Je m’y attendais. J’en étais sûr. Sûr que Manon ne manquerait
pas de venir s’installer, le lundi suivant, en face de moi au resto
U.
Ce
qui n’a pas loupé.
– Alors ?
Qu’est-ce t’en penses de tout ça ?
Qu’est-ce
que je pensais de quoi ?
– Fais
bien l’imbécile ! Tu sais très bien de quoi je veux parler.
Tu t’attendais pas à ce que la frêle petite Manon tape aussi
fort, hein, avoue ! Et de façon aussi convaincue. Ben si, tu
vois ! Même Emma elle en revenait pas. « Comment tu l’as
soigné ! » Ma mère non plus. « Tu m’as
impressionnée ! » Et c’est pas fini ! Quoi !
Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?
– Non.
Pour rien.
– Parfaitement,
c’est pas fini. T’as encore rien vu. La prochaine fois, ce sera
pire. Je suis hyper motivée, là. Et de plus en plus. Non, parce
qu’au début je trouvais qu’elle exagérait Emma, qu’il y avait
quand même pas de quoi en faire tout un fromage. T’avais fait une
connerie. Oui, bon, ben voilà. On marquait le coup et on passait à
autre chose. Mais finalement, à force d’en parler avec elle et d’y
réfléchir, j’ai fini par me dire qu’elle avait raison, tout
compte fait. C’est absolument insupportable de penser que pendant
des semaines et des semaines on a été surveillées, épiées,
fliquées, qu’on n’avait plus le moindre moment d’intimité. Et
ça passe pas. Ça passe vraiment pas. Je t’en veux. Tu peux pas
imaginer à quel point je t’en veux.
Elle
a repoussé son plateau.
– Bon,
allez ! Tu finis ton assiette et on y va ?
– On
va où ?
– Chez
Jasmine, tiens ! Tu sais bien…
Je
savais, oui. Je savais qu’elle avait promis à Jasmine que, quand
elle aurait elle-même procédé à l’exécution, elle lui en
montrerait le résultat. Je savais, mais j’espérais, en mon for
intérieur, qu’elle avait oublié. Ou changé d’avis. Ce que je
savais aussi, c’est que j’avais tout intérêt à en passer
docilement par tout ce qu’elles auraient décidé, toutes les
trois, si je ne voulais pas qu’elles mettent ma mère et surtout
Célestine au courant. Ce que je ne voulais à aucun prix. Quant à
ma sœur, elle, c’était fait. Sans qu’elles y soient pour rien.
Jasmine
m’a examiné, des pieds à la tête, avec un petit sourire
ironique.
– Il
a pas l’air à l’aise.
– Et
il va l’être encore moins.
Manon
a dégrafé ma ceinture et m’a tout baissé, tranquillement,
jusqu’aux chevilles.
– Tourne-toi !
Ce
que j’ai fait.
Jasmine
s’est esclaffée.
– Oh,
la tête de la bavure ! Eh ben dis donc, si, après ça, il y
remet le nez, à moi la peur !
– Avec
les mecs, on peut s’attendre à tout.
– Ah,
ça ! À qui le dis-tu !
– Mais
enfin, lui, quand même, je pense qu’il est vacciné pour un bon
petit moment.
– Surtout
si vous multipliez les piqûres de rappel.
– On
va pas s’en priver.
– Il
y a que si… Il aime peut-être ça, va savoir, qu’on lui
martyrise le popotin.
– Ah
non, il aime pas ça, non !
– T’es
bien sûre de toi !
– Oui,
parce qu’un mec qu’aime ça, tu le vois. Et tu le sens quand tu
l’as en travers de tes genoux. Mais là, la bêbête, elle était
toute recroquevillée d’appréhension. Toute peureuse.
– Vu
comme ça !
Manon
m’a fait signe de me rhabiller.
– On
y va.
Jasmine
a protesté.
– Oh,
non ! Pas déjà !
– Il
a cours. Et moi aussi. Oh, mais je te le ramènerai la prochaine
fois. Et on restera plus longtemps. Promis.
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