mercredi 8 mai 2019

Sévères voisines (5)


J’étais au resto U, le nez plongé dans un bouquin.
– Je peux ?
Elle n’a pas attendu la réponse, la fille. Elle a posé son plateau.
J’ai levé la tête, je l’ai regardée et je suis devenu écarlate. C’était Manon.
Manon qui a pris tout son temps pour s’installer en face de moi.
– Alors ?
Ben alors, elle, en psycho, je savais pas, mais moi, en droit, c’était franchement pas intéressant. Que du par cœur. Ou pratiquement.
Elle m’a fixé droit dans les yeux.
– Ça te brûle ?
Inutile de faire semblant de ne pas comprendre. Inutile. Et ridicule.
J’ai bredouillé.
– Un peu, oui.
– Un peu ? Tu parles que, vu l’état dans lequel tu l’avais encore hier soir, je suis bien tranquille que ça doit te cramer un max. Une fessée comme ça, il va bien te falloir trois ou quatre jours pour t’en débarrasser.
J’ai jeté des regards affolés tout autour de moi.
– T’inquiète ! Ils font pas attention. Ils s’occupent pas de nous. En attendant, reconnais quand même que tu l’as pas volée. Non ?
Je l’ai admis. Du bout des lèvres.
– Ah, si ! Si ! Et même que c’est pas cher payé. Parce que c’est dégoûtant ce que t’as fait. Vraiment dégueulasse.
J’ai fui son regard.
– Et ça faisait combien de temps que tu nous reluquais comme ça en douce ?
– Oh, pas beaucoup.
– Combien ?
– Une semaine. Peut-être un peu plus.
– Menteur ! C’est forcément au mois d’aôut que tu l’as trafiqué le store. Quand on n’était pas là. Donc, ça fait deux mois. Plus de deux mois. T’es vraiment une enflure, toi, hein !
Elle a chiffonné sa serviette, l’a jetée dans son assiette.
– Oh, mais ça va pas se passer comme ça ! On en parlait encore hier soir, Emma et moi. Parce que ma mère, c’est une chose. Elle a réglé ses comptes avec toi. Bon, mais pas nous. Et tu sais ce qu’elle pense, ma sœur ? C’est que nous aussi, on devrait t’en flanquer une de fessée. Que ce serait la moindre des choses. Pas tout de suite. Que ça s’estompe sur ton derrière. Et que ça te laisse le temps de mariner. Mais on le fera. Ça, c’est sûr qu’on le fera.
Une fille l’a hélée, près de la fenêtre, à droite.
– Manon !
– J’arrive !
Elle s’est levée.
– De toute façon, ça vaut beaucoup mieux, pour toi, qu’on s’occupe de ton cas que si on allait clabauder à droite et à gauche. Surtout maintenant qu’en plus de raconter que tu fais le voyeur, on pourrait aussi chanter sur les toits que tu t’es pris une fessée. Et une bonne ! Avec tous les détails.
Elle m’a fait un petit signe de la main.
Et elle est allée rejoindre l’autre fille.
Elles se sont éloignées bras dessus bras dessous, dans un grand éclat de rire.

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