mercredi 22 mai 2019

Sévères voisines (7)


Camille m’attendait.
– Alors ?
– Alors quoi ?
– Qu’est-ce qu’elles te voulaient ?
– Oh, rien ! Des conneries.
– Quelles conneries ?
– J’ai pas envie d’en parler.
– Oui, mais moi, j’ai envie de savoir.
C’était vraiment pas le moment.
– Lâche-moi ! Mais lâche-moi, putain ! Tu vas me lâcher ?
Et j’ai pris la direction de ma chambre.
Elle m’a crié, d’en bas.
– Oh, mais je saurai. N’importe comment je saurai.

Aussitôt la porte refermée, je me suis déshabillé. Enfermée, compressée dans mon boxer, ma fessée s’y débattait, y bouillonnait. J’en suis précipitamment sorti et je me suis jeté à plat ventre sur mon lit.
Les garces ! Non, mais quelles garces ! Oh, mais ça allait pas se passer comme ça ! Sûrement pas ! J’allais… J’allais quoi ? Je savais pas, mais j’allais… Ça c’est sûr que j’allais leur faire payer cette humiliation. Au centuple. Comment ? Je l’ignorais, mais je trouverais bien. D’une façon ou d’une autre, je trouverais…
J’ai fini par hausser intérieurement les épaules. Pauvre idiot ! Tu ne ferais rien d’autre qu’aggraver ton cas, que leur fournir des armes supplémentaires contre toi. Tu es pieds et poings liés entre leurs mains. Par ta faute. Prends-en une bonne fois pour toutes ton parti. Et fais profil bas si tu ne veux pas qu’elles te martyrisent à qui mieux mieux le popotin.

Ça me battait dans les fesses. Ça me lançait. Ça me cuisait. Elle n’y était vraiment pas allée de main morte, celle qui avait manié le martinet. Laquelle c’était d’ailleurs ? Manon ? Emma ? Leur mère ? Je n’en avais pas la moindre idée. Je n’avais pas le moindre indice. Ça pouvait être n’importe laquelle d’entre elles. Tout le temps que ça avait duré, elles étaient restées toutes les trois derrière moi. Alors laquelle ? Est-ce que ça avait une importance finalement laquelle ? Aucune. De toute façon, le résultat était là. Oui, mais quand même ! Quand même ! Il y avait quelque chose, en moi, qui voulait savoir. Qui tenait absolument à savoir. Qui s’y est essayé. En vain.

J’ai fini par vaguement m’assoupir.
C’est un petit sifflement stupéfait, derrière moi, qui m’a tiré d’un semi-sommeil dans lequel j’avais finalement sombré.
Camille. C’était Camille.
– Oh, la vache ! Dans quel état elles te l’ont mis !
Et elle s’est absorbée dans la contemplation de mon postérieur tuméfié.
Me retourner ? Je ne gagnais pas forcément au change.
Elle n’en revenait pas.
– Oh, dis donc ! Non, mais dis donc ! Cette tannée !
– Oui, bon ben ça va !
– C’est elles à côté, hein ?
– Si on te le demande…
– Si, c’est elles ! Je suis sûre que c’est madame Beauchêne. C’est à cause de quoi ? Tu veux pas le dire ? Je le sais n’importe comment ce qui s’est passé. C’est cet été. Quand t’allais chez elles pour le chat. Et les plantes. T’en as profité pour piquer des trucs. C’est ça, hein ?
– Mais jamais de la vie !
– Bien sûr que si que c’est ça. Qu’est-ce ça peut être d’autre ? Et elles t’ont laissé le choix. Ou bien elles t’en collaient une ou bien elles portaient plainte. Oh, mais t’as bien fait. Parce qu’une plainte, ça t’aurait suivi toute ta vie. Ça t’aurait collé à la peau. Tandis que là… Un mauvais moment à passer. Et puis voilà…
Elle s’est éloignée. Retournée sur le pas de la porte.
– T’inquiète pas ! Je dirai rien.
C’était l’essentiel.

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