– Bienvenue à bord. Fais comme chez toi !
Un colosse, allongé nu sur son lit. Un colosse qui me
considère d’un œil amusé.
– Salut ! Moi, c’est Alrich. T’as l’air
complètement paumé, dis donc ! Normal au début. Mais on s’y fait, tu
verras. On s’y fait vite. De toute façon, on n’a pas le choix. Bon, mais
installe-toi ! Reste pas planté là. C’est l’autre, ton lit. Forcément. Il
y en a que deux. Et ton placard, c’est celui à gauche de la fenêtre. T’as tout
un tas de trucs dedans : des vêtements, ce qu’il faut pour se laver ;
et même des médicaments… T’as plus qu’à prendre tes marques. Ça surprend,
hein ?
– Quoi donc ?
– Ben, de se faire dérouiller comme ça, à peine arrivé.
– J’ai pas compris. Qu’est-ce qu’elles me
reprochaient ?
– Oh, mais rien du tout ! Non. C’est juste que les
petits nouveaux, elles leur donnent, d’entrée de jeu, un échantillon gratuit de
ce qui les attend si, d’aventure, il leur prenait l’envie de jouer les fortes
têtes. Avertissement sans frais. T’en recevras d’autres des raclées. À tort ou
à raison. Personne n’y échappe. Ce qu’il faut impérativement éviter, par
contre, c’est de les prendre de front, de t’opposer carrément. Elles auraient
tôt fait de te coller un rapport et, « là-haut », on ne chercherait
pas à comprendre. On te déclasserait direct et on t’enverrait au
« tout-venant ». Et là, je peux te dire que tu morfles. Tu manies la
pelle et la pioche douze heures par jour. Quand c’est pas plus. Sans compter
tout le reste : une bouffe dégueulasse. Des dortoirs à peine chauffés dans
lesquels t’es entassé à quarante. Des gardiennes peaux de vache qui t’en font
voir de toutes les couleurs. En comparaison, ici, c’est le paradis. Ou
quasiment. On bénéficie d’un sacré régime de faveur, nous, les SIB…
– Mais c’est quoi au juste, ça, SIB ?
– Qu’est-ce tu fais ? Tu t’habilles ? C’est
pas forcément une bonne idée.
– Ben, pourquoi ?
– Bon… Que je t’explique… Il y a ici, en gros, vingt fois
plus de Cythriennes que de Cythriens. Pourquoi ? Je n’en sais fichtre rien.
Elles sont pas du genre à nous faire leurs confidences. Et il y a plein
d’explications possibles. Ce qu’il y a de sûr, en tout cas, c’est que c’est
comme ça et que celles qu’ont un mec – c’est comme partout : les
mieux foutues, les plus riches ou les plus influentes – elles le mettent
sous cloche. Pas question de le laisser traîner dehors au risque de se le faire
souffler. T’as tout un tas de nanas, du coup, qu’en sont réduites à se
débrouiller entre elles ou à se faire du bien en solitaire. Les seuls mâles
qu’elles aient l’occasion d’apercevoir ou d’approcher, c’est nous, les assujettis.
Avec qui il est absolument exclu qu’il se passe quoi que ce soit : elles
finiraient leurs jours en prison dans des conditions particulièrement
éprouvantes. Quant au complice, ses jours seraient comptés. Il n’empêche :
on a malgré tout entre les jambes quelque chose qui pique leur curiosité et alimente
leurs fantasmes. Surtout nous, les SIB. On est jeunes, virils, musclés, parfois
beaux. Alors tu comprends bien qu’être gardienne, c’est très prisé ici. Celles qui
parviennent à le devenir nous ont en permanence sous la main et peuvent se
régaler les yeux tout leur saoul. Elles ne s’en privent d’ailleurs pas. Tu
pourras le constater par toi-même. Alors si tu veux qu’elles t’aient à la
bonne, – et tu apprendras qu’il vaut nettement mieux les avoir dans la
poche –, prête-toi au jeu. Ici, dans la piaule. C’est truffé de caméras.
Ou sous la douche : C’est là qu’elles en profitent au maximum. Surtout si
on a la bonne idée de se faire des trucs entre nous. Ce qui arrive souvent.
Presque chaque fois. Tu vas avoir l’occasion de te rendre compte par toi-même
d’ailleurs. Parce que ça va être l’heure d’y aller.
Un brouhaha dans le couloir. La porte s’ouvre. Une quinzaine
d’hommes, nus eux aussi, auxquels nous nous joignons, Alrich et moi. Les deux
gardiennes me détaillent de la tête aux pieds. Et des pieds à la tête.
– C’est toi, le nouveau ?
Elles font claquer leurs fouets.
– Eh, ben tâche de te tenir à carreau. Et tout ira bien.
Un léger petit coup, au passage, sur les fesses.
Alrich se penche discrètement vers moi.
– C’est Dorotine et Klardène, ces deux-là. C’est pas les
pires si on sait les prendre.
Les douches sont alignées, en enfilade, tout au long d’une
immense paroi. On s’installe au hasard. Comme ça se trouve. Il y en a un qui se
met, presque aussitôt, à en laver un autre. Elles ne disent rien. Elles le
regardent faire. Il prend tout son temps. Le dos. Les fesses. Entre les fesses.
Ils bandent. Tous les deux. Il introduit un doigt. Un deuxième. L’autre rejette
la tête en arrière, écarte les jambes, se penche à l’équerre, offert. Le type
s’enfonce lentement, très lentement, centimètre par centimètre, tout en lui
malaxant généreusement les couilles. Et puis il se met en mouvement. À grands
coups de reins. Profonds. Déterminés. Tout autour des bites se dressent. Qui s’élancent
éperdument à la recherche de leur délivrance. Un grand blond s’agenouille
devant son voisin, prend sa queue entre ses lèvres, l’engloutit goulûment. Une
bite éclate. Une autre. Les gardiennes, immobiles, silencieuses, nous dévorent
des yeux.
Le type, à côté de moi, prend ma main, se la pose en bas.
– Branle-moi !
Je le fais. En un rapide va-et-vient. Elle est dure, épaisse,
pas très longue. Il s’empare de moi, lui aussi, me lisse, tout au bout, avec le
pouce, me décalotte bien à fond. Ça va très vite. On se répand. Tous les deux.
En même temps.
Dans le couloir, Alrich me pose une main sur l’épaule.
– Il s’y prend pas trop mal Germie, hein ? Mais il
y a mieux pour ce genre de choses. Beaucoup mieux. Gamelot par exemple.
D’autres aussi. Et, pour les pipes, t’as un véritable spécialiste, c’est
Tiercelin. Tu montes direct au plafond avec lui. Mais tu verras tout ça à
l’usage. T’apprendras. Parce que, de toute façon, ici on n’a pas le
choix : faut se débrouiller entre mecs. Les nanas, on n’y a pas droit. Les
Cythriennes, c’est même pas la peine d’y penser. Il y danger de mort. Quant aux
assujetties, il ne semble pas y avoir d’interdiction formelle, mais comme on
n’est quasiment jamais en contact avec…
– Elles nous emmènent où, là, les gardiennes ?
– Au réfectoire. C’est l’heure d’aller casser la croûte.
– Comme ça ? À poil ?
– Faudra t’y faire. On l’est quasiment tout le temps ici
à poil. Soi-disant pour éviter qu’on se tire. C’est sûr qu’on n’irait pas bien loin.
On aurait vite fait d’être repérés. Et rattrapés. Ce genre de consignes, tu penses
bien qu’elles les font respecter à la lettre, les gardiennes. Ça les arrange.
T’as vu ça tout à l’heure ? T’as fait attention ? Elles n’en
perdaient pas une miette. Et elles mouillaient à fond, va, t’as pas besoin de
t’en faire.
– Je me demandais à un moment… Je me disais que peut-être
elles allaient se le faire toutes les deux…
– Devant nous ? Oui, ben alors là il y avait pas de
risque. Ça leur coûterait très cher. Non. Pas question. Après, elles se
rattrapent. Une fois toutes seules.
– Ça doit être sacrément frustrant quand même !
Devoir attendre, comme ça, quand t’es bien excitée.
– Ça, c’est leur problème.
C’est une salle immense. Il y a nous, notre groupe, à une
grande table. Et puis d’autres groupes, à d’autres tables, tout autour.
Tout en mangeant, ils veulent savoir. Je me suis fait prendre
comment ? Où ? Et je raconte : la matinée passée dans la forêt à
relever mes collets. À chercher des champignons ou n’importe quoi d’autre à
manger. Mon retour, bredouille. Les deux femmes sur le bord de la route. Leurs
bras qui se lèvent dans ma direction.
Pour eux ça a été la même chose. Tous. Exactement le même
scénario. Sans la moindre exception.
– C’est bien rôdé leur truc.
– Et apparemment il n’y a que les Français qui les
intéressent. Allez savoir pourquoi.
Germie me pose la main sur la cuisse, l’y laisse.
– Ici au moins tu mangeras à ta faim. Et puis non
seulement c’est copieux, mais c’est de qualité.
– Je vois bien, oui. Il y a longtemps que je n’ai été à
pareille fête.
– Ils sont aux petits soins. Parce que nous, les SIB,
faut impérativement qu’on soit en pleine forme.
– Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’on a de si différent
des autres ?
Ils veulent tous m’expliquer en même temps. Ça fait tout un
brouhaha. Les gardiennes froncent les sourcils, s’approchent en faisant claquer
leurs fouets. Tout se calme. Un type tout au bout de la table en profite pour
prendre la parole.
– Pour faire court : La Cythrie est divisée en
quatre secteurs. Qu’ils appellent, eux, des amillons. Nous, ici, on fait partie
du troisième. Chaque année, en juin, se déroulent les Jeux pancythriens qui
revêtent, à leurs yeux, une importance capitale. L’enjeu est en effet
considérable : les habitants de l’amillon vainqueur sont totalement
exonérés d’impôts et se voient gratifiés d’une foule d’avantages de toute sorte.
Les autres, par contre, sont lourdement taxés. Au prorata des résultats
obtenus. Lesquels résultats dépendent de nous, les SIB. Parce que les Cythriens,
eux, ne concourent pas. C’est à nous qu’il incombe de le faire. Alors tu penses
bien que c’est avec le plus grand soin que chaque amillon choisit ses
compétiteurs parmi les assujettis ramenés par ses recruteuses et qu’il fait en
sorte qu’ils soient au top de leur condition physique le jour J. C’est leur
intérêt, mais c’est aussi le nôtre : toute contre-performance se paie
cash. Et cher. Très cher.
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