mercredi 28 novembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (16)


Il avait vraiment pas l’air rassuré, ce Domitien, c’est le moins qu’on puisse dire. Il était blême. Ses mains tremblaient.
Julie a fait tournoyer le martinet autour de sa tête.
– Bon, allez ! On y va ?
– Attendez ! Attendez ! Dites-moi avant… Ça va se passer comment ?
Elle a haussé les épaules.
– Comment tu veux que ça se passe ? Tu vas te désaper et je vais te fouetter. C’est pas plus compliqué que ça.
– Oui, mais…
– Mais quoi ?
– Ça va faire mal ?
– Ah, ben oui ! Ça ! Forcément…
– C’est obligé ?
– Évidemment que c’est obligé ! Parce que le but, je te le rappelle, c’est d’obtenir des marques significatives et suffisamment durables pour qu’on puisse en tirer quatre ou cinq tableaux des plus décoratifs. J’ai été assez claire là-dessus, ce me semble.
– Vous l’avez été, oui.
– Eh bien alors ?
– C’est que…
– Tu te dégonfles ? Tu serais pas le premier. Bon, mais, c’est pas un problème, ça ! J’attends pas après toi. Il y en a des dizaines et des dizaines qui rêvent d’être à ta place. Alors tu arrêtes de me faire perdre mon temps et tu dégages…
– Oh, non ! Non ! S’il vous plaît !
– Faudrait savoir ce que tu veux…
– Mais je le sais ! Seulement ça me fout quand même une trouille bleue.
– La peur est faite pour être dépassée. Bon, mais ça suffit. Assez discutaillé. T’as quinze secondes pour te mettre à poil. Passé ce délai, je considérerai que tu renonces. Et ce sera sans appel.
Il a jeté un regard dans ma direction. Comme pour solliciter de l’aide. Et puis il s’est décidé. Il a arraché tous ses vêtements qu’il a abandonnés à même le sol.
– Eh bien voilà ! Va te mettre là-bas ! Non, là-bas ! Devant le miroir. Et les mains sur la tête. Pour te punir de cette petite comédie que tu viens de nous infliger. Non, mais qu’est-ce que c’est que ces façons de danser d’un pied sur l’autre ? Je veux. Je veux plus. Je veux quand même. Pour la peine je vais te corriger beaucoup plus sévèrement que je ne l’aurais fait si tu t’étais comporté, d’entrée de jeu, avec un peu plus de courage. Ah ben si, si ! Tu vas pas encore recommencer à faire tout un tas d’histoires ?
Il a baissé la tête.
– Non.
Elle est venue se placer derrière lui. Leurs regards se sont croisés dans la glace. Se sont retenus. Elle lui a promené longuement les lanières le long des fesses. Le long des jambes.
– Je vais te donner un conseil. Pour qu’elle soit plus supportable, la douleur. Tu as sûrement fait, dans ta vie, des choses pas bien jolies. Dont tu n’as vraiment pas de quoi être fier. Tu en fais même très probablement encore. Non ?
– Si !
– Ah, tu vois… C’est quoi ?
– Je…
– Tu veux pas le dire ? C’est pas grave. Tu y viendras. En temps voulu. L’essentiel, pour le moment, c’est que toi, tu le saches et que tu gardes bien à l’esprit que c’est pour ça que tu es puni. Que ce n’est que justice. Vu ?
– Oui.
– Alors, cette fois, on y va.
Elle a cinglé. De toutes ses forces. Il a hurlé.

mercredi 21 novembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (15)


Elle lui a lancé une petite claque sur les fesses.
– Bon, ben voilà. Vous pouvez vous rhabiller. On a fait le tour de la question.
– Mais…
– Mais quoi ? Il n’y a plus la moindre marque.
– Oui, mais le problème n’est pas réglé pour autant.
Ah, ça, pour pas l’être, il l’était pas. Il bandait tout ce qu’il savait, le bougre.
– Il ne le sera jamais, réglé, le problème. Et vous le savez très bien. Vous êtes irrécupérable.
– Mais non, je vous assure…
– Assez discuté. Rhabillez-vous !
– Vous pouvez pas me laisser une petite chance ?
– Rhabillez-vous !
Il a commencé à le faire. Avec un profond soupir.
– Je pourrai voir les tableaux, au moins, quand ils seront finis ?
– Je ne sais pas. J’aviserai. Je vous dirai.
Et elle lui a tourné le dos. Elle a regagné sa chambre.
Il m’a jeté un regard suppliant.
– Vous pourriez pas intercéder, vous ?
– Je verrai ce que je peux faire. Mais vous savez, elle, pour la faire changer d’avis… Mais j’essaierai. Je vous promets d’essayer.
– Merci.

– Il est parti ?
– Il est parti, oui. Mais comment il avait l’air déçu !
Elle a levé les yeux au ciel.
– Ils sont tous déçus quand c’est fini. Tous ! Ou quasiment. T’as vu le nombre qu’il y en a déjà ? Sans compter ceux qu’attendent. Alors je peux matériellement pas me mettre sur le pied de jouer les prolongations avec tout ce monde. J’en sortirais plus. Cela étant, je les garde quand même sous le coude. On sait jamais. Je réserve l’avenir.
– On n’aurait vraiment pas dit tout à l’heure.
– J’avais pas le choix. Charles, c’est le genre de type que je cours le risque de trouver tous les matins sur mon paillasson si je le recadre pas d’entrée de jeu. Il sera toujours temps, après, de desserrer un peu l’étau. Parce qu’il va m’écrire. Je te parie tout ce que tu veux que, dès ce soir, demain au plus tard, j’aurai un mail, voire deux ou trois. Je me montrerai alors beaucoup plus conciliante. Je lui distillerai un peu d’espoir. À la condition expresse qu’il attende mon bon vouloir. Qu’il s’abstienne de m’assaillir de récriminations intempestives. Bon, mais allez ! Assez parlé de lui… Surtout qu’il y en a un autre, là, qui devrait pas tarder à arriver.
– Déjà ! Tu perds pas de temps, dis donc !
– Jamais. C’est un dénommé Domitien. Vingt-deux ans. Que mon projet de tableau toutes les douze heures enthousiasme, paraît-il.
– Un artiste…
– Oui, oh… Ses véritables motivations sont très vraisemblablement ailleurs. Le challenge, pour moi, va consister à les débusquer. Mais il y a pas que ça ! Il y a qu’il ressemble comme deux gouttes d’eau à un type que j’ai connu jadis.
– Un ex ?
– Oui, oh, ben alors ça, il y a pas de risque. Non. C’était quand j’étudiais la peinture, à Vienne, avec un maître de renom. Lui aussi, il suivait ses cours. Une belle enflure, oui ! Je te raconterai.

mercredi 14 novembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (14)


– Ah, il t’a dit ça ?
– Mot pour mot.
– Et tu l’as cru ?
– Ben…
– Il y avait certainement une bonne part de comédie là-dedans, va, pas besoin de t’en faire !
– Ça donnait pas vraiment cette impression.
– Tu parles qu’il y arrive pas à se maîtriser ! À d’autres ! T’y arrives bien, toi ! T’y arrives pas peut-être ?
– Mais si, mais…
– Ah, tu vois ! Toi, t’as pas la queue en l’air à tout bout de champ. T’as pas la langue qui pend de dix kilomètres à chaque nana qui passe. Alors ce qu’est possible pour toi, pourquoi ce serait pas possible pour lui ?
– Parce qu’on réagit pas tous pareil.
– Oui, oh, alors ça ! Non, je vais te dire ce que c’est son problème, à Charles. C’est qu’en réalité, au fin fond de lui-même, il a pas vraiment envie de modifier en quoi que ce soit son comportement. Il s’en donne l’illusion. Pour tout un tas de raisons. Parce que ses agissements lui ont causé – et ne cessent pas de lui causer – toutes sortes de désagréments. Parce que l’image que tout ça lui renvoie de lui-même n’est pas très gratifiante, c’est le moins qu’on puisse dire. Alors il prend la pose. « Je vais changer. Il faut que je change. Je demande que ça. Et, pour preuve de sa bonne volonté, il tente un peu tout et n’importe quoi. Ce qui lui donne bonne conscience. « J’ai fait ce que j’ai pu. Tout ce que j’ai pu. Ça n’a servi strictement à rien. » Forcément. Quand on n’a pas fondamentalement envie de changer, eh bien on ne change pas. C’est pas plus compliqué que ça…
– Quand même ! Quand même ! Il avait l’air vraiment mal…
– Et les femmes sur lesquelles il jette, au quotidien, des regards affamés, elles sont pas mal, elles ? Tu sais ce que c’est, toi, de devoir essuyer, à longueur de trottoir des avances humiliantes, des commentaires salaces, de se faire traiter de pute ou de salope parce qu’on est en jupe ou en robe ? Tu sais ce que c’est d’être en permanence sur le qui-vive ? De devoir, dès qu’on se trouve dans une foule un peu compacte, repousser des mains résolument baladeuses ? Tu sais ce que c’est de jamais pouvoir profiter d’un moment de tranquillité quand on s’aventure à l’extérieur ? Et tout ça à cause de types comme Charles. Copies conformes. Alors je vais te dire : ses états d’âme, il peut se les carrer où je pense. Parce que tu vas voir que bien pris, parti comme c’est, à l’entendre, ça va être lui la victime. Alors non, David, non ! Je ne plaindrai pas Charles. Sûrement pas. Ni lui ni les autres.
– Il y a peut-être quand même une petite chance, non ?
– Une petite chance que quoi ?
– Qu’il change. Qu’il s’amende. Je sais pas, moi !
– J’y crois pas une seule seconde.
– Tu vas faire quoi alors, du coup, avec lui ?
– Mais rien. Rien du tout. Qu’est-ce tu veux que je fasse ?
– Tu vas pas le garder ?
– Demain, après-demain au plus tard, les marques auront complètement disparu. Il n’y aura plus aucune espèce de raison pour que je le garde par les pieds.
– Il y compte bien pourtant.
– Oui, ben alors ça, c’est le cadet de mes soucis. Il est pas seul au monde. Tu verrais tous ceux qu’attendent derrière !
– Avec les mêmes motivations que lui ?
– Plus ou moins. Mais ça, je m’en fiche un peu, en réalité, de leurs motivations. C’est pas ça, à mes yeux, l’essentiel. Même si j’en tiens compte. Même si je m’en sers. Par contre, ils ont tous en commun de ne considérer la femme que comme un objet voué à la satisfaction de leurs instincts les plus primaires.
– Ce qui te permet de régler tes comptes.
– Dans un sens, on peut dire ça comme ça, oui.

mercredi 7 novembre 2018

Julie, artiste peintre, fesseuse (13)


Elle avait voulu que je dorme là. Chez elle. Dans la chambre d’amis.
– Ben oui, attends ! Je vais pas te foutre dehors à cette heure-ci pour te faire revenir aux aurores. D’autant que t’habites pas la porte à côté.

Quand il est arrivé, le lendemain matin, à sept heures tapantes, elle était sous la douche. Elle m’a crié d’aller ouvrir.
– Ben, oui ! Ça fait partie de tes attributions, ça, maintenant.
Il était tout sourire. Parfaitement détendu. Parfaitement à l’aise. Du moins en apparence.
– Salut ! Faut que je fasse quoi, moi, là, maintenant ? Elle vous a dit ?
– Non, mais comme d’habitude, je suppose…
– Il y a de grandes chances, oui.
Et il a entrepris de se dévêtir. Tout en me faisant un brin de causette.
– Vous êtes qui, vous, en fait ? Son mec, c’est ça ?
– Si on vous le demande…
– Oui, bon, okay ! Ça me regarde pas. En attendant, en douce que vous devez bien vous marrer à me voir me démener comme un beau diable pour essayer de pas bander.
– Sans y arriver…
– Ah, ça ! C’est pas faute de prendre mes dispositions avant pourtant ! Dans la voiture. Juste avant de monter. Vous voyez ce que je veux dire. Ça y fait rien. Rien n’y fait rien n’importe comment. Et, de toute façon, quand bien même j’y arriverais, ça prouverait quoi dans des conditions pareilles ? Je l’abuserais peut-être, elle –et encore ! –, mais je ne m’abuserais pas, moi. Non. Faut que je me fasse une raison. Que j’en prenne mon parti. J’aurai beau dire et beau faire, ce truc que j’ai entre les jambes m’emmerdera toute ma vie.
– Mais non ! Pas forcément !
– Oh, que si ! J’ai tout essayé. Tout. Les médecins. Ils m’ont filé des traitements de merde qui m’ont transformé en zombie. Les psys. Ils m’ont fait raconter mon enfance. J’ai perdu mon temps. Je suis tombé entre les pattes de deux ou trois charlatans qui m’ont sucé mon pognon. Sans résultat. Et là, ici, c’est pareil. Sauf qu’elle me demande pas un rond. On m’avait pourtant assuré que ce serait radical. Tu parles !
– C’est si handicapant que ça ?
– C’est rien de le dire. Ne pouvoir penser qu’à ça… Toute la journée… Toute la journée… Toute la journée… Et à rien d’autre. Jamais. Non, mais vous imaginez ?
– Mal.
– J’en crève, il y a des jours. Si vous saviez comme je rêve de pouvoir m’intéresser à autre chose. Au foot. À l’Histoire. Aux voyages. À n’importe quoi. Mais à autre chose. Seulement, non. Non. J’y suis en permanence ramené. C’est plus fort que moi. Je suis emprisonné là-dedans. Rien d’autre ne compte. Jamais. Et les femmes ! Ah, les femmes ! Ce que j’aimerais, parfois, qu’on puisse discuter, elles et moi. Les écouter. Sans arrière-pensée. Partager. Mais non ! Non ! Pour moi ce ne sont jamais rien d’autre que des proies. Des proies vers lesquelles ça se dresse, là, en bas. Des proies qu’il me faut. Et que je vais dépenser des trésors de diplomatie, de persuasion et d’hypocrisie pour m’efforcer d’obtenir. Non. Je me fais plus d’illusions. C’est sans issue. Je suis condamné à mariner éternellement dans mon jus.
– Il doit quand même bien y avoir une solution !
– Laquelle ? Votre copine, là, avec ses tableaux ? J’y crois pas. J’y crois plus.
– Vous allez mettre un terme ?
– Même pas, non ! Et vous savez pourquoi ? Ça va sûrement vous paraître très con. Parce que je sais que j’ai aucune chance avec elle. Que je parviendrai pas à mes fins. Et ça a quelque chose d’extraordinairement reposant.

– Eh bien, les garçons ! On est en pleine discussion à ce que je vois…
Elle était nue.
Il a bandé.