Elle
avait voulu que je dorme là. Chez elle. Dans la chambre d’amis.
– Ben
oui, attends ! Je vais pas te foutre dehors à cette heure-ci
pour te faire revenir aux aurores. D’autant que t’habites pas la
porte à côté.
Quand
il est arrivé, le lendemain matin, à sept heures tapantes, elle
était sous la douche. Elle m’a crié d’aller ouvrir.
– Ben,
oui ! Ça fait partie de tes attributions, ça, maintenant.
Il
était tout sourire. Parfaitement détendu. Parfaitement à l’aise.
Du moins en apparence.
– Salut !
Faut que je fasse quoi, moi, là, maintenant ? Elle vous a dit ?
– Non,
mais comme d’habitude, je suppose…
– Il
y a de grandes chances, oui.
Et
il a entrepris de se dévêtir. Tout en me faisant un brin de
causette.
– Vous
êtes qui, vous, en fait ? Son mec, c’est ça ?
– Si
on vous le demande…
– Oui,
bon, okay ! Ça me regarde pas. En attendant, en douce que vous
devez bien vous marrer à me voir me démener comme un beau diable
pour essayer de pas bander.
– Sans
y arriver…
– Ah,
ça ! C’est pas faute de prendre mes dispositions avant
pourtant ! Dans la voiture. Juste avant de monter. Vous voyez ce
que je veux dire. Ça y fait rien. Rien n’y fait rien n’importe
comment. Et, de toute façon, quand bien même j’y arriverais, ça
prouverait quoi dans des conditions pareilles ? Je l’abuserais
peut-être, elle –et encore ! –, mais je ne
m’abuserais pas, moi. Non. Faut que je me fasse une raison. Que
j’en prenne mon parti. J’aurai beau dire et beau faire, ce truc
que j’ai entre les jambes m’emmerdera toute ma vie.
– Mais
non ! Pas forcément !
– Oh,
que si ! J’ai tout essayé. Tout. Les médecins. Ils m’ont
filé des traitements de merde qui m’ont transformé en zombie. Les
psys. Ils m’ont fait raconter mon enfance. J’ai perdu mon temps.
Je suis tombé entre les pattes de deux ou trois charlatans qui m’ont
sucé mon pognon. Sans résultat. Et là, ici, c’est pareil. Sauf
qu’elle me demande pas un rond. On m’avait pourtant assuré que
ce serait radical. Tu parles !
– C’est
si handicapant que ça ?
– C’est
rien de le dire. Ne pouvoir penser qu’à ça… Toute la journée…
Toute la journée… Toute la journée… Et à rien d’autre.
Jamais. Non, mais vous imaginez ?
– Mal.
– J’en
crève, il y a des jours. Si vous saviez comme je rêve de pouvoir
m’intéresser à autre chose. Au foot. À l’Histoire. Aux
voyages. À n’importe quoi. Mais à autre chose. Seulement, non.
Non. J’y suis en permanence ramené. C’est plus fort que moi. Je
suis emprisonné là-dedans. Rien d’autre ne compte. Jamais. Et les
femmes ! Ah, les femmes ! Ce que j’aimerais, parfois,
qu’on puisse discuter, elles et moi. Les écouter. Sans
arrière-pensée. Partager. Mais non ! Non ! Pour moi ce ne
sont jamais rien d’autre que des proies. Des proies vers lesquelles
ça se dresse, là, en bas. Des proies qu’il me faut. Et que je
vais dépenser des trésors de diplomatie, de persuasion et
d’hypocrisie pour m’efforcer d’obtenir. Non. Je me fais plus
d’illusions. C’est sans issue. Je suis condamné à mariner
éternellement dans mon jus.
– Il
doit quand même bien y avoir une solution !
– Laquelle ?
Votre copine, là, avec ses tableaux ? J’y crois pas. J’y
crois plus.
– Vous
allez mettre un terme ?
– Même
pas, non ! Et vous savez pourquoi ? Ça va sûrement vous
paraître très con. Parce que je sais que j’ai aucune chance avec
elle. Que je parviendrai pas à mes fins. Et ça a quelque chose
d’extraordinairement reposant.
– Eh
bien, les garçons ! On est en pleine discussion à ce que je
vois…
Elle
était nue.
Il a
bandé.
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