– Allô ?
David ? C’est Julie ! Vous vous souvenez ?
Évidemment
que je me souvenais ! Évidemment ! Vienne. Le Belvédère.
On s’était rencontrés devant un tableau dont, quand elle avait
compris que j’étais français, elle m’avait vanté les mérites
en long, en large et en travers. On avait poursuivi la visite
ensemble. Klimt. Egon Schiele. Tant d’autres. Et on avait fini par
aller prendre un verre. Au moment de la quitter, je lui avais
grifouillé mon numéro de portable, sans vraiment y croire, sur un
post-it. Au cas où, une fois rentrés à Paris…
On a
échangé quelques banalités. Et puis…
– On
déjeune ensemble un de ces quatre ? Ça vous dit ?
Et
comment que ça me disait !
– Avec
plaisir. Quand vous voudrez.
– Demain
soir alors !
Elle
avait revêtu une petite robe turquoise toute simple, relevé ses
cheveux en chignon et s’était contentée d’un léger maquillage
qui faisait chanter le vert de ses yeux.
Le
serveur a déposé les menus devant nous.
– J’avoue
avoir été très agréablement surpris hier…
Elle
a souri.
– En
fait, j’ai retrouvé votre numéro par hasard, en changeant de sac.
J’ai failli le jeter et puis, au dernier moment, je me suis
ravisée. Parce que, je sais pas vous, mais moi, dans mon entourage,
les gens férus de peinture, ils se bousculent pas au portillon. Des
prétentieux, oui, ça, il y en a. À la pelle. Des peintres du
dimanche qui se croient de grands artistes parce qu’ils parviennent
à reproduire à peu près convenablement « Les nymphéas »
ou « Les tournesols », mais qui n’ont seulement jamais
entendu parler de Saudek ou de Bellmer. Non. Les vrais connaisseurs,
on peut pas dire que ça court les rues.
– Et
vous pensez que moi… J’ai bien peur que vous ne me surestimiez.
Elle
a haussé les épaules.
– Non.
Vous, j’ai pu le constater à Vienne, vous avez une véritable
sensibilité artistique. Les tableaux, vous les sentez. Vous avez un
regard qui les pénètre. Qui leur fait donner toute leur mesure.
Vous en avez une perception enrichissante. Et j’avoue que la
perspective de passer une après-midi, de temps à autre, à Orsay ou
au Louvre avec vous ne serait pas pour me déplaire.
– Confidence
pour confidence, j’avoue que, de mon côté…
On
nous a apporté les entrées.
– Bon
appétit !
– Merci.
Vous aussi…
– Je
peux me montrer indiscrète ?
– Vous
pouvez toujours essayer.
– J’ignore
ce que vous faites dans la vie.
– Oh,
c’est pas vraiment indiscret. Je suis prof…
– Et
prof de ?
– Musique.
– J’aurais
dû m’en douter. Ça doit être passionnant, non ?
– Quand
les élèves sont réceptifs et motivés, oui. Énormément. Et vous,
vous faites quoi ?
– Oh,
rien de bien extraordinaire ! Je préside aux destinées d’une
agence immobilière.
– Et
vous occupez vos loisirs à peindre.
– Comment
vous le savez ?
– Je
me trompe ?
– Non,
mais…
– Vous
me montrerez ?
– Oh,
c’est juste des barbouillis, vous savez !
– Que
vous dites… Vous me montrerez ?
– Si
vous y tenez…
– Oh,
oui, j’y tiens, oui.
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