mercredi 29 mai 2019

Sévères voisines (8)


Encore elle !
Manon.
Venue s’installer en face de moi, au resto U, avec un grand sourire.
– Ça baigne ?
Ça allait, oui. Je lui ai dit que ça allait. Du bout des lèvres.
– On dirait pas…
– Oh, si, si !
– Tu te demandes, je suis sûre qui c’était, hier, avec le martinet. Non ?
– Un peu.
– Et alors ? À ton avis, c’était qui ?
Je n’en avais pas la moindre idée.
– Dis toujours !
– Toi ?
– Non. C’était pas l’envie qui m’en manquait, vu la façon inqualifiable dont tu t’es comporté, mais non ! C’était pas moi. C’était Emma. Tu peux t’attendre, d’ailleurs, à ce qu’elle remette ça incessamment sous peu. D’abord parce qu’elle est hyper remontée contre toi ! « Quand je pense que cet espèce de petit salaud, il m’a matée pendant des semaines et des semaines dans la salle de bains ! Il va me le payer ! Ah, ça, je peux vous dire qu’il va me le payer » Et ensuite, et peut-être surtout, parce que ça l’a beaucoup amusée de te tanner le cuir. « Comment il gigotait du croupion, vous avez vu ça ! Et comment il le crispait, son petit cul, en attendant que ça tombe. Sans compter tous ces couinements qu’il nous poussait. Oh, non, non, il était trop drôle ! » Et faut reconnaître que tu payais. Ça, difficile de dire le contraire.
J’ai piqué du nez dans mon assiette.

Une fille a longé notre table et lui a adressé un petit clin d’œil au passage.
– C’est Jasmine, elle ! Je lui ai raconté.
– Tu lui as raconté… Mais tu lui as raconté quoi ?
– Ben, pour hier, tiens !
– Mais…
– Mais quoi ?
– Elle avait dit, ta mère…
– Qu’on en parlerait pas. Je sais, oui ! On n’en parle pas. À personne. Oh, mais fais pas cette tête-là ! Jasmine, c’est pas pareil. Ça n’a rien à voir, Jasmine. On peut avoir confiance. Elle dira rien. J’en réponds comme de moi-même.
Elle a fait rouler une boulette de mie de pain entre ses doigts.
– En douce qu’elle a trop aimé que je lui raconte. Elle arrêtait pas de me demander des tas de détails. C’est pour ça, je lui ai promis. Je lui ai promis que le jour où je t’en donnerai une, on lui fera voir le résultat après. Juste après. Quand c’est encore tout chaud. Tout neuf. Elle arrivait pas à y croire. « Il voudra peut-être pas. » J’ai été très claire. « Il a pas à vouloir ou à pas vouloir. Il a à accepter. Point. Barre. Sinon… Tout le monde sera aussi sec au courant. Et alors là ! » Elle a hâte du coup. Mais pas moi. Moi, je suis pas pressée. Au contraire. J’aime bien savourer l’idée avant. Y penser. M’imaginer comment ça va se passer. Une chose est sûre en tout cas. Ce sera pas le martinet. Ce sera à la main. Et en travers de mes genoux. Comme un gamin. Et c’est moi qui te déculotterai. Ce sera bien plus vexant pour toi.
Elle a jeté la boulette dans mon assiette.
– Et ça durera. Je peux te dire que ça durera. Que ça montera tout du long en puissance. Et que tu pourras pas t’asseoir d’un moment.
Elle s’est levée.
– Faut dire que t’as cherché aussi ! Et pas qu’un peu !
A repoussé sa chaise.
– À bientôt. Passe une bonne journée !

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