mercredi 26 juin 2013

Le Centre2 ( 23 )

– Il est quand même doué, il y a pas à dire…
– Il se défend… Il se défend…
– T’as vraiment l’impression qu’elle sont là… De les voir… Marta… Nollwen…
– Oui… Il y met beaucoup de bonne volonté… Si tu continues comme ça, mon petit Bastien, tu seras récompensé… Tu sais ce qu’on fera ? Eh bien tu pourras rester dans la chambre, à côté, quand je serai avec Patrice… Nous entendre… Nous écouter… Tant que tu voudras… Ça te fait plaisir ?
– Un peu que ça lui fait plaisir… Regarde ses yeux… Tu peux pas lui faire un plus beau cadeau…
– Et même… Si vraiment il me plaît ton bouquin… Mais alors là vraiment… Peut-être qu’un jour… Bon, mais on verra… On verra…

– Léonard… Écoute voir là… Samedi soir on aura du monde… Des amies à nous… Cinq… Alors tu nous mitonneras un de ces petits repas de derrière les les fagots… On compte sur toi, hein !
– Oui, mais… Et pour le service ?
– Le service ? C’est toi qui le feras, bien sûr… Qui veux-tu d’autre ?
– Ah…
– Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui va pas ?
– Rien, non… Mais… faudra que je reste comme ça ?
– Comment ça « comme ça » ? À poil tu veux dire ? Ben évidemment… Tu sais ce qu’on a décidé… D’un commun accord… Et c’est pas parce qu’on reçoit du monde que ça doit changer quoi que ce soit à ta tenue… Au contraire… Telles que je les connais elles seront très certainement ravies… Tu es beaucoup trop pudique, mon cher… Il va falloir apprendre à te défaire de ce vilain défaut… On y arrivera, tu verras… Je suis sûre qu’on y arrivera… De quoi t’as peur au juste ? De bander ? C’est ça, hein ?! Ben oui, tu vas bander, oui… On a vu ce que ça donnait là-bas… Tu peux pas t’empêcher… Et alors ?! Qu’est-ce que ça peut faire ? Elles ont le sens de l’humour, tu sais… Et ça les amusera, je suis sûre… Beaucoup… Non… On passera une excellente soirée, tu verras…

– Bon, ben ça y est… Nollwen… J’ai pris contact…
– Ah, oui ! Comment t’as fait ?
– Je suis tout simplement allée l’attendre à la sortie du boulot… Il travaillait pas Bastien aujourd’hui…
– Et tu l’as reconnue ?
– Rappelle-toi ce qu’il a écrit… C’est la seule jeunette de la boîte…
– Ah, oui, c’est vrai… Et alors ?
– Et alors je l’ai abordée… Franco… Je pouvais lui parler ? Elle a eu l’air surprise… Vaguement inquiète… Oui… Qu’est-ce qu’il y avait ? Oh, rien de grave… Rien de grave… Qu’elle se rassure… C’était juste que… Mais on pouvait peut-être aller prendre quelque chose, non ? On serait mieux pour discuter… Et là je suis passée à l’offensive… Elle était impressionnante… Elle m’impressionnait… Vraiment… Non… Parce que, pour tout lui dire, j’étais photographe… Sur les visages je travaillais… Essentiellement… Mais pas sur n’importe quels visages… Non… Uniquement ceux qui avaient « quelque chose » à dire… Qui révélaient… Une personnalité… Une profondeur… Une richesse intérieure… Et le sien… Fallait reconnaître… Parce que j’en avais vu beaucoup, mais le sien alors là ! Ah oui ? Elle se rendait pas compte… Elle savait pas… Qu’est-ce qu’il avait de si spécial ? Ce qu’il avait de si spécial ? Elle allait voir ! Elle allait voir comment j’allais le faire parler… Le faire chanter… À condition, bien sûr, qu’elle accepte de travailler avec moi… Oh, elle, elle voulait bien… Il y avait pas de raison… À condition que je lui dise… Ça consistait en quoi au juste ? À ce qu’on parle toutes les deux… Qu’on se voie de temps à autre… Pour que je puisse cerner sa personnalité profonde au plus près… En appréhender toutes les facettes… Ensuite seulement on passerait aux photos…
– Tu vas vraiment en faire ?

– Je sais pas… Je verrai… Ça va dépendre… De la façon dont les choses vont tourner… Je m’adapterai… Le but de l’opération c’est, dans un premier temps, de la faire parler… Se dévoiler… Idem pour Marta avec qui je vais entrer en relation par son intermédiaire… Ensuite, quand les choses seront bien avancées, je mettrai Bastien au courant… Que je les vois… Que je suis en contact étroit avec elles… Sans lui en dire plus… Qu’il puisse tout imaginer… Et le contraire de tout… Après j’aviserai… Je leur ferai peut-être lire ce qu’il a écrit… Si ça prête… Si je sens qu’elles sont susceptibles d’entrer dans le jeu… D’une façon ou d’une autre… Et puis peut-être que tout prendra un tour complètement différent… Inattendu… On verra à ce moment-là… On improvisera…

mercredi 19 juin 2013

Nollwen, Marta et Bastien ( 2 )

– On va se boire un café avant ?
– On va être juste… Huit heures il a dit…
– Et alors ? Même qu’on soit à la bourre… Qu’est-ce ça peut foutre ? Au contraire… C’est pas plus mal… Ça va lui mettre la pression… Déjà qu’il doit flipper un max…
– Ce qu’il y a de sûr, c’est que j’aimerais pas être à sa place…
– Oui, ben moi je suis bien contente d’être à la mienne… Et que ce soit sur lui que ça tombe… Parce qu’on peut bien dire ce qu’on veut, mais les mecs – tous, absolument tous, il y a quasiment pas d’exception – ils nous prennent de haut… Une nana, pour eux, c’est quelque chose de forcément inférieur… Par nature… T’en as, bien sûr, qui prétendent le contraire… Qui jurent leurs grands dieux… Qui font des efforts… C’est justement ça le problème, c’est qu’ils font des efforts… Ce qui prouve bien qu’au fond d’eux-mêmes… Comme les autres… Non ? T’es pas de mon avis ?     
– Faut bien reconnaître…
– Ah, tu vois ! C’est pour ça… Quand il nous en tombe un entre les mains… Surtout un comme ça… Et qu’on peut le remettre à sa place… On aurait tort de se priver… Chacun son tour… Qu’ils voient un peu ce que ça fait, eux aussi, de passer sans arrêt pour des moins que rien… De se faire foutre plus bas que terre… Ah, non ! Non… Elle est trop belle l’occasion… Une véritable aubaine… Alors faut pas hésiter à taper là où ça fait mal…
– Son amour-propre va en prendre un sacré coup… Ça, c’est sûr… Parce que se ramasser une bonne correction, comme ça, devant deux collègues qu’il est amené à fréquenter tous les jours…
– Surtout que les mecs, en plus, si on gratte bien, on s’aperçoit qu’ils sont nettement plus pudiques que nous… Un mec à poil devant toi, surtout si toi, t’es habillée il y a rien de plus facile que de le déstabiliser… Suffit que tu le fixes en bas avec un air vaguement ironique… Vaguement moqueur… Que tu fasses semblant de réprimer un fou rire… Tu t’en prends à leur sacro-sainte virilité, là… Ils supportent pas… Parce que leur machin, pour eux, il est pas seulement ce qu’il est… C’est tout un symbole… Il représente plein de choses… Alors les attaquer là-dessus…
– C’est quelque chose que t’adores…
– C’est pas que j’adore… Enfin, si, dans un sens… mais c’est surtout que ça rétablit l’équilibre… Au moins en partie…
– Et tu l’as fait souvent ?
– Pas aussi souvent que j’aurais voulu… Malheureusement… Mais j’en garde un souvenir ! Surtout le dernier… Et puis aussi un truc sur Internet… Je te raconterai si tu veux… Un jour qu’on aura plus de temps...
– Oui… Parce qu’il faudrait quand même bien qu’on finisse par y aller…

C’est lui qui nous a ouvert… La tête basse… Sans, à aucun moment, parvenir à croiser nos regards…
– Alors c’est le grand jour ?
Et Nollwen est partie d’un offensant petit rire de tête… Il a rougi… Voulu dire quelque chose… S’est repris…
Elle s’est penchée ostensiblement à mon oreille… A murmuré…
– Je sens qu’on va bien s’amuser… Encore plus que ce que je croyais…   
Il nous a fait signe… On l’a suivi… Sa femme s’est précipitée à notre rencontre… Nous a chaleureusement embrassées…
– Ravie de faire votre connaissance… Vraiment ravie… C’est sincère, vous savez ! Mais restez pas là… Venez vous asseoir… Et toi, Bastien, mets-toi là… En face d’elles… Qu’elles te voient bien… Et fais pas cette tête-là ! T’es pas content de les voir ? Si ?! Eh bien alors ! Il vous aime beaucoup, vous savez ! C’est souvent qu’il me parle de vous… Et même… Tenez… Vous savez comment il vous surnomme ?
– Tu vas pas…
– Ah, ben si ! Si ! C’est normal qu’elles sachent…
– Mais oui… Dites… Quels charmants surnoms il nous a trouvés ?
– Vous, Marta, c’est « La cougar qui s’ignore »… Et toi, Nollwen, « Centre d’accueil »…
– Oh, mais c’est charmant !
– Oui… Ça lui ressemble tellement… C’est si plein de délicatesse…
– Et qu’est-ce qui nous vaut de si gentilles appellations ?

– Il paraît que… Mais attendez… Il va d’abord aller nous chercher à boire…  

mercredi 12 juin 2013

Le Centre2 ( 22 )

– Elle est pas mal ton histoire… Si, c’est vrai, hein… Pas mal du tout… Qu’est-ce t’en penses, toi, Marjorie ?
– Que c’est prometteur… Que ça démarre bien… Après, sur la durée, faudra voir…
– C’est tout vu… Il a intérêt à tenir la distance notre petit Bastien… Et que ça reste de qualité… Sinon…
– Tu lui flanques la fessée…
– Ça, oui… Bien sûr… Mais pas seulement… Parce que maintenant j’ai des adresses… Ses deux collègues, là… Alors s’il veut pas que je les fasse entrer en scène POUR DE VRAI…
– Peut-être qu’il aimerait…
– C’est une perspective qui le terrifie… Regarde sa tête… Mais je suis sûre que tout au fond de lui… Sous le fatras des préjugés et des réticences d’amour-propre… Il adorerait finalement…
– Vous allez pas faire ça ?!
– Mais mon cher, ça dépend de toi… Et uniquement de toi… Tu vois que t’as tout intérêt à t’appliquer…
– Je ferai de mon mieux… Je vous promets…
– C’est bien… Tu es un bon garçon… Bon, mais moi, en attendant, je vais aller essayer notre petit Patrice… Voir un peu ce que ça donne…

– Alors ? Ton avis ?
– Effectivement il a du répondant… Il y a longtemps que…
– Avoue qu’avoir un type comme ça à la maison… À disposition… Dont tu peux te servir… Quand t’as envie… Comme t’as envie… Le rêve, non ?
– Un rêve qui peut devenir réalité… Il suffit que… Parce que j’y pense depuis hier… Imagine… On s’installe ensemble… Toutes les deux… Avec les trois autres…
– Chez moi ça risque d’être compliqué…
– Pas chez moi… C’est grand… Aucun problème… Et tu seras pas trop loin de ton boulot…
– Ce sera plus commode même… Côté transports…
– Eh ben voilà ! Bastien on se l’installe à sa table de travail… Tous les soirs… Tous les week ends… Sous haute surveillance… Jusqu’à ce qu’il nous ait pondu quelque chose qui tienne la route… Ça devrait le faire… Avec une petite récompense de temps à autre et – surtout – l’épée de Damoclès des deux collègues de travail suspendue en permanence au-dessus de sa tête ça devrait le faire…
– Ce sera juste une menace ses collègues ou bien…
– Ça, j’en sais rien du tout… Ce qu’il y a de sûr en tout cas, c’est que je vais m’arranger pour les rencontrer, faire leur connaissance – ne serait-ce que pour lui mettre la pression – et j’aviserai… En fonction des circonstances… De la façon dont son bouquin avance… De ce qu’il y raconte… Et de mon inspiration du moment…
– Et après ? Une fois le bouquin fini ?
– On mettra la barre plus haut… Toujours plus haut... Il faut lui faire donner ce qu’il a de meilleur… Bon… Mais on en est pas encore là… Et il y a pas que lui…
– Oui… Leonard…
– Lui, je sais pas ce que t’en penses, mais je le verrais bien à notre service… Pour les courses, la cuisine, le ménage, tout ça…
– Oh, oui… Oui… Il a exactement le profil pour… Mais alors, à la maison, on le ferait rester systématiquement  à poil… J’aime trop ces airs de vierge effarouchée qu’il prend quand il peut pas s’empêcher de bander…
– Et c’est plus souvent qu’à son tour…
– On pourrait le mettre dans de ces situations en plus !
– Ça, c’est sûr… Et comme on manque d’imagination ni l’une ni l’autre…
– Reste Patrice…
– Oh, lui, la seule chose… Qu’il se débrouille comme il veut, mais qu’il soit en état de marche quand on aura besoin…
– Tous les jours en fait…
– Ou pratiquement… Parce qu’une femme, quand elle rentre du boulot, elle a besoin de décompresser… D’évacuer le stress de la journée…
– Et vu qu’il est au chômage il aura que ça à foutre… Nous attendre et nous satisfaire…
– Bon, ben voilà… Ça paraît pas mal tout ça, non ?
– Et plus que pas mal… Il y a plus qu’à mettre à exécution…
– Eh bien allez alors ! Reste plus qu’à faire nos bagages…
– Ah, non ! Non ! À les faire faire par ces messieurs…   

mercredi 5 juin 2013

Nollwen, Marta et Bastien ( 1 )


– Je peux te parler ?
– Ben bien sûr !
– Oui, mais non... Pas ici... Pas au boulot... Qu'on soit tranquilles... Au petit café en bas, ce soir, tu pourrais ?
– Un quart d'heure... Pas plus... Parce que ce soir justement...
– Ça suffira...

– Bon, ben je t'écoute...
– D'abord je voudrais... Ça restera strictement entre nous, hein ? Tu me promets ?
– Pas de problème...
– Merci... Bon... Alors voilà... Paraît que je me comporte, la plupart du temps, de façon arrogante... méprisante... Bref, en un mot, que je suis particulièrement chiant... Tu trouves, toi aussi ?
– Un peu...
– Un peu seulement ?
– Pour être franche... ce qui se dit au boulot...
– C'est que je suis carrément imbuvable... Non ? C’est pas ça ?
– Tu me mets dans une situation, là…
– Non, mais dis ! Dis carrément… Je le sais de toute façon… Je suis pareil à la maison… Elle me le répète assez ma femme… Elle a décidé d’y mettre bon ordre… Et d’utiliser, pour parvenir à ses fins, les grands moyens…
– Ce qui se passe dans votre couple…
– Attends… Attends… Laisse-moi finir… Ses arguments sont devenus, ces derniers temps, particulièrement frappants…
– Si tu la laisses faire, c’est que tu y trouves ton compte, je suppose…
– Oui, ben alors là détrompe-toi ! Si je pouvais… Seulement suite à certaines circonstances – sur lesquelles je ne vais pas m’appesantir – elle a complètement barre sur moi et je n’ai pas le choix : il faut que j’en passe par où elle veut… Par tout ce qu’elle veut…
– Bon, mais j’ai à voir quoi, moi, dans tout ça ?
– Tu as à voir qu’elle trouve que je ne fais pas beaucoup de progrès… Que mon caractère ne s’améliore pas de façon significative… Du coup elle a décidé de – comme elle dit – passer à la vitesse supérieure… Et de me donner une bonne leçon devant deux de ses collègues de travail et… deux des miennes… Qu’elle me laisse le soin de choisir moi-même…
– Je vois… Et pourquoi moi ?
– Parce qu’avec toi j’ai confiance… Tu me garderas le secret… Non ?
– Si… Bien sûr…
– Et… tu viendras ?
– Je viendrai…
– Merci…
– Et ce sera qui l’autre ?
– Nollwen… La stagiaire… Sûrement…

Nollwen qui m’a rejointe l’après-midi, tout sourire, à la machine à café…
– J’en revenais pas qu’il me demande un truc pareil… À moi ! Il avait pas le choix n’importe comment… Parce que sa femme elle voulait qu’il y en ait une des deux qui soit jeune, à ce qu’il m’a dit… Pas plus de 25 ans… Et dans la boîte à part moi… 22… Je suis dans les normes… N’empêche comment ça le faisait chier de lui demander ça à la petite stagiaire ! Comme le nez au milieu de la figure ça se voyait… Je peux te dire qu’un moment il y a tourné autour du pot avant de se jeter à l’eau… Pas tranquille, mais alors là pas tranquille du tout il était… Au moins douze fois il m’a fait promettre de rien dire avant de le lâcher le morceau… En attendant comment je vais me régaler, moi ! Parce que attends ! Ah, il m’en a fait baver depuis six mois ! À me prendre de haut… À me balancer tout un tas de réflexions sans arrêt… À me traiter comme une moins que rien… Une vraie teigne ce bonhomme… Alors je te dis pas le pied que ça va être de le voir se ramasser sa dérouillée… Je vais bien rigoler… Et je vais pas m’en cacher…
– Fais attention quand même !
– À quoi ?
– Aux retombées après…
– Qu’est-ce tu veux qu’il fasse ? Je serai en position de force… Il la ramènera pas… Bien trop risqué… Des fois que j’aille vendre la mèche… Il aurait bonne mine dans la boîte… N’empêche… tu sais le truc que je me demande ? C’est comment elle fait sa bonne femme pour le tenir comme ça…
– J’avoue que…
– Parce que c’est vraiment pas le genre de type à se laisser imposer ça… Sauf s’il peut vraiment pas faire autrement… Un sacré truc il doit avoir à se reprocher quelque part… Oh, mais on saura… On finira bien par savoir…