– Ah,
il t’a dit ça ?
– Mot
pour mot.
– Et
tu l’as cru ?
– Ben…
– Il
y avait certainement une bonne part de comédie là-dedans, va, pas
besoin de t’en faire !
– Ça
donnait pas vraiment cette impression.
– Tu
parles qu’il y arrive pas à se maîtriser ! À d’autres !
T’y arrives bien, toi ! T’y arrives pas peut-être ?
– Mais
si, mais…
– Ah,
tu vois ! Toi, t’as pas la queue en l’air à tout bout de
champ. T’as pas la langue qui pend de dix kilomètres à chaque
nana qui passe. Alors ce qu’est possible pour toi, pourquoi ce
serait pas possible pour lui ?
– Parce
qu’on réagit pas tous pareil.
– Oui,
oh, alors ça ! Non, je vais te dire ce que c’est son
problème, à Charles. C’est qu’en réalité, au fin fond de
lui-même, il a pas vraiment envie de modifier en quoi que ce soit son comportement. Il s’en donne l’illusion. Pour tout un tas de
raisons. Parce que ses agissements lui ont causé – et ne
cessent pas de lui causer – toutes sortes de désagréments.
Parce que l’image que tout ça lui renvoie de lui-même n’est pas
très gratifiante, c’est le moins qu’on puisse dire. Alors il
prend la pose. « Je vais changer. Il faut que je change. Je
demande que ça. Et, pour preuve de sa bonne volonté, il tente un
peu tout et n’importe quoi. Ce qui lui donne bonne conscience.
« J’ai fait ce que j’ai pu. Tout ce que j’ai pu. Ça n’a
servi strictement à rien. » Forcément. Quand on n’a pas
fondamentalement envie de changer, eh bien on ne change pas. C’est
pas plus compliqué que ça…
– Quand
même ! Quand même ! Il avait l’air vraiment mal…
– Et
les femmes sur lesquelles il jette, au quotidien, des regards
affamés, elles sont pas mal, elles ? Tu sais ce que c’est,
toi, de devoir essuyer, à longueur de trottoir des avances
humiliantes, des commentaires salaces, de se faire traiter de pute ou
de salope parce qu’on est en jupe ou en robe ? Tu sais ce que
c’est d’être en permanence sur le qui-vive ? De devoir, dès
qu’on se trouve dans une foule un peu compacte, repousser des mains
résolument baladeuses ? Tu sais ce que c’est de jamais
pouvoir profiter d’un moment de tranquillité quand on s’aventure
à l’extérieur ? Et tout ça à cause de types comme Charles.
Copies conformes. Alors je vais te dire : ses états d’âme,
il peut se les carrer où je pense. Parce que tu vas voir que bien
pris, parti comme c’est, à l’entendre, ça va être lui la
victime. Alors non, David, non ! Je ne plaindrai pas Charles.
Sûrement pas. Ni lui ni les autres.
– Il
y a peut-être quand même une petite chance, non ?
– Une
petite chance que quoi ?
– Qu’il
change. Qu’il s’amende. Je sais pas, moi !
– J’y
crois pas une seule seconde.
– Tu
vas faire quoi alors, du coup, avec lui ?
– Mais
rien. Rien du tout. Qu’est-ce tu veux que je fasse ?
– Tu
vas pas le garder ?
– Demain,
après-demain au plus tard, les marques auront complètement disparu.
Il n’y aura plus aucune espèce de raison pour que je le garde par
les pieds.
– Il
y compte bien pourtant.
– Oui,
ben alors ça, c’est le cadet de mes soucis. Il est pas seul au
monde. Tu verrais tous ceux qu’attendent derrière !
– Avec
les mêmes motivations que lui ?
– Plus
ou moins. Mais ça, je m’en fiche un peu, en réalité, de leurs
motivations. C’est pas ça, à mes yeux, l’essentiel. Même si
j’en tiens compte. Même si je m’en sers. Par contre, ils ont
tous en commun de ne considérer la femme que comme un objet voué à
la satisfaction de leurs instincts les plus primaires.
– Ce
qui te permet de régler tes comptes.
– Dans
un sens, on peut dire ça comme ça, oui.
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