mercredi 19 décembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (19)


– Tu crois que c’est la peine ?
– De quoi donc ?
– Que je revienne ce soir.
Un éclair de déception est passé dans ses yeux. Qui a très vite disparu.
– Comme tu veux. C’est toi qui vois.
– Je crois franchement pas que tu aies grand-chose à craindre d’un type comme lui.
– On sait jamais. On peut pas savoir. Surtout si je le pousse dans ses derniers retranchements.
– C’est ton intention ?
– Peut-être. Ça va dépendre. De tout un tas de choses. Je verrai. J’improviserai. Au coup pour coup. Mais faut pas te croire obligé de venir non plus, hein ! Je veux pas te faire perdre ton temps.
– Je le perds pas.
– Un peu quand même, si ! Parce que tu me rends service. Ce dont je te remercie. Mais à toi, ça n’apporte pas grand-chose. Pour pas dire rien du tout.
– Qui sait ?
Elle m’a coulé un bref regard en coin.
– Ah, oui ?
– Le plaisir manifeste que tu prends à tout ça a quelque chose de très communicatif et, disons-le, de très jubilatoire.
Elle m’a gratifié d’un éclatant sourire.
– Eh ben alors ! Il est où est le problème ? Si c’est le trajet…
– C’est vrai que ça fait quand même au bout.
– Il y a une chambre d’amis. Où t’as déjà passé la nuit. Tu peux t’y installer si tu veux. Ça t’évitera toutes ces allées et venues, deux fois par jour. Tu bosses chez toi en plus. Sur ordi. C’est quelque chose que tu peux très bien faire ici. Non ?
Si. Bien sûr que je pouvais. Si.
– Je reviens.
Et je suis allé chercher quelques affaires.

Elle a passé la tête.
– Ça va ? T’es bien installé ?
– C’est parfait.
– Si t’as besoin de quoi que ce soit, surtout t’hésites pas, hein !
– Promis. Merci.
J’ai pris mes marques. Rempli de mes sous-vêtement et de mes tee-shirts le tiroir d’une commode, suspendu mes pantalons dans la penderie, branché mon imprimante, jeté un coup d’œil, par la fenêtre, sur la cascade grise des toits rendus luisants par la pluie.
Et je me suis mis au travail.
Pas bien longtemps. Elle a frappé, entrouvert la porte.
– Je te dérange pas ?
– Bien sûr que non.
– J’en ai pas pour longtemps. C’est juste que je voulais te dire : je suis vraiment très contente que tu restes. Très. Parce que, maintenant que je me suis habituée à ta présence, j’aurais vraiment beaucoup de mal à envisager tous ces trucs-là sans toi. Je sais pas trop comment expliquer en fait. C’est pas seulement que ça me rassure, c’est pas seulement que c’est dissuasif, c’est que ça prend une autre dimension. De l’ampleur. Tu comprends ?
Elle ne m’a pas laissé le temps de répondre. Elle a refermé la porte. Qu’elle a presque aussitôt rouverte.
– Et puis aussi… Tu sais ce que je me disais ? C’est que ce serait encore mieux si tu pouvais participer. D’une façon ou d’une autre.
Et elle est repartie. Pour de bon, cette fois.

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