Elle
avait accroché les tableaux aux murs.
– C’est
mieux, non ?
C’était
mieux, en effet. Nettement mieux. J’en étais bien d’accord.
Elle
en a remis un d’aplomb.
– Et
puis mes prochains souffre-douleur, comme ça, ils seront tout de
suite dans l’ambiance.
– Ah,
ça, pour savoir ce qui les attend, ils sauront ce qui les attend.
– Lequel
vous préférez, vous ?
J’ai
refait un tour.
– Peut-être
celui-ci.
– Germain ?
Il était trop, Germain. Il voulait et puis il voulait pas. En même
temps. J’en ai usé avec lui beaucoup plus sévèrement du coup.
Parce que faut savoir ce qu’on veut dans la vie. Vous croyez pas,
vous ?
Elle
avait effectivement mis la dose. Le sang perlait. Les chairs avaient
éclaté par endroits. Et ses fesses étaient d’un rouge
incandescent.
– Il
avait adoré au final. Comme quoi !
Pas
moins de huit tableaux lui étaient consacrés.
– Ben
oui, forcément ! Il a fallu sacrément du temps pour qu’elles
s’effacent complètement, les marques.
Je
suis tombé en arrêt devant un petit rouquin aux fesses joufflues
d’une vingtaine d’années.
– En
général, les jeunes, j’aime pas trop. Je préfère donner dans
l’âge mûr, voire carrément très mûr. Mais là, Kevin, j’avais
fait une exception. Je le trouvais attendrissant avec ses airs de
gros bébé. Je l’ai même laissé revenir. C’était une erreur.
Une grossière erreur. Parce qu’à l’arrivée, j’ai été
obligée de le foutre carrément dehors. Il devenait d’un
encombrant ! C’est tous les jours qu’il avait fini par venir
quémander sa fessée.
– Il
y en a beaucoup qui veulent revenir comme ça ?
– La
plupart. Mais Kevin m’a servi de leçon. Je ne remets désormais
jamais le couvert. Je ne refuse pas, non, je suis pas idiote. Je dis
plus tard. On verra. Je réserve l’avenir. Parce qu’on sait
jamais. Peut-être qu’avec l’un ou l’autre, un jour, j’aurai
envie. Même si ça m’étonnerait. J’aime pas trop le réchauffé.
Non, ce qu’il y a d’exaltant dans ce truc, c’est la nouveauté.
C’est de sentir tout à la fois l’excitation et l’appréhension
de celui qui s’en remet pour la première fois à toi. De le
découvrir. De le pousser dans ses ultimes retranchements. Tu te
prends un de ces pieds !
– Peut-être
qu’à force le filon va se tarir, non ?
– Oh,
alors là, il y a vraiment aucun risque. J’ai une liste d’attente
longue comme le bras. Et de nouvelles candidatures affluent tous les
jours. Ça vous étonne, on dirait.
– Un
peu quand même, oui ! Vous recrutez où ? Sur Internet ?
– Essentiellement,
oui ! Il y a des quantités d’hommes, vous savez, qui rêvent
qu’on leur rougisse le derrière.
– Et
quantité de femmes prêtes à le leur rougir.
– Contre
monnaie sonnante et trébuchante. Ce qui n’est pas mon cas. Moi, je
me contente d’y prendre du plaisir. Ce que je revendique haut et
fort. Et ce qui les comble d’aise. Ils se bousculent dans ma boîte
mail. Du coup, je n’ai que l’embarras du choix.
– Un
choix que vous opérez sur quels critères, si ce n’est pas
indiscret ?
– Déjà,
il faut qu’ils acceptent de se laisser photographier. Pour la
raison que vous savez. Ils ne s’y refusent pratiquement jamais.
Après, c’est au feeling. À l’instinct. En fonction de ce qu’ils
sont. De ce qu’ils ont vécu. De ce qu’ils souhaitent. De ce
qu’ils appréhendent. Le prochain, par exemple… Oh, mais j’y
pense… Vous faites quoi demain ?
– Demain ?
Rien de spécial. Pourquoi ?
– Ça
vous dirait pas d’assister ?
– Je
sais pas. Je…
– Oh,
si ! Si ! Venez ! Il faut que vous soyez là. Pour
plein de raisons. Je vous dirai…
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