mercredi 1 avril 2020

Premières armes (16)


C’est mon portable qui m’a tiré du sommeil. Insistant. Je l’ai cherché à tâtons, dans l’obscurité.
Julie. C’était Julie.
« Allô… Oui ?
‒ Je te réveille pas ?
‒ Oh, non ! Non !
Il était sept heures du matin.
‒ Je t’appelle parce que… Tu m’en veux pas ?
‒ T’en vouloir ? Non. Pourquoi je t’en voudrais ?
‒ À cause d’hier. De ce que je t’ai dit. Mais c’est sorti tout seul. J’aurais pas dû, je sais. Parce que c’est le genre de choses, qu’il reçoive la fessée, un type, il aime pas qu’on soit au courant. Ou qu’on s’en aperçoive. Surtout à ton âge. Et surtout si c’est une fille. C’est drôlement humiliant. Je devrais être vaccinée pourtant, depuis le temps, avec mes frères. Mais je parle sans réfléchir des fois. Presque toujours en fait. Quitte à m’en mordre les doigts après. Bon, mais alors c’est vrai ? Tu m’en veux pas ?
‒ Pas le moins du monde, non.
‒ Comment je me sens soulagée, tu peux pas savoir…
Il y a eu un long silence.
‒ Allô… T’es toujours là ?
J’étais toujours là, oui.
‒ Tu vas faire quoi, là, maintenant ?
‒ Déjeuner. Et puis bosser mes cours, sûrement.
‒ Tu voudrais pas qu’on se voie ? C’est mon jour de congé aujourd’hui. On pourrait le passer ensemble, non ?

Et, une demi-heure plus tard, on était attablés, tous les deux, devant un café crème.
‒ Je suis désolée.
‒ Chut ! On n’en parle plus. Qu’est-ce tu veux qu’on fasse plutôt ?
‒ Je sais pas. Il y a rien d’ouvert encore. On se promène un peu ?
‒ Allez !
On est descendus vers la rivière. Qu’on a longée jusqu’au moulin. On s’est enfoncés dans le bois à droite. Nos mains se sont effleurées au rythme de la marche. Une fois. Deux fois. Se sont jointes. Enlacées. On s’est souri.
‒ Je suis bien avec toi.
‒ Moi aussi.
On s’est arrêtés. On s’est fait face. Les yeux dans les yeux. Nos lèvres se sont rapprochées. Jointes. On s’est serrés l’un contre l’autre. Enlacés. Les pointes de ses seins se sont dressées contre mon torse.
On a roulé dans l’herbe. Je l’ai impatiemment cherchée sous son pull. Sous son soutien-gorge. Sous sa jupe. Dans sa culotte. Elle m’a fiévreusement cherché sous mon pantalon. Qu’elle a fait glisser. Ses mains se sont posées sur mes fesses dénudées.
‒ Elles sont encore toutes chaudes.
Et ses yeux se sont embrumés.
‒ Viens ! Oh, viens !
Son plaisir, presque aussitôt. Et puis le mien.
On est retombés.
J’ai étouffé un gémissement.
‒ Mais reste sur le ventre ! Qu’est-ce tu fais ? Reste sur le ventre ! Forcément sinon, ça !
Elle s’est appuyée sur un coude.
‒ Comment t’es arrangé ! Impressionnant ! De quand ça date ?
‒ D’hier.
Elle y a passé un doigt.
‒ Il y a une autre dessous en plus. Au martinet, celle-là. Comment t’as dû déguster ! T’as crié ? Oh, ben si, attends ! Forcément que t’as crié. Ça peut pas être autrement. Quand on en prend une comme ça ! Ils criaient, mes frères. À chaque fois. Surtout Martial. Ugo aussi, mais surtout Martial. Il a une voix qui porte drôlement en plus. Tous les voisins pouvaient en profiter. Et ils devaient pas s’en priver. Et puis alors qu’est-ce qu’ils pouvaient gigoter ! Ils pouvaient pas s’empêcher. Et ça leur montrait tout souvent. Mais tout ça, les cris, les pleurs, les supplications, leurs jambes qui s’agitaient dans tous les sens, ça l’impressionnait pas, ma mère. Au contraire, même. Souvent, elle leur en rajoutait une couche en prime. Ben, qu’est-ce tu veux ? Quand on a mérité, on a mérité, hein ! Et faut reconnaître qu’ils faisaient ce qu’il fallait pour. Ça, on peut pas dire le contraire. L’un comme l’autre. Toi aussi, j’imagine, non ?
Il y a eu des voix, brusquement, sur le chemin derrière. On s’est rhabillés en toute hâte.
Ils brillaient ses yeux. Comment ils brillaient !

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