tu pourrais t’investir davantage. Me donner des conseils, des idées, j’sais pas, moi ! Oh, mais ça viendra, ça, avec le temps. Sûrement. Quand t’auras trouvé tes marques et que, d’une façon ou d’une autre, t’y prendras vraiment du plaisir à tout ça.

mercredi 24 octobre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (11)


– En espérant qu’il va pas nous poser aussi un lapin, celui-là…
– Alors là, lui, je suis bien tranquille. J’ai assez discuté avec. Il y a pas le moindre risque. Par contre, ce que je me demande, c’est si je vais suivre le cérémonial habituel.
– Comment ça ?
– Ben, ça devient lassant à force. En tout cas pour moi. Je les dérouille. Photos. Douze heures. Rephotos. Redouze heures. Rerephotos. Jusqu’à extinction des feux fessiers. Quelques petits coups de pinceau par là-dessus, à mes moments perdus. Et je remets ça avec un autre. Non, faudrait peut-être bien que je change un peu de registre. De façon de procéder. Même si, sur le fond, je touche absolument à rien.
– Oh, toi, t’as une idée derrière la tête…
– Non ? Tu crois ?
Elle a regardé l’heure, s’est levée.
– Il va arriver. Tu lui ouvres ? Je reviens.

Un bref…
– Ça va depuis ce matin ?
Et il s’est déshabillé sans un mot.
Elle a presque aussitôt fait son apparition. En peignoir. Le même peignoir.
– Tournez-vous !
Il lui a docilement obéi.
Elle lui a contemplé un long moment les fesses.
– Mouais… Ça a pas trop bougé depuis ce matin. Ça veut pas vraiment s’épanouir en jolis rouges profonds. Le mieux, du coup, ce serait peut-être qu’on reprenne tout à zéro. Non ? Vous croyez pas ? Ben, regardez-moi !
Il s’est retourné, a été sur le point de dire quelque chose, s’est ravisé, finalement tu.
– À moins que ce ne soit finalement pas nécessaire. Que la leçon de ce matin n’ait porté ses fruits. C’est le cas ?
– C’est le cas.
Elle a eu une moue dubitative.
– Espérons-le ! Non, parce que ce qu’il faut bien que vous finissiez par vous mettre dans la tête, vous, les mâles, c’est que vous n’avez absolument pas à éprouver de désir à notre égard tant que nous ne le souhaitons pas. C’est parfaitement inacceptable. Nous ne sommes pas des instruments voués à la satisfaction de vos appétits sexuels. Quant aux lieux communs éculés habituels, « Ça ne se commande pas ! » « C’est une réaction physiologique incontrôlable », et autres sornettes du même tabac, vous n’en êtes plus là, j’espère…
– Non.
– Sûr ?
– Sûr.
– Me voilà rassurée. Je peux donc laisser tomber mon peignoir sans susciter, de votre part, de réaction inappropriée ?
– Vous le pouvez.
– Sachant quand même que, là dessous, je suis complètement nue.
À peine a-t-elle eu le temps de faire mine d’en dénouer la ceinture que la queue du type a fait un bond, s’est élancée, dressée toute droite, palpitante.
Elle s’est interrompue. A éclaté de rire.
– Va encore falloir que j’aille au charbon. Vous êtes décidément incorrigibles, vous, les mecs, hein ! Bon, mais allez !
Avec un grand soupir.
Elle s’est emparée du martinet qui était posé au pied du chevalet. Est passée derrière lui. A lentement promené les lanières sur ses épaules, sur son dos, sur ses fesses.
– Je vais l’enlever mon peignoir. Je serai beaucoup plus à l’aise pour vous corriger. Mais vous ne verrez pas. Vous ne verrez rien. Vous avez interdiction formelle de vous retourner.
Et elle l’a fouetté. Entièrement nue.

mercredi 17 octobre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (10)


– Tu dis rien ?
Il venait de partir, le type. Et elle, d’enfiler un peignoir. Vert à petites fleurs roses.
– Hein ? Tu dis rien ? T’es choqué, c’est ça ?
– Choqué ? Bien sûr que non. Pourquoi je serais choqué ?
– Parce que je lui reproche de bander. Que je le lui interdis. Que t’es un mec. Et que bander, c’est le genre de truc à quoi un mec il tient plus qu’à n’importe quoi au monde.
– Faut reconnaître qu’il pouvait difficilement prétendre qu’il bandait pas.
– En fait, c’est quelqu’un qui voudrait absolument réussir à se maîtriser de ce côté-là.
– Ça risque de pas être simple…
– Si j’ai bien compris, mais j’ai pas cherché à approfondir non plus, si j’ai bien compris, il est soumis à des tentations auxquelles il est impératif pour lui de parvenir à résister. Il a donc sollicité mon aide.
– Que tu as généreusement consenti à lui apporter. Quelle bonne Samaritaine tu fais !
– Fiche-toi bien de moi ! Non, il est bien évident que si je n’y avais pas trouvé mon compte…
– Et largement… Ah, tu y es pas allée de main morte. Il va pas pouvoir s’asseoir d’un moment, le pauvre homme !
– C’était pas la mer à boire non plus.
– Enfin…
– Il s’en remettra.
– On se remet toujours de tout. En tout cas, ce qu’il y a de sûr, à te voir faire, c’est que tu prends un pied pas possible à mettre des derrières en feu.
– Je n’ai jamais prétendu le contraire, mais, au risque de te surprendre, ce n’est pas ce qui est vraiment essentiel à mes yeux.
– Ah, oui ? Et c’est quoi alors ?
– Moi, tu sais, dès qu’il y a un challenge à relever…
– Et celui-là, il est de taille.
– Mais surtout, il me parle. Parce que, quand t’es une femme, c’est sans arrêt… sans arrêt… sans arrêt qu’ils t’emmerdent avec leur queue, les mecs. D’une façon ou d’une autre. Ils sont totalement incapables de se réfréner là-dessus. Et, au quotidien, ça te pourrit littéralement la vie. Alors, quand il t’en tombe un entre les pattes, bien décidé à faire de louables efforts pour modifier son inacceptable comportement dans ce domaine, faudrait être complètement stupide pour ne pas sauter sur l’occasion.
– Je vois. En somme, tu ne choisis jamais tes victimes au hasard.
– Jamais. Quand on a l’embarras du choix, on peut se permettre d’être très sélective.
– Et Julien, lui alors, quels ont été les critères ?
– Oh, Julien ! C’est tout un poème, Julien. Au départ, je l’avais éliminé. Il a insisté, m’a adressé d’interminables missives. J’ai fini par le trouver attachant et par lui soupçonner, à tort ou à raison d’avoir des tendances homosexuelles dont il n’a absolument pas conscience. Et je me suis lancé pour défi de les faire progressivement remonter à la surface. Et de l’amener à les accepter.
– Vaste programme ! Et… d’autres challenges en vue ?
– Bien sûr.
– Qui sont ?
– Ah, ça, cher ami, c’est encore mon secret. Chaque chose en son temps. Et, pour l’heure, ce qui est d’actualité, c’est Charles. Qui fera sa réapparition tout à l’heure quand les douze heures fatidiques se seront écoulées. Tu seras là ?
– Si ma présence t’est encore indispensable.
– Elle l’est.

mercredi 10 octobre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (9)



Elle m’a laissé quinze bons jours sans nouvelles. Je faisais, de temps à autre, un saut jusqu’à son atelier. En vain. Elle n’était pas là. Ou ne voulait pas répondre.
Tant et si bien que je me posais une foule de questions. Est-ce que j’avais fait ou dit quelque chose qui lui avait déplu ? Est-ce qu’elle avait finalement trouvé mon comportement avec ce Julien, même si je n’en avais, sur le moment, absolument pas eu conscience, complètement déplacé ? À moins que les questions que je m’étais laissé aller à lui poser l’aient fortement indisposée à mon égard. Ou bien encore qu’elle n’ait jeté son dévolu sur moi que parce qu’elle espérait pouvoir me martyriser, à moi aussi, le derrière, et comme je ne lui avais guère laissé d’espoir de ce côté-là…

J’en étais là de mes réflexions quand, un beau matin, mon portable a enfin sonné.
– David ? C’est moi, Julie.
Ben oui. Je l’avais reconnue, oui.
– Écoute, tu voudrais pas me rendre un service ?
Le tutoiement. Spontanément. Pour la première fois.
– Si c’est dans mes possibilités…
– Il y a en un qui doit venir demain matin. Pour ce que tu sais. A priori, je crois pas qu’il y ait vraiment de danger, mais, vu le contexte dans lequel ça doit se passer, il n’est quand même pas exclu que les choses dégénérent. Alors, si tu pouvais être là…
– C’est sans problème. Tu me dis juste à quelle heure faut que je vienne.
– Sept heures.
– J’y serai.

C’est moi qui lui ai ouvert la porte. Un type d’une cinquantaine d’années, très à l’aise, qui m’a serré la main.
– Charles…
– Enchanté. David…
Il a jeté un regard indifférent autour de lui, s’est laissé tomber dans le premier fauteuil venu.
– Elle est pas là, Julie ?
– Elle va arriver. Par contre, elle a demandé qu’aussitôt arrivé, vous vous déshabilliez. Complètement.
– À ses ordres.
Et il l’a fait. Tranquillement. Posément. Chaque vêtement soigneusement plié, déposé avec précaution sur le fauteuil. Avant d’aller s’absorber dans la contemplation des tableaux, mains croisées dans le dos.
– J’ai de la concurrence, on dirait…
C’est alors qu’elle a surgi, seins nus, vêtue en tout et pour tout d’une minuscule petite culotte noire ajourée qui ne laissait pas ignorer grand-chose de ce qu’elle était supposée dissimuler.
Il lui a jeté un bref regard. Et lui a aussitôt tourné le dos.
– Face à moi !
Il a fait celui qui n’entendait pas.
– J’ai dit : face à moi !
Il s’est retourné.
– J’en étais sûre !
Il bandait comme un cerf.
– Je vous l’avais interdit. Formellement. Non ? Je vous l’avais pas interdit ?
– Ben si, mais…
– Mais quoi ?
– Je peux pas. Quand je vous ai vue… Quand je vous vois… Non, je peux pas.
– Bien sûr que si, vous pouvez ! Tout le monde peut !
– Pas moi !
– Vous aussi ! On va faire ce qu’il faut pour, vous allez voir…
Et elle a abattu le martinet.

mercredi 3 octobre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (8)


– Dix heures et quart. On peut faire une croix dessus. Il viendra plus.
J’ai voulu lui trouver des excuses.
– Il est peut-être juste un peu en retard. Il va arriver.
– Et il repartira aussi sec. Avec moi, l’heure, c’est l’heure. Je suis pas à sa disposition. Non, mais, de toute façon, il se pointera pas. Vous trouver là, ce matin, l’a complètement perturbé. Mais ça, le connaissant, je m’en doutais bien un peu. J’ai voulu tenter le coup quand même. Je le regrette absolument pas. J’ai passé un excellent moment.
– Pour ce qui est de votre série de tableaux, par contre…
– Oh, mais ce n’est que partie remise, vous verrez ! Dans trois ou quatre jours, il va reprendre contact avec moi. Je lui battrai froid. Il s’excusera platement, me suppliera de lui donner une seconde chance. Je finirai par accepter. Après avoir longtemps fait mine de tergiverser. Et à la condition qu’il accepte d’en passer par tout ce que je voudrai.
– Je crains le pire.
– Ah, ça, je vais pas le ménager. À un vrai feu d’artifice il va avoir droit.
– Qui consistera en quoi ? On peut savoir ?
– Vous verrez. Le moment venu. Parce qu’évidemment vous serez là.

On a dîné ensemble.
– Mais à la bonne franquette, hein ! Je me mets pas aux fourneaux à cette heure-ci.
Elle avait quand même trouvé moyen de nous sortir deux truites de je ne sais où et une bouteille de Pouilly fumé – bien fraîche – de derrière les fagots.
– Je peux vous poser une question ?
– Essayez toujours, vous verrez bien…
– Vous prenez manifestement beaucoup de plaisir à infliger de cuisantes corrections et à en caresser ensuite amoureusement les marques, du bout du pinceau. Ce traitement de faveur est-il réservé exclusivement aux hommes ou vous arrive-t-il parfois d’en faire bénéficier vos consœurs ?
– Cela ne s’est encore jamais produit. Et ne se produira sans doute jamais.
– Les croupes masculines sont donc les seules à vous tenter ?
– Vous êtes très perspicace.
– Et la raison ?
– En faut-il absolument une ?
– Ça vous vient bien de quelque part cette envie… Il y a toujours une origine à tout, non ? Vous avez peut-être vu des films ou lu des livres qui vous ont particulièrement marquée…
– Si c’est le cas, je ne m’en souviens pas.
– Ou alors vous en avez reçu. À un moment ou un autre de votre existence. De la main d’un homme. Et c’est la réponse de la bergère au berger.
– Pas davantage.
– Il y a sûrement quelque chose. Forcément. Que vous avez oublié. Que vous vous êtes forcée à oublier.
– Ou dont je me souviens très bien au contraire.
– Ah, vous voyez ! C’est quoi ?
– Vous êtes bien curieux. Si on parlait de vous plutôt ? Racontez-moi ! Vous en avez déjà donné, vous, des fessées ?
– Jamais, non !
– Reçu alors ?
– Non plus.
– Et ça ne vous a jamais tenté ?
– Absolument pas.
– Ça viendra peut-être, qui sait ?
– Alors ça, ça m’étonnerait.

mercredi 26 septembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (7)


Aussitôt la porte refermée, elle m’a applaudi. Du bout des doigts.
– Vous avez été parfait. Absolument parfait.
– Moi ?
– Vous, oui. Comment vous l’avez mis mal à l’aise !
– Je n’ai pourtant rien fait pour ça.
– Que vous dites.
– Je vous assure…
– Vous aviez une de ces façons de le regarder. Vous le dévoriez des yeux, oui !
– Je me suis pas rendu compte.
– Lui qui voulait pas de témoins, surtout masculins, ben, pour le coup, il était servi. Ah, il a pas fini d’y repenser. Et d’appréhender de vous trouver encore là ce soir. Vous y serez ?
– Je sais pas, je…
– Bien sûr que si ! Vous en crevez d’envie, avouez ! On va pas le ménager, vous allez voir ! J’adore. J’adore vraiment. Bon, mais en attendant, c’est pas tout ça. J’ai du travail.
Elle s’est installée devant son chevalet. A fait défiler les photos qu’elle venait de prendre. Hésité.
– Spontanément, j’irais plutôt vers celle-là. Les zébrures y sont bien mises en valeur. Mais, d’un autre côté, sur l’autre, là, j’adore l’expression de son visage. Il y a un petit je ne sais quoi… C’est pas le plaisir. C’est pas la honte. C’est un peu des deux. Avec quelque chose en plus. Que j’arrive pas vraiment à définir. Non. J’hésite. J’hésite vraiment. Laquelle vous choisiriez, vous ?
– Oh, la première. Sans la moindre hésitation.
– J’en étais sûre.
Elle a éclaté de rire.
– Pourquoi vous riez ?
– Non. Pour rien. Comme ça.
– Mais si ! Dites…
– Ses attributs masculins y sont très apparents.
– Je n’y avais pas prêté la moindre attention.
– Ça vous attire, les hommes, hein !
– Absolument pas.
– Oh, mais je vous crois ! Je vous crois.
Avec un petit sourire entendu qui signifiait, à l’évidence, qu’elle n’en pensait pas un mot.
Elle a déposé une première touche de couleur sur la toile.
– On pourrait faire une sacrée bonne équipe, tous les deux, n’empêche, si on voulait !
– Comment ça ?
– Une femme seule, qui reçoit des hommes chez elle, dans les conditions que vous savez est exposée à ce qu’à un moment ou à un autre, les choses dérapent. Quand bien même elle ferait preuve de la plus extrême prudence.
– Ça vous est déjà arrivé ?
– Une fois. Non deux. J’ai réussi à me tirer d’affaire, mais c’est passé fin. Très fin. Si bien que si je disposais, en permanence, d’un comparse, je vivrais les choses de façon beaucoup plus sereine. Et ça me permettrait de retenir des candidatures que je rejette, à l’heure actuelle, impitoyablement parce qu’elles me paraissent présenter des risques sérieux.
– Je comprends mieux.
– Vous comprenez mieux quoi ?
– Pourquoi vous avez tant tenu à reprendre contact avec moi.
– C’est peut-être l’une des raisons. Ce n’est pas forcément la plus importante.
– Ah… Et c’est quoi la plus importante ?
Elle a posé un doigt sur ses lèvres.
– Chuuuut…

mercredi 19 septembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (6)


Quand le type m’a aperçu, un grand brun, d’une quarantaine d’années, il a esquissé un bref mouvement de recul. Qu’il a très vite réprimé.
Elle l’a poussé à ma rencontre.
– David, un ami.
Il m’a tendu une main hésitante. Sans me regarder vraiment.
Elle a froncé les sourcils.
– Et ? Vous vous appelez comment déjà ?
– Julien.
– Et Julien. Qu’il s’avère malheureusement indispensable de remettre dans le droit chemin. Par des méthodes éprouvées.
Elle l’a pris par le bras, lui a lentement, très lentement fait faire le tour de l’atelier. Avec un arrêt devant chaque tableau.
– Alors ?
– Je sais pas. Choisissez, vous !
– Certainement pas, non !
Un deuxième tour.
– Décidez-vous ! On va pas y passer la journée.
Il s’est lancé.
– Le martinet.
– Eh bien, va pour le martinet. Déshabillez-vous ! Tout, vous enlevez tout.
Il a jeté un regard furtif dans ma direction.
– Mais…
– Mais quoi ? Il y a un problème ?
– Je vous avais dit…
– Que vous vouliez que ça se passe sans témoin. Je sais, oui, mais moi, j’ai envie qu’il y en ait un. Maintenant, si ça vous convient pas, vous pouvez partir. La porte est grande ouverte.
Il n’a pas répondu. Il a quitté ses vêtements. Tous ses vêtements. En nous tournant le dos. Et il a attendu.
Elle a fait durer. Exprès. Deux ou trois interminables minutes.
– Contre le mur, mains sur la tête.
Il a obéi.
Elle s’est approchée, tout près, a fait claquer, à plusieurs reprises, le martinet en l’air. À quelques centimètres de son postérieur. Et puis elle est allée se servir un café. M’en a proposé un.
– On s’assied, on sera mieux.
Et on a discuté. De l’exposition Kupka au Grand Palais. De Giacometti. Des « Fiancés » de Manzoni. De Palestrina. Longtemps.
– Bon, mais c’est pas tout ça ! Faudrait peut-être que je l’expédie, l’autre, là-bas. Il va sécher sur pied, sinon.
Elle s’est levée.
– J’en ai pas pour longtemps.
Lui a promené les lanières tout au long du dos.
– Inutile de faire de longs discours. Tu sais ce qu’on te reproche. Et ce que TU te reproches.
– Oui.
– Eh bien allez, alors !
Et elle a cinglé. Sept ou huit coups. À toute volée. Qui se sont inscrits en longues hachures horizontales, à pleines fesses. Il a hurlé.
– Mais faut pas crier comme ça ! Quelle doudouille vous faites…
Elle a suivi, du bout de l’index, sur sa croupe, les contours des traînées rosées que le martinet y avait déposées.
– Bon, mais on va s’offrir un petit bonus, du coup. Ça vous apprendra. Et tâchez de vous comporter en homme, cette fois…
Encore cinq ou six coups. Il a serré les dents, les poings, mais a quand même fini par crier. Une sorte de long sanglot étranglé en continu.
Elle a haussé les épaules.
– Vous êtes décidément irrécupérable. Venez là !
Devant le miroir.
– Tournez-vous très légèrement vers la droite. Comme ça, oui. Ne bougez plus !
Elle a pris cliché sur cliché.
– Je garderai le meilleur.
Lui, pendant ce temps-là, il s’efforçait désespérément d’éviter mon regard dans la glace. Sans y parvenir. C’était plus fort que lui : il y était constamment ramené.
– Là, c’est bon. Vous pouvez aller vous rhabiller.
Il s’est précipité sur ses vêtements.
– Mais n’oubliez pas ! Il est dix heures. Je vous attends à dix heures ce soir.

mercredi 12 septembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (5)


Elle avait accroché les tableaux aux murs.
– C’est mieux, non ?
C’était mieux, en effet. Nettement mieux. J’en étais bien d’accord.
Elle en a remis un d’aplomb.
– Et puis mes prochains souffre-douleur, comme ça, ils seront tout de suite dans l’ambiance.
– Ah, ça, pour savoir ce qui les attend, ils sauront ce qui les attend.
– Lequel vous préférez, vous ?
J’ai refait un tour.
– Peut-être celui-ci.
– Germain ? Il était trop, Germain. Il voulait et puis il voulait pas. En même temps. J’en ai usé avec lui beaucoup plus sévèrement du coup. Parce que faut savoir ce qu’on veut dans la vie. Vous croyez pas, vous ?
Elle avait effectivement mis la dose. Le sang perlait. Les chairs avaient éclaté par endroits. Et ses fesses étaient d’un rouge incandescent.
– Il avait adoré au final. Comme quoi !
Pas moins de huit tableaux lui étaient consacrés.
– Ben oui, forcément ! Il a fallu sacrément du temps pour qu’elles s’effacent complètement, les marques.
Je suis tombé en arrêt devant un petit rouquin aux fesses joufflues d’une vingtaine d’années.
– En général, les jeunes, j’aime pas trop. Je préfère donner dans l’âge mûr, voire carrément très mûr. Mais là, Kevin, j’avais fait une exception. Je le trouvais attendrissant avec ses airs de gros bébé. Je l’ai même laissé revenir. C’était une erreur. Une grossière erreur. Parce qu’à l’arrivée, j’ai été obligée de le foutre carrément dehors. Il devenait d’un encombrant ! C’est tous les jours qu’il avait fini par venir quémander sa fessée.
– Il y en a beaucoup qui veulent revenir comme ça ?
– La plupart. Mais Kevin m’a servi de leçon. Je ne remets désormais jamais le couvert. Je ne refuse pas, non, je suis pas idiote. Je dis plus tard. On verra. Je réserve l’avenir. Parce qu’on sait jamais. Peut-être qu’avec l’un ou l’autre, un jour, j’aurai envie. Même si ça m’étonnerait. J’aime pas trop le réchauffé. Non, ce qu’il y a d’exaltant dans ce truc, c’est la nouveauté. C’est de sentir tout à la fois l’excitation et l’appréhension de celui qui s’en remet pour la première fois à toi. De le découvrir. De le pousser dans ses ultimes retranchements. Tu te prends un de ces pieds !
– Peut-être qu’à force le filon va se tarir, non ?
– Oh, alors là, il y a vraiment aucun risque. J’ai une liste d’attente longue comme le bras. Et de nouvelles candidatures affluent tous les jours. Ça vous étonne, on dirait.
– Un peu quand même, oui ! Vous recrutez où ? Sur Internet ?
– Essentiellement, oui ! Il y a des quantités d’hommes, vous savez, qui rêvent qu’on leur rougisse le derrière.
– Et quantité de femmes prêtes à le leur rougir.
– Contre monnaie sonnante et trébuchante. Ce qui n’est pas mon cas. Moi, je me contente d’y prendre du plaisir. Ce que je revendique haut et fort. Et ce qui les comble d’aise. Ils se bousculent dans ma boîte mail. Du coup, je n’ai que l’embarras du choix.
– Un choix que vous opérez sur quels critères, si ce n’est pas indiscret ?
– Déjà, il faut qu’ils acceptent de se laisser photographier. Pour la raison que vous savez. Ils ne s’y refusent pratiquement jamais. Après, c’est au feeling. À l’instinct. En fonction de ce qu’ils sont. De ce qu’ils ont vécu. De ce qu’ils souhaitent. De ce qu’ils appréhendent. Le prochain, par exemple… Oh, mais j’y pense… Vous faites quoi demain ?
– Demain ? Rien de spécial. Pourquoi ?
– Ça vous dirait pas d’assister ?
– Je sais pas. Je…
– Oh, si ! Si ! Venez ! Il faut que vous soyez là. Pour plein de raisons. Je vous dirai…

mercredi 5 septembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (4)


– Ah, ben vous vous mettez dans l’ambiance, vous au moins, on peut pas dire…
Des claquements de fouet. À intervalles réguliers. Des halètements. Des gémissements. Les coups se sont faits plus rapides, plus sonores. des plaintes. Des cris. Déchirants.
– C’est lui ? C’est ce bonhomme ?
Elle fait signe que oui. De la tête. Oui.
– Faut bien qu’il participe un peu ! C’est son portrait après tout.
Et elle a précisé.
– J’enregistre toujours. Systématiquement.
Je me suis penché par-dessus son épaule.
– En attendant, ça avance ? Oh, oui, dites donc ! Vous en voyez le bout, là.
– Le bout, c’est le cas de le dire.
Elle était en train de lui fignoler la queue.
J’ai esquissé un sourire.
– Seulement…
– Ce n’est pas reproduit à l’identique, je sais !
La queue et les boules étaient effectivement réduites de moitié. Au moins.
– Et la raison ?
– Vous devez bien vous en douter un peu, non ? C’est que vous êtes tellement fiers, vous, les hommes, de ce qui vous pend entre les jambes qu’il est extrêmement tentant de ramener tout ça à de plus justes proportions.
Elle s’est levée. A pris du recul.
– Je suis pas trop mécontente de moi.
– Oh, vous pouvez ! Vous avez vraiment un sacré coup de pinceau.
J’ai soupiré.
– Et dire que personne le verra jamais, ce tableau.
– Par la force des choses.
– Peut-être que…
– Que quoi ? Une expo ? Une galerie d’art ? Pour que je me retrouve avec un procès au cul ? Perdu d’avance. Non, merci. Sans façons. Très peu pour moi.
– Mais quand même ! Quel gâchis !
– C’est comme ça ! J’en ai pris mon parti : tout ce que je peins est condamné à rester ici.
– Où personne n’en profite. Même pas vous. Tous vos tableaux ont le nez au mur.
– Oh, vous, vous crevez d’envie de les voir, non ?
– Il s’agit aussi de messieurs punis ?
– Bien sûr.
– Il y en a beaucoup ?
– Six. Six en tout. Sans compter celui qu’est en cours de traitement.
– Six ! Eh, ben dites donc !
– Avec une moyenne de cinq tableaux par tête de type. Mais allez-y ! Retournez-en un ! Vous vous rendrez mieux compte. N’importe ! N’importe lequel. Celui que vous voudrez.
Je ne me suis pas fait prier. J’en ai attrapé un hasard que j’ai fait pivoter sur lui-même.
C’était un type d’une quarantaine d’années, grand, athlétique, les fesses striées de grands coups de lanières.
– Je l’aime bien celui-là. C’est un de mes préférés.
Exactement dans la même position que l’autre. Devant le même miroir.
– Ah, ben oui, oui ! Il me les faut de face et de profil. En même temps. Ça vaut pas sinon…
– Et vous n’œuvrez qu’au martinet ? Exclusivement ?
– Oh, non ! Non ! Je varie les plaisirs. Martinet. Main. Fouet. Paddle. Badine. Orties. Tout m’est bon. Et dépend de l’inspiration du moment. Vous allez voir, tenez ! Aidez-moi !
Et on les a tous remis à l’endroit.