– Je
vous dérange pas ?
– Non.
Je vous attendais.
– Comment
ça, vous m’attendiez ?
– Je
me doutais bien que vous auriez envie de venir me voir en plein
travail. Et comme on est dimanche…
Elle
était installée devant son chevalet, le pinceau à la main, la
palette sur les genoux. Sur le mur blanc, devant elle, une photo en
couleur, grand format, qu’elle était en train de reproduire à
l’identique. Celle de l’homme aux fesses meurtries.
– Ah,
parce que…
– Je
travaille sur photos, oui. Le moyen de faire autrement ? Je ne
peux matériellement pas réaliser un tableau toutes les douze
heures. Faut bien que j’aille travailler. Que je mange. Que je
dorme. Je n’ai donc pas d’autre solution que de stocker les
clichés au fur à mesure et de m’atteler à la tâche dès que je
dispose d’un peu de temps.
– Ce
qui fait que, du coup, vous en avez tout un tas d’avance.
– De
lui, sept. Vous voulez les voir ?
– Ah,
parce qu’il y a pas que lui ?
Elle
n’a pas répondu. Elle a fait défiler les photos, lentement, une à
une. De l’une à l’autre, le changement était spectaculaire. Le
rouge se faisait violet. De larges taches jaunes, puis noires,
s’étendaient, s’élargissaient. Les zébrures s’épaississaient,
se boursouflaient. Et puis tout se résorbait, peu à peu, avant de
disparaître totalement.
– Il
passe de temps en temps ? Il vient voir si votre travail
avance ?
– Pas
bien, non…
– Ça
l’intéresse pas ?
– Il
a le double des photos. Je suppose que ça lui suffit.
– Oui,
alors si ça tombe, vous le reverrez jamais.
– Il
y a des chances, en effet. À moins que ça le démange de se
reprendre une volée. Ce qui n’est pas forcément à exclure.
– En
gros, vous faites tout ça pour rien, quoi !
– Pas
pour rien, non ! Si je n’y trouvais pas mon compte, d’une
façon ou d’une autre…
– Et
vous l’y trouvez comment, si c’est pas indiscret ?
Elle
a haussé les épaules.
– Je
vais pas vous raconter d’histoires. J’aime fouetter. Les hommes.
Exclusivement les hommes. J’aime le bruit des lanières qui
s’abattent sur leurs fesses. J’aime les voir se tortiller. J’aime
voir leurs culs s’enflammer. J’aime les entendre gémir de
douleur.
Ça
avait au moins le mérite d’être clair.
– Et
j’aime prolonger. Me pencher, des heures durant, sur ces
postérieurs qui se sont offerts à moi, les caresser amoureusement,
du bout du pinceau, là où je les ai si généreusement entamés,
raviver encore et encore leurs rougeurs et leurs boursouflures. Ils
sont à moi. Comme je veux. Autant que je veux. Beaucoup plus encore
que lorsqu’ils étaient vraiment là. Vous comprenez ?
Ça,
pour comprendre, je comprenais, oui. Mais, par contre, ce qui
m’échappait complètement, c’est le pourquoi de toutes ces
confidences.
– Non,
parce que… on se connaît à peine. C’est la troisième fois
qu’on se voit…
– Quatrième.
– Et
ce que vous me révélez là…
– Est
de l’ordre de l’intime. Je sais, oui. Vous êtes l’une des très
très rares personnes à être au courant.
– Pourquoi
alors ? Pourquoi moi ?
– J’ai
sans doute mes raisons…
– Qui
sont ?
– Vous
le saurez, le moment venu…
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