– Dix
heures et quart. On peut faire une croix dessus. Il viendra plus.
J’ai
voulu lui trouver des excuses.
– Il
est peut-être juste un peu en retard. Il va arriver.
– Et
il repartira aussi sec. Avec moi, l’heure, c’est l’heure. Je
suis pas à sa disposition. Non, mais, de toute façon, il se
pointera pas. Vous trouver là, ce matin, l’a complètement
perturbé. Mais ça, le connaissant, je m’en doutais bien un peu.
J’ai voulu tenter le coup quand même. Je le regrette absolument
pas. J’ai passé un excellent moment.
– Pour
ce qui est de votre série de tableaux, par contre…
– Oh,
mais ce n’est que partie remise, vous verrez ! Dans trois ou
quatre jours, il va reprendre contact avec moi. Je lui battrai froid.
Il s’excusera platement, me suppliera de lui donner une seconde
chance. Je finirai par accepter. Après avoir longtemps fait mine de
tergiverser. Et à la condition qu’il accepte d’en passer par
tout ce que je voudrai.
– Je
crains le pire.
– Ah,
ça, je vais pas le ménager. À un vrai feu d’artifice il va avoir
droit.
– Qui
consistera en quoi ? On peut savoir ?
– Vous
verrez. Le moment venu. Parce qu’évidemment vous serez là.
On a
dîné ensemble.
– Mais
à la bonne franquette, hein ! Je me mets pas aux fourneaux à
cette heure-ci.
Elle
avait quand même trouvé moyen de nous sortir deux truites de je ne
sais où et une bouteille de Pouilly fumé – bien fraîche –
de derrière les fagots.
– Je
peux vous poser une question ?
– Essayez
toujours, vous verrez bien…
– Vous
prenez manifestement beaucoup de plaisir à infliger de cuisantes
corrections et à en caresser ensuite amoureusement les marques, du
bout du pinceau. Ce traitement de faveur est-il réservé
exclusivement aux hommes ou vous arrive-t-il parfois d’en faire
bénéficier vos consœurs ?
– Cela
ne s’est encore jamais produit. Et ne se produira sans doute
jamais.
– Les
croupes masculines sont donc les seules à vous tenter ?
– Vous
êtes très perspicace.
– Et
la raison ?
– En
faut-il absolument une ?
– Ça
vous vient bien de quelque part cette envie… Il y a toujours une
origine à tout, non ? Vous avez peut-être vu des films ou lu
des livres qui vous ont particulièrement marquée…
– Si
c’est le cas, je ne m’en souviens pas.
– Ou
alors vous en avez reçu. À un moment ou un autre de votre
existence. De la main d’un homme. Et c’est la réponse de la
bergère au berger.
– Pas
davantage.
– Il
y a sûrement quelque chose. Forcément. Que vous avez oublié. Que
vous vous êtes forcée à oublier.
– Ou
dont je me souviens très bien au contraire.
– Ah,
vous voyez ! C’est quoi ?
– Vous
êtes bien curieux. Si on parlait de vous plutôt ?
Racontez-moi ! Vous en avez déjà donné, vous, des fessées ?
– Jamais,
non !
– Reçu
alors ?
– Non
plus.
– Et
ça ne vous a jamais tenté ?
– Absolument
pas.
– Ça
viendra peut-être, qui sait ?
– Alors
ça, ça m’étonnerait.
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