Quand je suis rentré, ce vendredi soir-là, Madame Beauchêne était
installée, en compagnie de maman, sur le canapé du salon.
– Ah,
ben tiens, le voilà justement, votre grand garçon !
J’ai
craint un instant le pire.
Mais
non. Elles étaient tout sourire, toutes les deux.
– Notre
voisine nous propose très gentiment de venir dîner demain soir chez
elle…
– Demain
soir ? Mais il y aura Célestine demain soir.
– Elle
est également la bienvenue. Bien entendu.
Oui,
mais je la voyais pas beaucoup Célestine. Pas souvent. Et…
Elle
ne m’a pas laissé terminer.
– Ah,
ces amoureux ! Oh, mais ce sera le juste le temps d’une
soirée. Vous aurez tout le reste du week-end pour roucouler.
Mieux
valait ne pas insister. Mieux valait, dans ma situation, ne pas
indisposer madame Beauchêne à mon égard. C’était beaucoup plus
prudent. À tous points de vue.
Et
on s’est tous retrouvés chez elle le lendemain soir. Devant un coq
au vin.
La
conversation a roulé un peu sur tout. La rue. Qui, il fallait bien
le dire, était très calme. Comme le quartier, d’une manière
générale. Non, vraiment, il y avait pas à se plaindre. Le seul
point noir, c’était les commerces. Qu’étaient un peu loin. Et
pas toujours bien achalandés. Mais enfin, globalement ça allait.
Il y avait rien à dire.
– Et
puis pour nos enfants, pour leurs études, ce sont des conditions de
travail idéales.
Maman
ne pouvait qu’approuver.
– Ah,
pour ça, oui, il faut bien reconnaître que ce sont des privilégiés.
Madame
Beauchêne a soupiré.
– À
qui le dites-vous ! Quand on est entassés les uns sur les
autres…
– Sûr
que ça ne facilite pas les choses.
– Surtout
quand les garçons ont décidé d’empoisonner la vie des filles.
Non, Si vous saviez ce qu’elles me racontent quelquefois, là,
toutes les deux ! C’est à n’y pas croire. Ils ont vraiment
le vice dans la peau, certains. Tenez, par exemple, Manon a une
petite camarade qui s’est récemment aperçue que le locataire du
dessus, un étudiant comme elle, avait fait un trou dans le plafond
de sa salle de bains pour l’épier sous la douche. Depuis des mois
ça durait.
Elles
se sont toutes récriées.
– Quel
salopard !
– Quelle
petite ordure !
Mon
sang s’est glacé dans mes veines. Pourvu qu’elles n’aillent
pas… Ah, non, hein ! Elles avaient promis.
Camille
a claironné.
– Des
mecs comme ça, faudrait leur couper les couilles, tiens !
Emma
a hoché la tête.
– T’es
carrément expéditive, toi, dis donc !
– Non,
mais attends ! Il y a pas de raison de se laisser emmerder par
des vicieux pareils.
– T’as
pas tort. T’as pas forcément tort.
Ce
qu’elle arrivait pas à comprendre, Madame Beauchêne, elle,
c’était qu’il avait une petite amie…
– Et
que, malgré tout…
– Ah,
mais ça, il y en a, il y a rien qui les arrête.
Célestine
est brusquement sortie de son silence.
– Oui,
ben moi, mon mec, il me ferait un coup comme ça, ce serait fini
entre nous. Et bien fini. Sans espoir de retour. Alors là !
Maman
m’a posé la main sur le bras.
– De
ce côté-là, avec Raphaël, tu n’as rigoureusement rien à
craindre. C’est vraiment pas le genre à ça.
Elles
ont toutes fait chorus.
– Oh,
oui, c’est quelqu’un de bien, Raphaël, ça se voit tout de
suite.
Emma
et Manon se sont détournées pour rire.
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