mercredi 31 octobre 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (12)


– Celle-là ? Ou celle-là plutôt, non ?
Elle n’arrivait pas à se décider.
– Mais aide-moi plutôt, au lieu de rester planté là comme une bûche…
J’en savais rien, moi. Qu’est-ce qu’elle voulait que j’en sache ? Elles se ressemblaient toutes ces photos. À d’infimes détails près.
– Bon, allez ! On va pas tergiverser comme ça pendant des heures. Ce sera celle-là. J’aime bien l’expression qu’il a là-dessus. Tout penaud. Tout repenti. Avec, en même temps, une pointe d’arrogance qu’il s’efforce tant bien que mal de dissimuler.
Elle a posé une toile vierge sur le chevalet, s’est installée, saisie d’un pinceau.
– Bon, mais et toi ? Raconte ! Comment tu l’as vécu tout ça ?
– Il a pris cher. J’aurais pas aimé être à sa place.
– C’est pas ce que je te demande. Ce que je veux savoir, c’est comment t’as vécu ça de ta place à toi.
– C’est-à-dire ?
– Fais bien l’innocent !
– Tu veux la vérité vraie ?
– De préférence, oui…
– Ça va être difficile.
– Parce que ?
– Parce que tu as des idées très arrêtées sur le sujet, que tu es terriblement bien foutue, que je ne suis pas de bois et que…
– Et que, quand j’ai laissé tomber mon peignoir, tu t’es mis à bander comme un furieux… Bon, ben voilà, c’est dit. Cela étant, je m’en doutais, hein ! Je suis pas complètement idiote.
– Et tu ne m’en tiens pas plus rigueur que ça ? Après tout ce que tu…
– Non, mais faut pas tout mélanger, attends ! Parce qu’un mec comme Charles dont la queue se dresse systématiquement pour n’importe quelle nana, sans distinction, qui veut qu’elle sache, qu’elle sente que, pour lui, elle n’est qu’un trou à remplir et rien d’autre, c’est un véritable calvaire pour nous, les femmes. T’en as partout de ceux-là. Ils est visqueux leur désir. Il est glauque. Il t’humilie. Il t’écœure. Il te donne envie de gerber. Alors oui, oui ! Ceux-là il faut la leur refouler dans la gorge, leur envie de nous. La leur renvoyer dans la gueule. L’anéantir. C’est faire œuvre de salubrité publique. Mais heureusement, t’as pas que ça. T’en as d’autres, par contre, tu perçois parfaitement que leur désir, c’est un hommage qui t’est personnellement destiné. Que c’est toi, en tant que telle, et personne d’autre, qui les met dans cet état-là. Ça a quelque chose de gratifiant, d’émouvant, même si, au bout du compte, ça te laisse complètement indifférente. Si tu n’as pas la moindre intention de les payer de retour. Ils ont envie de toi ? Eh bien, qu’ils aient envie de toi ! Tant qu’ils veulent. Ça les regarde. Et ça te dérange pas. Tant que ça reste dans les clous. Et puis, t’as les autres, ceux qui t’émeuvent, dont le désir éveille le tien. Que t’as envie de sentir dressés contre ton ventre. Dans les bras desquels tu aspires à t’abandonner. Complètement. Avec qui ça se passe. Ou ça se passe pas.
– Et moi, alors ? Dans quelle catégorie tu me ranges ?
– À ton avis ?
– La deuxième ?
– Peut-être.
– Seulement peut-être ?
– De toute façon, pour le moment, la question n’est pas là.
– Ah, bon ! Et elle est où alors ?
– Elle est que j’ai besoin de toi. D’un assistant. D’un garde-fou. Je ne veux peux pas courir le risque qu’un de ces jours Charles, ou un autre du même acabit, me « saute » dessus. Et que t’es très bien dans le rôle. J’ai misé sur le bon cheval. Même si t’as encore quand même pas mal de progrès à faire. Si tu pourrais t’investir davantage. Me donner des conseils, des idées, j’sais pas, moi ! Oh, mais ça viendra, ça, avec le temps. Sûrement. Quand t’auras trouvé tes marques et que, d’une façon ou d’une autre, t’y prendras vraiment du plaisir à tout ça.

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