mercredi 3 juillet 2019

Sévères voisines (13)


Quand je suis rentré, ce vendredi soir-là, Madame Beauchêne était installée, en compagnie de maman, sur le canapé du salon.
– Ah, ben tiens, le voilà justement, votre grand garçon !
J’ai craint un instant le pire.
Mais non. Elles étaient tout sourire, toutes les deux.
– Notre voisine nous propose très gentiment de venir dîner demain soir chez elle…
– Demain soir ? Mais il y aura Célestine demain soir.
– Elle est également la bienvenue. Bien entendu.
Oui, mais je la voyais pas beaucoup Célestine. Pas souvent. Et…
Elle ne m’a pas laissé terminer.
– Ah, ces amoureux ! Oh, mais ce sera le juste le temps d’une soirée. Vous aurez tout le reste du week-end pour roucouler.
Mieux valait ne pas insister. Mieux valait, dans ma situation, ne pas indisposer madame Beauchêne à mon égard. C’était beaucoup plus prudent. À tous points de vue.

Et on s’est tous retrouvés chez elle le lendemain soir. Devant un coq au vin.
La conversation a roulé un peu sur tout. La rue. Qui, il fallait bien le dire, était très calme. Comme le quartier, d’une manière générale. Non, vraiment, il y avait pas à se plaindre. Le seul point noir, c’était les commerces. Qu’étaient un peu loin. Et pas toujours bien achalandés. Mais enfin, globalement ça allait. Il y avait rien à dire.
– Et puis pour nos enfants, pour leurs études, ce sont des conditions de travail idéales.
Maman ne pouvait qu’approuver.
– Ah, pour ça, oui, il faut bien reconnaître que ce sont des privilégiés.
Madame Beauchêne a soupiré.
– À qui le dites-vous ! Quand on est entassés les uns sur les autres…
– Sûr que ça ne facilite pas les choses.
– Surtout quand les garçons ont décidé d’empoisonner la vie des filles. Non, Si vous saviez ce qu’elles me racontent quelquefois, là, toutes les deux ! C’est à n’y pas croire. Ils ont vraiment le vice dans la peau, certains. Tenez, par exemple, Manon a une petite camarade qui s’est récemment aperçue que le locataire du dessus, un étudiant comme elle, avait fait un trou dans le plafond de sa salle de bains pour l’épier sous la douche. Depuis des mois ça durait.
Elles se sont toutes récriées.
– Quel salopard !
– Quelle petite ordure !
Mon sang s’est glacé dans mes veines. Pourvu qu’elles n’aillent pas… Ah, non, hein ! Elles avaient promis.
Camille a claironné.
– Des mecs comme ça, faudrait leur couper les couilles, tiens !
Emma a hoché la tête.
– T’es carrément expéditive, toi, dis donc !
– Non, mais attends ! Il y a pas de raison de se laisser emmerder par des vicieux pareils.
– T’as pas tort. T’as pas forcément tort.
Ce qu’elle arrivait pas à comprendre, Madame Beauchêne, elle, c’était qu’il avait une petite amie…
– Et que, malgré tout…
– Ah, mais ça, il y en a, il y a rien qui les arrête.
Célestine est brusquement sortie de son silence.
– Oui, ben moi, mon mec, il me ferait un coup comme ça, ce serait fini entre nous. Et bien fini. Sans espoir de retour. Alors là !
Maman m’a posé la main sur le bras.
– De ce côté-là, avec Raphaël, tu n’as rigoureusement rien à craindre. C’est vraiment pas le genre à ça.
Elles ont toutes fait chorus.
– Oh, oui, c’est quelqu’un de bien, Raphaël, ça se voit tout de suite.
Emma et Manon se sont détournées pour rire.

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