mercredi 30 octobre 2013

Le Centre2 ( 32 )



– T’as entendu, Bastien ? Évidemment que t’as entendu… T’as passé l’après-midi à écouter, sur le palier, ce qui se passait en bas… C’est pas vrai peut-être ?
– Si ! Oui…
– Et avec la permission de qui ?
– De personne… Je…
– Tu n’en fais qu’à ta tête… Comme d’habitude… Bon… Mais on réglera ça tout-à-l’heure… Peut-être devant Nollwen, qui sait ? Puisqu’elle doit revenir… Peut-être qu’on te fera descendre… Et puis peut-être que non… Bon, mais en attendant, pour nous mettre en appétit, tu vas nous lire la suite de ton histoire… Parce que t’as avancé, j’espère ?
– Un peu…
– Eh bien allez ! On t’écoute…

– Mouais… Mouais…
– Ça vous plaît pas ?
– C’est pas que ça nous plaît pas… C’est que tu te défiles… C’est un peu facile de détourner tes héroïnes du personnage de Bastien… De TON personnage… comme tu le fais là… De les envoyer s’occuper de quelqu’un d’autre…
– Mais vous m’avez dit l’autre jour…
– Qu’est-ce qu’on t’a dit ?
– Que je parlais trop de moi…
– Nous ? On t’a jamais dit une chose pareille… On lui a dit ça, Marjorie ?
– Jamais de la vie…
– Ah, tu vois… Tu racontes n’importe quoi… Comme d’habitude… Pour ça aussi tu seras puni…



– Tiens, Léonard, tu vas commencer par monter les affaires de Nollwen dans la chambre bleue… Et puis tu reviendras là… Qu’elle s’occupe un peu de toi…
– Je vais en faire quoi ?
– Ce que tu voudras… Tout ce qui te fera envie… Tout ce qui te passera par la tête…
– Je pourrai jamais…
– Mais si !
– Je sais pas…
– C’est un peu compliqué au début, oui… Mais suffit de se lancer… C’est un peu compliqué parce que… Ça fait des années et des années que t’invites dans tes rêves un type qui est complètement en ton pouvoir… Non ?
– Comment vous le savez ?
– Ce type, t’en fais tout ce que tu veux… Tu le fais venir, en imagination, quand bon te semble… Tu peux tout exiger de lui… Et tu ne t’en prives pas… Tu t’en prives d’autant moins qu’il n’existe pas… Que tu es convaincue qu’il ne peut pas exister… Du coup tu peux l’emmener où tu veux… Bien au-delà du raisonnable… Ou du vraisemblable…
– C’est exactement ça…
– Et voilà que maintenant on t’en propose un… Un qu’existe vraiment… En chair et en os… Un qui peut être là à tes pieds… À disposition… Ça te fascine, mais en même temps t’arrives pas à y croire… Jamais tu pourras obtenir de lui tout ce que tu pouvais obtenir de l’autre… C’est pas possible… Eh bien si ! Si ! Il y en a – et beaucoup plus qu’on ne l’imagine – qui sont prêts à tout accepter de nous… Absolument tout… Et même davantage… Tu me crois pas ?
– Si ! Si, mais…
– Mais pas vraiment… Pas complètement… Alors tu sais ce qu’il faut que tu fasses ? C’est que tu commences par avoir des exigences simples… Basiques… Et puis peu à peu… Et tu pourras aller loin… Très loin… Tiens, le voilà qui revient, Léonard… Tu va pouvoir commencer à t’exercer…

– Tu les as mises où mes affaires ?
– Dans votre chambre…
– Oui, ben ça, j’m’en doute… Mais où dans la chambre ?
– Sur le lit…
– Sur le lit ?! Mais t’es complètement idiot, ma parole ! Il te vient pas à l’idée qu’un dessous des sac, quand on a voyagé, ça a traîné partout ?! Que c’est dégoûtant…
– Corrige-le, Nollwen ! Corrige-le… Ça lui apprendra…
– Oui, ben d’abord il va remonter là-haut… Le poser par terre…
– Et après tu le corriges, hein ?! Tu le loupes pas…

mercredi 23 octobre 2013

Nollwen, Marta et Bastien ( 11 )



– C’est moi… Nollwen…
– Vas-y, monte ! Je t’ouvre…
– Je te dérange pas ?
– Non… Bien sûr que non… Et puis c’est pas mal non plus de se voir un peu en dehors du boulot…
– En fait j’ai quelque chose à te proposer…
– Par rapport à Bastien ?
– Pas vraiment, non… Figure-toi qu’il y a trois mois j’ai rencontré quelqu’un…
– Jusque là tout va bien…
– Un type – la trentaine – qu’était soi-disant libre… Qui m’a promis monts et merveilles… Sans que d’ailleurs je lui aie rien demandé… En fait il était marié…
– Classique…
– Ce dont je me fichais en réalité éperdument… J’ai jamais eu l’intention de faire ma vie avec… Mais qu’il me mente là-dessus, ça, par contre, j’ai pas du tout apprécié…
– Si t’es comme moi… Je supporte pas ça le mensonge… Pour quoi que ce soit…
– Mais c’est pas tout… Il y en a une troisième… J’ai découvert ça par hasard…
– Et il y en a peut-être d’autres… Au point où il en est le type… Un peu plus un peu moins…
– Une troisième que j’ai rencontrée hier… Qui tombait complètement des nues… Qui s’est mise dans une colère, mais une colère…
– Ce qui peut se concevoir…
– Et qu’est bien décidée à se venger…
– En mettant sa femme au courant…
– Entre autres, oui… Et là ça risque de faire mal… Parce que le pognon, c’est elle qui l’a… Et que si elle le plaque il est quasiment à la rue… Il a rien… Pas de diplôme… Pas de métier… Il a jamais rien fait de ses dix doigts…
– Et donc… vous le tenez…
– Complètement, oui… Mélanie, elle, elle voulait foncer bille en tête… « On débarque là-bas et on lui déballe tout à sa bonne femme… Tout… Il va comprendre sa douleur… » Moi, ça me paraissait pas la meilleure solution… Est-ce qu’il valait pas mieux lui laisser une épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus de la tête ? Qu’il arrête pas de se demander… Si on allait le faire… Et quand… Surtout quand… Elle a fini par en convenir… À condition qu’on finisse quand même, au bout du compte, par mettre sa femme au courant… Et donc on va jouer… Alors là je peux te dire qu’on va jouer…
– Au chat et à la souris…
– C’est à peu près ça, oui…
– Je te vois bien dans le rôle…
– Premier acte : je le retrouve à l’hôtel… Un mardi après-midi… Comme d’habitude… Sauf que là Mélanie déboule, comme une furie, au milieu de notre partie de jambes en l’air… Elle se jette sur lui et lui flanque deux baffes… « J’en étais sûre… Ah, ça, j’en étais sûre… Espèce de petit saligaud, va ! » Et moi : « Non, mais qu’est-ce qui se passe, là ? C’est qui celle-là ? Ta femme ? C’est ça ? » « Ah, non, je suis pas sa femme, non… Mais je suis cocue quand même ! La preuve… » Oui, mais non… Il va nous expliquer… C’est un malentendu… Un simple malentendu… On le laisse s’enfoncer… Essayer de trouver – désespérément – une explication qui tienne à peu près la route… Il y en a pas… Il peut pas y en avoir… On lui éclate de rire au nez… On claque la porte et on s’en va…
– Ensemble ? Oh, là, là, ça a pas fini de le faire gamberger, ça…
– C’est le but… « Qu’est-ce qu’elle peuvent bien comploter derrière mon dos ? » Nos portables sonnent… Le mien… Le sien… On répond pas… Des SMS… Par dizaines… Pour s’excuser… Pour supplier… Pour implorer… À sa femme on dira rien, hein ?! On va rien dire ? Non, parce qu’il la connaît… Elle s’en remettrait pas… Ce serait le coup de grâce… Elle est si fragile… Ben tiens ! Quelle sollicitude !
– Ça peut marcher… On sait jamais…
– Oui, ben pas avec nous… La ficelle est un peu grosse…
– Et donc… vous le laissez mijoter…
– Trois-quatre jours… Qu’il ait le temps de tout imaginer… Le pire et son contraire… Et puis on lui donne rendez-vous… Toutes les deux… Dans un café… Pour lui faire part de la décision qu’on a prise… Ou on lui flanque une bonne correction – au martinet – ou on met sa femme au courant… Preuves à l’appui…
– Et il va accepter, tu crois ?
– Le connaissant, oui… Pas tout de suite… Il va renâcler… Discutailler… Mais si on se montre bien déterminées – et on le sera – il en passera par où on veut… Alors là je suis bien tranquille…
– Et c’est quoi mon rôle à moi là-dedans ?
– D’assister… Tout simplement d’assister… Ça te dirait pas…
– Oh, que si !
– Eh ben alors !

mercredi 16 octobre 2013

Le Centre2 ( 31 )



– T’es trop, toi, hein, dans ton genre… Parce que… on te laisse entendre que tout ce que tu vas écrire dans ton bouquin on est susceptibles de te le faire vivre dans la réalité… On te donne des preuves de notre détermination… On fait venir Nollwen ici… Tu l’as entendue, je suppose… Tu as écouté… Tu as reconnu sa voix… Et qu’est-ce tu fais ? T’en rajoutes une couche… T’imagines, dans ton histoire, qu’après t’avoir fessé, au bureau, tes deux héroïnes vont faire venir des collègues pour leur montrer dans quel état elles t’ont mis le derrière… C’est quoi  ? De la provoc ?
– Oh, non… Non… Je me permettrais pas…
– C’est quoi alors ?
– C’est que… c’est comme ça que j’ai envie de l’écrire… Je peux pas m’empêcher…
– Eh bien nous non plus on va pas pouvoir s’empêcher… Et on va bien s’amuser, tu vas voir…



– On a sonné…
– Ça, ça doit être Sonia qui nous ramène Patrice…
– J’espère qu’elle nous l’a pas trop épuisé…
– Ah, non, tiens, c’est Nollwen…
– Je dérange pas ?
– Non, non… Bien sûr que non…
– C’est pas très poli de débarquer comme ça chez les gens, mais j’avais trop envie…
– De voir Léonard ?
– Aussi, oui… Mais surtout de discuter avec vous… Parce que c’est trop fou cette histoire… Trois vous dites que vous en avez des types comme lui ?
– Trois, oui… Avec chacun sa spécialité…
– Et ils sont où les deux autres ? Je pourrais pas les voir ?
– Patrice il est de sortie… On l’a prêté à une copine… Qui doit le ramener d’un moment à l’autre…
– Prêté ?
– Prêté, oui… Pourquoi ? Ça te choque ? Faut bien dépanner les copines en manque… Si le cœur t’en dit d’ailleurs hésite pas… Ce sera avec plaisir…
– Merci… Mais de ce côté-là j’ai ce qu’il me faut… Et le troisième ?
– Ah, il t’intrigue celui-là, hein ?!
– Un peu, oui…
– Lui, on te le garde pour la bonne bouche…
– Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il a de spécial ?
– J’te dis pas… Tu verras… T’auras la surprise… Le moment venu… Et elle sera de taille…
– En fait, si je comprends bien, vous en faites tout ce que vous voulez de ces types…
– Absolument tout…
– Et ils se rebellent jamais ?
– Oui, ben alors là j’aimerais bien voir ça… Ils auraient pas intérêt… Je peux te dire qu’on leur ferait passer l’envie de recommencer…
– Il est pas là Léonard ?
– C’est vrai que t’es venu pour le voir…
– Oui… Non… Enfin si dans un sens… Non… Mais vous avez bien dit que vous les prêtiez des fois les types ?
– Et tu voudrais qu’on te prête Léonard…
– C’est pas pour moi… C’est que personne veut me croire quand j’en parle…
– Faut peut-être pas parler de ça à tout le monde non plus…
– Oh, non… Non… Je suis pas folle… Non… Mais c’est une collègue au boulot… Marta elle s’appelle… Souvent on discute toutes les deux… Mais là, ça, elle dit que c’est des foutaises… Que ça peut pas exister… Et elle se fiche de moi… Qu’on me fait bien gober tout ce qu’on veut… Alors si je le lui fais rencontrer Léonard, si je le fais parler… raconter… elle sera bien obligée de me croire…
– Il y a encore mieux…
– Quoi donc ?
– Tu le prends trois jours chez toi et tu lui montres à ta collègue… Tu lui montres que t’en fais ce que tu veux… Que tu le punis quand ça te chante… Qu’il l’ait mérité ou non…
– J’oserai jamais…
– Et si on te montre ? Si on te guide ?
– Alors là… Oui… Peut-être…
– Bon, ben alors tu sais pas ? C’est toi qui vas venir passer deux ou trois jours ici… Allez, va vite chercher tes affaires…   

mercredi 9 octobre 2013

Nollwen, Marta, Bastien ( 10 )



– J’étais sûre que tu monterais faire un tour…
– Ça se passe comment ?
– Oh, on ne peut mieux… Il a bien changé, ça, on peut pas dire… Plus une réflexion… Il me fout une paix royale… Je fais ce que je veux… Quand je veux… Comme je veux… Hein, toi, que t’es sage comme tout ?! Comme quoi une bonne râclée c’est ce qu’il te fallait… Ça t’a remis les idées en place…
– Il a encore les marques… D’hier… Il les a encore ?
– J’en sais rien… J’ai pas regardé… Oh, mais sûrement… Vu comme on l’avait soigné… Eh ben toi, qu’est-ce t’attends ? T’as pas entendu ? Elle veut voir… Eh ben alors !
– Oh la la ! Un peu qu’il les a, dis donc ! Impressionnant… Vraiment impressionnant…
– Oui, hein !
– Qu’est-ce qu’on fait ? On lui en remet une petite couche ?
– Pas tous les jours… Ce serait lassant à force… Non… Et puis c’est pas plus mal qu’il sache pas… Qu’il soit sans arrêt à se demander quand c’est que ça va tomber…
– Tu me feras signe ?
– Ben évidemment… Ça coule de source… Pas question de te priver de ça… Qu’est-ce tu fais, toi ? Quelqu’un t’a dit de te reculotter ?
– Ben non, mais…
– Mais quoi ? Si quelqu’un arrive, c’est ça ? C’est une véritable obsession chez toi que quelqu’un arrive…
– Si tu savais ce qu’on s’en fout, nous !
– Alors là complètement…
– N’importe comment il y a jamais personne qui monte par ici…
– Quelquefois, si ! C’est rare… Mais quelquefois, si !
– Et alors ?! On verrait que tu t’en es pris une ?! La belle affaire ! On expliquerait… Que tu l’as amplement méritée… Pour tout un tas de raisons…
– Et même des raisons qu’on connaît pas…
– Pas encore…
– Oui… Parce qu’il finira bien par nous les dire… Par nous expliquer ce qu’il a fait de si vilain pour que sa femme soit aussi remontée contre lui…
– Vaudrait mieux… Qu’il nous le dise… Vaudrait mieux… Il y a tout intérêt… Parce que sinon…

Un pas dans le couloir… Rapide… Pressé… Des talons qui claquent… Une femme… Qui s’est approchée… Arrêtée devant la porte… Il s’est collé peureusement dos au mur… A ramené ses mains devant lui pour se dissimuler… Elle s’est éloignée…
– T’imagines si elle était rentrée !
– Il aurait eu bonne mine…
– Nous, surtout… Parce que qu’est-ce qu’elle serait allée imaginer à le trouver là, comme ça, à poil, en train de planquer ses bijoux de famille ?
– Qu’on faisait un truc à trois…
– Voilà, oui… Et moi, ça me va pas, ça… Mais alors là pas du tout… Qu’on puisse penser que la petite stagiaire… Avec ce vieux vicelard… Ah, non alors ! Non…
– Pareil pour moi… Rien qu’à l’idée…
– Il en crève d’envie pourtant…
– Ben oui… Oui… Il serait pas allé inventer tout ce qu’il a inventé sur notre compte sinon…
– Bon… Alors écoute-nous bien, toi ! Pas question que tu nous refasses un plan comme ça… Si quelqu’un rentre – ce qui finira forcément par arriver – tes fesses tu lui montres… Et que tes fesses… Qu’il y ait aucune ambiguïté… Qu’on voie bien que si t’es à poil c’est parce qu’on vient de t’en flanquer une… Et pour rien d’autre… C’est bien compris ?
– Oui…
– J’espère…
– On va quand même pas le laisser s’en tirer comme ça… À si bon compte… Il nous a fait courir de gros risques… De très gros risques… Ça peut pas rester impuni…
– T’as raison… Oui, t’as raison… On le corrige ?
– À moins que…
– T’as une autre idée ?
– On pourrait faire monter quelqu’un… Sous un prétexte quelconque…
– Génial… Oh, oui, génial…
– On verrait s’il tient ses promesses comme ça en plus…
– Qui ? Un homme ? Une femme ?
– On va réfléchir… Décider… Il y a rien qui presse…