mercredi 9 mai 2018

Prisonnier des Cythriennes (3)

La voix d’Alrich me parvient de très loin comme assourdie. D’au-delà du sommeil.
– Hervain ! Réveille-toi, bon sang ! Lève-toi !
Il insiste, me secoue tant et plus.
– C’est Alvita et Parveille, les gardiennes ce matin. Et si elles te trouvent encore au lit. Allez, debout ! Oh, et puis zut ! Tu fais bien comme tu veux.
Les couvertures brusquement arrachées. Rabattues jusqu’au pied du lit. Les deux gardiennes. Leurs cravaches s’abattent à pleines cuisses. Je me retourne sur le ventre. Ça continue à cingler. Je crie. Ça ne s’arrête pas. Une quinzaine de coups. Une vingtaine. Des mots que je ne comprends pas. Un répit. Je me jette hors du lit. Encore des mots. Elles sont furieuses. Elles me tournent le dos. Elles s’en vont.
– Je t’avais prévenu…
– Qu’est-ce qu’elles racontaient dans leur charabia ?
– Que quand c’est l’heure, c’est l’heure. Que là, c’était juste un échantillon, mais que la prochaine fois, t’aurais droit à une correction en règle.
– Ben, qu’est-ce ça doit être !
– Je te le fais pas dire. Un conseil : tiens-toi à carreau à l’entraînement tout à l’heure. Parce que maintenant elles vont t’avoir à l’œil.

– Bon… On y va ?
– Comme ça ?
– Ben oui, comme ça, oui.
– Mais on est tout le temps à poil ici ! Partout !
– Pratiquement, oui. Du moins quand le temps s’y prête : faudrait pas qu’on tombe malades. C’est pas leur intérêt. Et puis là, en plus, on va assurer le spectacle.
– Comment ça ?
– Tu verras.

On nous emmène. En car. Sous la surveillance de trois gardiennes, assises l’une à l’avant et l’autre à l’arrière. Quant à la troisième, elle arpente inlassablement le couloir central en brandissant son fouet.
– Ce serait facile.
– Quoi donc ?
– On est plus de cinquante. Elles sont trois. Elles feraient pas le poids.
– Personne te suivrait. Tous ceux – tous, sans la moindre exception – qui ont tenté de s’enfuir, n’en ont pas réchappé.
Par la vitre se succèdent, des pavillons, des jardins fleuris, de coquets petits immeubles, des rues animées, des magasins. Une foule de magasins.
– Ça change, hein ? Ils crèvent pas de faim au milieu des ruines, eux.
– Mais comment ils ont fait ?
– Ils ont travaillé. Et, surtout, fait travailler…
– C’est complètement fou.
– Et t’es pas au bout de tes surprises.

Le stade Un stade immense. Une clameur nous y accueille. Des femmes. Que des femmes. Agglutinées au bord de la piste d’athlétisme. Des centaines de femmes. Un millier peut-être. Qui nous ovationnent à qui mieux mieux.
– Nos supportrices ?
– On peut dire ça comme ça. En fait elles viennent surtout se distraire. Et nous reluquer. Contrairement aux gardiennes, elles, c’est la seule occasion qu’elles aient de le faire. Sans compter qu’avec un peu de chance, l’un ou l’autre d’entre nous se verra gratifié d’une bonne fouettée. Il y en a, parmi elles, qui adorent ça, c’est clair…
Un tour de piste. Tous ensemble. Un autre.
Une femme en survêtement me fait signe. Tandis que les autres continuent à courir.
– Moi ?
– Ben oui, toi ! Pas le roi de Prusse.
Elle parle français avec un fort accent.
Moi. Et deux autres « nouveaux ».
– Vous allez nous montrer ce dont vous êtes capables.
Et de nous faire sauter. Courir. Lancer le marteau. Le javelot. Elle mesure. Chronomètre. Nous fait recommencer. Et décide finalement que les deux autres ne font pas l’affaire.
– Emmenez-les !
Deux gardiennes se précipitent.
– Quant à toi, ce sera le saut en longueur. À l’essai. Alors tâche de te montrer à la hauteur.
Une formatrice me prend aussitôt en mains. Vitesse de course. Pied d’appui. Élan.
– T’as compris ? Bon, ben allez !
Des femmes se sont approchées En quantité. Regroupées autour du sautoir. Elles ne me quittent pas des yeux. Applaudissent à tout rompre à chacun de mes sauts. Chuchotent entre elles. M’encouragent du geste et de la voix. Éclatent de rire, à l’occasion, à qui mieux mieux.
– Ce sera tout pour aujourd’hui. Va rejoindre les autres.

On fait cercle autour de moi. Alrich. Germie. Gamelot. Tiercelin. D’autres encore.
– Eh, ben dis donc, mon salaud, t’as eu ton petit succès !
– Forcément ! Un nouveau, fallait qu’elles viennent examiner ça de près.
– Ah, tu peux être tranquille que ça va allègrement penser à toi ce soir dans les plumards !
– Et que ça fera pas que penser.
Les gardiennes s’approchent en faisant claquer leurs fouets.
– Allez, à la douche ! Qu’est-ce que vous attendez ?
On se met en mouvement. Alrich se penche discrètement à mon oreille.
– Que je te dise… On les verra pas, mais on va aussi avoir des spectatrices dans les douches. De grosses huiles, celles-là. Celles qu’ont les moyens, d’une façon ou d’une autre, d’obtenir tout ce qu’elles veulent. Je t’expliquerai.

L’eau coule. À droite et à gauche, ça s’occupe avec gourmandise les uns des autres.
Gamelot s’installe à mes côtés et constate, avec intérêt.
– Tu bandes !
C’est vrai. Je peux difficilement prétendre le contraire.
– C’est excitant, hein, toutes ces queues en batterie.
– Oui. Enfin, non ! Enfin si ! Mais pas seulement. Il y a pas que ça. Il y a…
– Il y a toutes ces nanas qui se délectaient de toi tout à l’heure au sautoir. Et puis l’idée qu’il y en a d’autres qui ne perdent pas une miette de ce qui se passe. D’ailleurs faut leur en donner pour leur argent. C’est la moindre des choses.
Il avance la main, m’y dépose les couilles, la referme sur elles, me les palpe doucement.
– J’adore ça branler un mec.
Son autre main. Sur ma queue. Qu’elle s’approprie. Savante. Décidée. Je gicle presque aussitôt.
– Oh, ben non ! Pas déjà ! J’ai même pas pu en profiter.
Il m’y lance une petite claque.
– On remettra ça. Tu me dois une compensation.


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