mercredi 22 août 2018

Julie, artiste peintre fesseuse (2)


C’était un atelier immense avec de grandes baies vitrées donnant sur les toits de Paris.
– C’est magnifique !
– Et ça ne me coûte quasiment rien. Il faut bien que travailler dans l’immobilier présente quelques avantages.
Il y avait une quarantaine de toiles, toutes tournées nez au mur.
– Elles sont punies ?
Elle a souri.
– On peut dire ça comme ça, oui.
Et une autre, toute seule, en pleine lumière, recouverte d’un drap.
Je m’en suis approché.
– C’est l’œuvre en cours ?
– En effet.
– Et… on peut voir ?
– Ben, allez-y, soulevez !
Je m’y suis employé. Avec précaution. Et j’ai fait apparaître… un homme nu. Il était représenté debout devant une grande glace en pied, légèrement de côté. En sorte qu’on pouvait voir tout à la fois ses fesses, striées de longues boursouflures violacées, son visage au regard perdu, vaguement coupable, et sa verge flasque qui lui pendait entre les jambes.
– Techniquement, vous maîtrisez sacrément bien, dites donc !
– Techniquement, peut-être… Mais à part ça ?
– C’est quoi ? Une commande ?
– Dans un sens, oui. Tenez, vous allez comprendre…
Et elle a remis à l’endroit deux des tableaux qui nous tournaient le dos le long du mur. Le même homme. Exactement dans la même position. La même attitude. Sauf que, sur le premier, on ne voyait pas trace du moindre coup. Sur le second, par contre, ils étaient bien présents et il était clair, vu leur texture et leur couleur, qu’ils venaient d’être tout récemment donnés. L’expression du visage aussi différait. Dans le premier cas, on sentait une sorte d’appréhension, une inquiétude diffuse. Dans l’autre, une honte intense mâtinée d’une espèce de jubilation.
– Vous voyez ?
– Pas trop, non.
– Là, c’est juste avant. Il ne s’est encore rien passé. Et là, c’est juste après. Il vient de se la prendre sa volée. Quant au troisième, celui qui trône sur le chevalet, c’est l’état des lieux douze heures plus tard. On ne va d’ailleurs pas s’arrêter en si bon chemin. Il y aura un nouvel état des lieux toutes les douze heures. Jusqu’à ce que toute trace résiduelle ait disparu. Ce qui n’empêchera évidemment pas de tout reprendre à zéro par la suite, de la même façon ou d’une autre, si le monsieur en fait expressément la demande.
– Et qui se charge de traiter son postérieur avec autant de conviction ?
– Au jour d’aujourd’hui, mon pauvre monsieur, on est souvent obligé de tout faire soi-même.
– Vu comme ça…
– Je vous choque ?
– Oh, non ! Non ! Il m’en faut plus. Beaucoup plus. Mais il va en faire quoi de tous ces tableaux alors, le type ?
– Les accrocher dans son salon, tiens, pardi ! Que tout le monde, la famille, les amis, les invités, le facteur, puissent en profiter tout à loisir.
– Fichez-vous bien de moi !
– Non. Ils vont rester ici, ces tableaux, bien évidemment ! Ici, où il pourra venir les voir chaque fois que bon lui semblera.

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