mercredi 12 septembre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (5)


Elle avait accroché les tableaux aux murs.
– C’est mieux, non ?
C’était mieux, en effet. Nettement mieux. J’en étais bien d’accord.
Elle en a remis un d’aplomb.
– Et puis mes prochains souffre-douleur, comme ça, ils seront tout de suite dans l’ambiance.
– Ah, ça, pour savoir ce qui les attend, ils sauront ce qui les attend.
– Lequel vous préférez, vous ?
J’ai refait un tour.
– Peut-être celui-ci.
– Germain ? Il était trop, Germain. Il voulait et puis il voulait pas. En même temps. J’en ai usé avec lui beaucoup plus sévèrement du coup. Parce que faut savoir ce qu’on veut dans la vie. Vous croyez pas, vous ?
Elle avait effectivement mis la dose. Le sang perlait. Les chairs avaient éclaté par endroits. Et ses fesses étaient d’un rouge incandescent.
– Il avait adoré au final. Comme quoi !
Pas moins de huit tableaux lui étaient consacrés.
– Ben oui, forcément ! Il a fallu sacrément du temps pour qu’elles s’effacent complètement, les marques.
Je suis tombé en arrêt devant un petit rouquin aux fesses joufflues d’une vingtaine d’années.
– En général, les jeunes, j’aime pas trop. Je préfère donner dans l’âge mûr, voire carrément très mûr. Mais là, Kevin, j’avais fait une exception. Je le trouvais attendrissant avec ses airs de gros bébé. Je l’ai même laissé revenir. C’était une erreur. Une grossière erreur. Parce qu’à l’arrivée, j’ai été obligée de le foutre carrément dehors. Il devenait d’un encombrant ! C’est tous les jours qu’il avait fini par venir quémander sa fessée.
– Il y en a beaucoup qui veulent revenir comme ça ?
– La plupart. Mais Kevin m’a servi de leçon. Je ne remets désormais jamais le couvert. Je ne refuse pas, non, je suis pas idiote. Je dis plus tard. On verra. Je réserve l’avenir. Parce qu’on sait jamais. Peut-être qu’avec l’un ou l’autre, un jour, j’aurai envie. Même si ça m’étonnerait. J’aime pas trop le réchauffé. Non, ce qu’il y a d’exaltant dans ce truc, c’est la nouveauté. C’est de sentir tout à la fois l’excitation et l’appréhension de celui qui s’en remet pour la première fois à toi. De le découvrir. De le pousser dans ses ultimes retranchements. Tu te prends un de ces pieds !
– Peut-être qu’à force le filon va se tarir, non ?
– Oh, alors là, il y a vraiment aucun risque. J’ai une liste d’attente longue comme le bras. Et de nouvelles candidatures affluent tous les jours. Ça vous étonne, on dirait.
– Un peu quand même, oui ! Vous recrutez où ? Sur Internet ?
– Essentiellement, oui ! Il y a des quantités d’hommes, vous savez, qui rêvent qu’on leur rougisse le derrière.
– Et quantité de femmes prêtes à le leur rougir.
– Contre monnaie sonnante et trébuchante. Ce qui n’est pas mon cas. Moi, je me contente d’y prendre du plaisir. Ce que je revendique haut et fort. Et ce qui les comble d’aise. Ils se bousculent dans ma boîte mail. Du coup, je n’ai que l’embarras du choix.
– Un choix que vous opérez sur quels critères, si ce n’est pas indiscret ?
– Déjà, il faut qu’ils acceptent de se laisser photographier. Pour la raison que vous savez. Ils ne s’y refusent pratiquement jamais. Après, c’est au feeling. À l’instinct. En fonction de ce qu’ils sont. De ce qu’ils ont vécu. De ce qu’ils souhaitent. De ce qu’ils appréhendent. Le prochain, par exemple… Oh, mais j’y pense… Vous faites quoi demain ?
– Demain ? Rien de spécial. Pourquoi ?
– Ça vous dirait pas d’assister ?
– Je sais pas. Je…
– Oh, si ! Si ! Venez ! Il faut que vous soyez là. Pour plein de raisons. Je vous dirai…

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