On m’a appelé sur le campus.
– Hou !
Hou ! Raphaël !
C’était
Manon.
– Écoute !
Viens voir là !
Il y
avait une autre fille avec elle.
– C’est
Johanna. Une copine. Dis-lui !
Je
l’ai regardée, interloqué.
Que
je lui dise ? Mais que je lui dise quoi ?
– Ce
qu’on te fait, Emma et moi. Elle veut pas me croire.
Je
me suis dandiné, d’une jambe sur l’autre.
Que
je…
– Ben
alors ? Qu’est-ce t’attends ? Grouille !
J’ai
baissé la tête.
– Elles
me mettent des fessées.
– Ah,
tu vois, Johanna ! Tu vois que
c’est pas des mythos.
La
fille a éclaté d’un rire moqueur. Offensant.
– Non,
mais j’hallucine, là ! J’hallucine complètement.
– Et
je peux te dire que pour
être de la fessée, c’est
de la fessée…
– Et
il se laisse faire ?
– Bien
obligé, tiens !
Il a pas le choix. S’il
veut pas que ça s’ébruite ce qu’il a fait…
– Eh
ben, dis donc !
Elle
a encore ri.
Et
elles se sont éloignées.
Au
resto U, à midi, elle est venue, Manon,
comme souvent, s’installer
à ma table.
– Comment
ça l’a impressionnée, Johanna, tout
à l’heure ! Et
toi, comment t’avais honte !
J’ai
piqué du nez dans mon assiette.
– Regarde-moi !
Allez, regarde-moi !
J’ai
relevé la tête.
Elle
m’a fixé droit dans les yeux.
– J’adore
ça quand t’as honte… Comme là encore, en
ce moment.
Elle
a croqué un radis. Un autre.
– Et
il faut que t’aies honte. C’est le seul moyen pour te faire
passer, une bonne fois pour toutes, tes sales habitudes. Il y a que
ça qui marche avec un mec. La honte. Vous êtes tellement fiers.
Tellement imbus de vous-mêmes. Et alors quand ça vient d’une
nana. En plus! Oh, mais
là, je peux te dire que je vais te la coller, la honte. Tant
et plus. Tant et si bien
que t’auras plus envie d’aller reluquer qui que ce soit dans les
salles de bain. Ni ailleurs. Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Non.
Rien.
– Mais
si ! Il y a quelque chose. Je le vois bien. Alors accouche !
– Cette
fille, là…
– Johanna.
– Oui.
– De
quoi t’as peur ? Qu’elle sache pas tenir sa langue ?
Mais non ! Tu penses bien que s’il y avait le moindre danger
de ce côté-là… Non.
J’ai une absolue confiance en elle. Tu verras par toi-même,
d’ailleurs. Quand tu la connaîtras mieux.
– Comment
ça, quand je la
connaîtrai mieux ?
– Ah,
ben oui ! C’est vrai, je t’ai pas dit. Je vais t’en coller
une devant elle. Bientôt…
Je lui ai promis, là,
tout à l’heure, quand
on s’est quittés. Je
te dis pas comment elle a hâte. Elle s’en fait une de ces fêtes !
Et elle est moqueuse,
Johanna, mais moqueuse d’une force ! Je sens qu’on va bien
s’amuser.
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