C’était
un atelier immense avec de grandes baies vitrées donnant sur les
toits de Paris.
– C’est
magnifique !
– Et
ça ne me coûte quasiment rien. Il faut bien que travailler dans
l’immobilier présente quelques avantages.
Il y
avait une quarantaine de toiles, toutes tournées nez au mur.
– Elles
sont punies ?
Elle
a souri.
– On
peut dire ça comme ça, oui.
Et
une autre, toute seule, en pleine lumière, recouverte d’un drap.
Je
m’en suis approché.
– C’est
l’œuvre en cours ?
– En
effet.
– Et…
on peut voir ?
– Ben,
allez-y, soulevez !
Je
m’y suis employé. Avec précaution. Et j’ai fait apparaître…
un homme nu. Il était représenté debout devant une grande glace en
pied, légèrement de côté. En sorte qu’on pouvait voir tout à
la fois ses fesses, striées de longues boursouflures violacées, son
visage au regard perdu, vaguement coupable, et sa verge flasque qui
lui pendait entre les jambes.
– Techniquement,
vous maîtrisez sacrément bien, dites donc !
– Techniquement,
peut-être… Mais à part ça ?
– C’est
quoi ? Une commande ?
– Dans
un sens, oui. Tenez, vous allez comprendre…
Et
elle a remis à l’endroit deux des tableaux qui nous tournaient le
dos le long du mur. Le même homme. Exactement dans la même
position. La même attitude. Sauf que, sur le premier, on ne voyait
pas trace du moindre coup. Sur le second, par contre, ils étaient
bien présents et il était clair, vu leur texture et leur couleur,
qu’ils venaient d’être tout récemment donnés. L’expression
du visage aussi différait. Dans le premier cas, on sentait une sorte
d’appréhension, une inquiétude diffuse. Dans l’autre, une honte
intense mâtinée d’une espèce de jubilation.
– Vous
voyez ?
– Pas
trop, non.
– Là,
c’est juste avant. Il ne s’est encore rien passé. Et là, c’est
juste après. Il vient de se la prendre sa volée. Quant au
troisième, celui qui trône sur le chevalet, c’est l’état des
lieux douze heures plus tard. On ne va d’ailleurs pas s’arrêter
en si bon chemin. Il y aura un nouvel état des lieux toutes les
douze heures. Jusqu’à ce que toute trace résiduelle ait disparu.
Ce qui n’empêchera évidemment pas de tout reprendre à zéro par
la suite, de la même façon ou d’une autre, si le monsieur en fait
expressément la demande.
– Et
qui se charge de traiter son postérieur avec autant de conviction ?
– Au
jour d’aujourd’hui, mon pauvre monsieur, on est souvent obligé
de tout faire soi-même.
– Vu
comme ça…
– Je
vous choque ?
– Oh,
non ! Non ! Il m’en faut plus. Beaucoup plus. Mais il va
en faire quoi de tous ces tableaux alors, le type ?
– Les
accrocher dans son salon, tiens, pardi ! Que tout le monde, la
famille, les amis, les invités, le facteur, puissent en profiter
tout à loisir.
– Fichez-vous
bien de moi !
– Non.
Ils vont rester ici, ces tableaux, bien évidemment ! Ici, où
il pourra venir les voir chaque fois que bon lui semblera.
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