mercredi 19 septembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (6)


Quand le type m’a aperçu, un grand brun, d’une quarantaine d’années, il a esquissé un bref mouvement de recul. Qu’il a très vite réprimé.
Elle l’a poussé à ma rencontre.
– David, un ami.
Il m’a tendu une main hésitante. Sans me regarder vraiment.
Elle a froncé les sourcils.
– Et ? Vous vous appelez comment déjà ?
– Julien.
– Et Julien. Qu’il s’avère malheureusement indispensable de remettre dans le droit chemin. Par des méthodes éprouvées.
Elle l’a pris par le bras, lui a lentement, très lentement fait faire le tour de l’atelier. Avec un arrêt devant chaque tableau.
– Alors ?
– Je sais pas. Choisissez, vous !
– Certainement pas, non !
Un deuxième tour.
– Décidez-vous ! On va pas y passer la journée.
Il s’est lancé.
– Le martinet.
– Eh bien, va pour le martinet. Déshabillez-vous ! Tout, vous enlevez tout.
Il a jeté un regard furtif dans ma direction.
– Mais…
– Mais quoi ? Il y a un problème ?
– Je vous avais dit…
– Que vous vouliez que ça se passe sans témoin. Je sais, oui, mais moi, j’ai envie qu’il y en ait un. Maintenant, si ça vous convient pas, vous pouvez partir. La porte est grande ouverte.
Il n’a pas répondu. Il a quitté ses vêtements. Tous ses vêtements. En nous tournant le dos. Et il a attendu.
Elle a fait durer. Exprès. Deux ou trois interminables minutes.
– Contre le mur, mains sur la tête.
Il a obéi.
Elle s’est approchée, tout près, a fait claquer, à plusieurs reprises, le martinet en l’air. À quelques centimètres de son postérieur. Et puis elle est allée se servir un café. M’en a proposé un.
– On s’assied, on sera mieux.
Et on a discuté. De l’exposition Kupka au Grand Palais. De Giacometti. Des « Fiancés » de Manzoni. De Palestrina. Longtemps.
– Bon, mais c’est pas tout ça ! Faudrait peut-être que je l’expédie, l’autre, là-bas. Il va sécher sur pied, sinon.
Elle s’est levée.
– J’en ai pas pour longtemps.
Lui a promené les lanières tout au long du dos.
– Inutile de faire de longs discours. Tu sais ce qu’on te reproche. Et ce que TU te reproches.
– Oui.
– Eh bien allez, alors !
Et elle a cinglé. Sept ou huit coups. À toute volée. Qui se sont inscrits en longues hachures horizontales, à pleines fesses. Il a hurlé.
– Mais faut pas crier comme ça ! Quelle doudouille vous faites…
Elle a suivi, du bout de l’index, sur sa croupe, les contours des traînées rosées que le martinet y avait déposées.
– Bon, mais on va s’offrir un petit bonus, du coup. Ça vous apprendra. Et tâchez de vous comporter en homme, cette fois…
Encore cinq ou six coups. Il a serré les dents, les poings, mais a quand même fini par crier. Une sorte de long sanglot étranglé en continu.
Elle a haussé les épaules.
– Vous êtes décidément irrécupérable. Venez là !
Devant le miroir.
– Tournez-vous très légèrement vers la droite. Comme ça, oui. Ne bougez plus !
Elle a pris cliché sur cliché.
– Je garderai le meilleur.
Lui, pendant ce temps-là, il s’efforçait désespérément d’éviter mon regard dans la glace. Sans y parvenir. C’était plus fort que lui : il y était constamment ramené.
– Là, c’est bon. Vous pouvez aller vous rhabiller.
Il s’est précipité sur ses vêtements.
– Mais n’oubliez pas ! Il est dix heures. Je vous attends à dix heures ce soir.

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