mercredi 15 août 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (1)


– Allô ? David ? C’est Julie ! Vous vous souvenez ?
Évidemment que je me souvenais ! Évidemment ! Vienne. Le Belvédère. On s’était rencontrés devant un tableau dont, quand elle avait compris que j’étais français, elle m’avait vanté les mérites en long, en large et en travers. On avait poursuivi la visite ensemble. Klimt. Egon Schiele. Tant d’autres. Et on avait fini par aller prendre un verre. Au moment de la quitter, je lui avais grifouillé mon numéro de portable, sans vraiment y croire, sur un post-it. Au cas où, une fois rentrés à Paris…
On a échangé quelques banalités. Et puis…
– On déjeune ensemble un de ces quatre ? Ça vous dit ?
Et comment que ça me disait !
– Avec plaisir. Quand vous voudrez.
– Demain soir alors !

Elle avait revêtu une petite robe turquoise toute simple, relevé ses cheveux en chignon et s’était contentée d’un léger maquillage qui faisait chanter le vert de ses yeux.
Le serveur a déposé les menus devant nous.
– J’avoue avoir été très agréablement surpris hier…
Elle a souri.
– En fait, j’ai retrouvé votre numéro par hasard, en changeant de sac. J’ai failli le jeter et puis, au dernier moment, je me suis ravisée. Parce que, je sais pas vous, mais moi, dans mon entourage, les gens férus de peinture, ils se bousculent pas au portillon. Des prétentieux, oui, ça, il y en a. À la pelle. Des peintres du dimanche qui se croient de grands artistes parce qu’ils parviennent à reproduire à peu près convenablement « Les nymphéas » ou « Les tournesols », mais qui n’ont seulement jamais entendu parler de Saudek ou de Bellmer. Non. Les vrais connaisseurs, on peut pas dire que ça court les rues.
– Et vous pensez que moi… J’ai bien peur que vous ne me surestimiez.
Elle a haussé les épaules.
– Non. Vous, j’ai pu le constater à Vienne, vous avez une véritable sensibilité artistique. Les tableaux, vous les sentez. Vous avez un regard qui les pénètre. Qui leur fait donner toute leur mesure. Vous en avez une perception enrichissante. Et j’avoue que la perspective de passer une après-midi, de temps à autre, à Orsay ou au Louvre avec vous ne serait pas pour me déplaire.
– Confidence pour confidence, j’avoue que, de mon côté…
On nous a apporté les entrées.
– Bon appétit !
– Merci. Vous aussi…
– Je peux me montrer indiscrète ?
– Vous pouvez toujours essayer.
– J’ignore ce que vous faites dans la vie.
– Oh, c’est pas vraiment indiscret. Je suis prof…
– Et prof de ?
– Musique.
– J’aurais dû m’en douter. Ça doit être passionnant, non ?
– Quand les élèves sont réceptifs et motivés, oui. Énormément. Et vous, vous faites quoi ?
– Oh, rien de bien extraordinaire ! Je préside aux destinées d’une agence immobilière.
– Et vous occupez vos loisirs à peindre.
– Comment vous le savez ?
– Je me trompe ?
– Non, mais…
– Vous me montrerez ?
– Oh, c’est juste des barbouillis, vous savez !
– Que vous dites… Vous me montrerez ?
– Si vous y tenez…
– Oh, oui, j’y tiens, oui.

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