mercredi 14 novembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (14)


– Ah, il t’a dit ça ?
– Mot pour mot.
– Et tu l’as cru ?
– Ben…
– Il y avait certainement une bonne part de comédie là-dedans, va, pas besoin de t’en faire !
– Ça donnait pas vraiment cette impression.
– Tu parles qu’il y arrive pas à se maîtriser ! À d’autres ! T’y arrives bien, toi ! T’y arrives pas peut-être ?
– Mais si, mais…
– Ah, tu vois ! Toi, t’as pas la queue en l’air à tout bout de champ. T’as pas la langue qui pend de dix kilomètres à chaque nana qui passe. Alors ce qu’est possible pour toi, pourquoi ce serait pas possible pour lui ?
– Parce qu’on réagit pas tous pareil.
– Oui, oh, alors ça ! Non, je vais te dire ce que c’est son problème, à Charles. C’est qu’en réalité, au fin fond de lui-même, il a pas vraiment envie de modifier en quoi que ce soit son comportement. Il s’en donne l’illusion. Pour tout un tas de raisons. Parce que ses agissements lui ont causé – et ne cessent pas de lui causer – toutes sortes de désagréments. Parce que l’image que tout ça lui renvoie de lui-même n’est pas très gratifiante, c’est le moins qu’on puisse dire. Alors il prend la pose. « Je vais changer. Il faut que je change. Je demande que ça. Et, pour preuve de sa bonne volonté, il tente un peu tout et n’importe quoi. Ce qui lui donne bonne conscience. « J’ai fait ce que j’ai pu. Tout ce que j’ai pu. Ça n’a servi strictement à rien. » Forcément. Quand on n’a pas fondamentalement envie de changer, eh bien on ne change pas. C’est pas plus compliqué que ça…
– Quand même ! Quand même ! Il avait l’air vraiment mal…
– Et les femmes sur lesquelles il jette, au quotidien, des regards affamés, elles sont pas mal, elles ? Tu sais ce que c’est, toi, de devoir essuyer, à longueur de trottoir des avances humiliantes, des commentaires salaces, de se faire traiter de pute ou de salope parce qu’on est en jupe ou en robe ? Tu sais ce que c’est d’être en permanence sur le qui-vive ? De devoir, dès qu’on se trouve dans une foule un peu compacte, repousser des mains résolument baladeuses ? Tu sais ce que c’est de jamais pouvoir profiter d’un moment de tranquillité quand on s’aventure à l’extérieur ? Et tout ça à cause de types comme Charles. Copies conformes. Alors je vais te dire : ses états d’âme, il peut se les carrer où je pense. Parce que tu vas voir que bien pris, parti comme c’est, à l’entendre, ça va être lui la victime. Alors non, David, non ! Je ne plaindrai pas Charles. Sûrement pas. Ni lui ni les autres.
– Il y a peut-être quand même une petite chance, non ?
– Une petite chance que quoi ?
– Qu’il change. Qu’il s’amende. Je sais pas, moi !
– J’y crois pas une seule seconde.
– Tu vas faire quoi alors, du coup, avec lui ?
– Mais rien. Rien du tout. Qu’est-ce tu veux que je fasse ?
– Tu vas pas le garder ?
– Demain, après-demain au plus tard, les marques auront complètement disparu. Il n’y aura plus aucune espèce de raison pour que je le garde par les pieds.
– Il y compte bien pourtant.
– Oui, ben alors ça, c’est le cadet de mes soucis. Il est pas seul au monde. Tu verrais tous ceux qu’attendent derrière !
– Avec les mêmes motivations que lui ?
– Plus ou moins. Mais ça, je m’en fiche un peu, en réalité, de leurs motivations. C’est pas ça, à mes yeux, l’essentiel. Même si j’en tiens compte. Même si je m’en sers. Par contre, ils ont tous en commun de ne considérer la femme que comme un objet voué à la satisfaction de leurs instincts les plus primaires.
– Ce qui te permet de régler tes comptes.
– Dans un sens, on peut dire ça comme ça, oui.

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