mercredi 29 août 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (3)


– Je vous dérange pas ?
– Non. Je vous attendais.
– Comment ça, vous m’attendiez ?
– Je me doutais bien que vous auriez envie de venir me voir en plein travail. Et comme on est dimanche…
Elle était installée devant son chevalet, le pinceau à la main, la palette sur les genoux. Sur le mur blanc, devant elle, une photo en couleur, grand format, qu’elle était en train de reproduire à l’identique. Celle de l’homme aux fesses meurtries.
– Ah, parce que…
– Je travaille sur photos, oui. Le moyen de faire autrement ? Je ne peux matériellement pas réaliser un tableau toutes les douze heures. Faut bien que j’aille travailler. Que je mange. Que je dorme. Je n’ai donc pas d’autre solution que de stocker les clichés au fur à mesure et de m’atteler à la tâche dès que je dispose d’un peu de temps.
– Ce qui fait que, du coup, vous en avez tout un tas d’avance.
– De lui, sept. Vous voulez les voir ?
– Ah, parce qu’il y a pas que lui ?
Elle n’a pas répondu. Elle a fait défiler les photos, lentement, une à une. De l’une à l’autre, le changement était spectaculaire. Le rouge se faisait violet. De larges taches jaunes, puis noires, s’étendaient, s’élargissaient. Les zébrures s’épaississaient, se boursouflaient. Et puis tout se résorbait, peu à peu, avant de disparaître totalement.
– Il passe de temps en temps ? Il vient voir si votre travail avance ?
– Pas bien, non…
– Ça l’intéresse pas ?
– Il a le double des photos. Je suppose que ça lui suffit.
– Oui, alors si ça tombe, vous le reverrez jamais.
– Il y a des chances, en effet. À moins que ça le démange de se reprendre une volée. Ce qui n’est pas forcément à exclure.
– En gros, vous faites tout ça pour rien, quoi !
– Pas pour rien, non ! Si je n’y trouvais pas mon compte, d’une façon ou d’une autre…
– Et vous l’y trouvez comment, si c’est pas indiscret ?
Elle a haussé les épaules.
– Je vais pas vous raconter d’histoires. J’aime fouetter. Les hommes. Exclusivement les hommes. J’aime le bruit des lanières qui s’abattent sur leurs fesses. J’aime les voir se tortiller. J’aime voir leurs culs s’enflammer. J’aime les entendre gémir de douleur.
Ça avait au moins le mérite d’être clair.
– Et j’aime prolonger. Me pencher, des heures durant, sur ces postérieurs qui se sont offerts à moi, les caresser amoureusement, du bout du pinceau, là où je les ai si généreusement entamés, raviver encore et encore leurs rougeurs et leurs boursouflures. Ils sont à moi. Comme je veux. Autant que je veux. Beaucoup plus encore que lorsqu’ils étaient vraiment là. Vous comprenez ?
Ça, pour comprendre, je comprenais, oui. Mais, par contre, ce qui m’échappait complètement, c’est le pourquoi de toutes ces confidences.
– Non, parce que… on se connaît à peine. C’est la troisième fois qu’on se voit…
– Quatrième.
– Et ce que vous me révélez là…
– Est de l’ordre de l’intime. Je sais, oui. Vous êtes l’une des très très rares personnes à être au courant.
– Pourquoi alors ? Pourquoi moi ?
– J’ai sans doute mes raisons…
– Qui sont ?
– Vous le saurez, le moment venu…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire