Je
me suis effectivement mis au travail… Avec la meilleure volonté du
monde et la ferme intention de réussir à échapper à la pension…
Seulement j’avais accumulé un tel retard que le résultat était
loin de répondre à mes attentes… Et aux siennes… Elle fronçait
les sourcils, pinçait les lèvres, poussait des soupirs accablés…
– T’es
vraiment un flemmard-né, hein !
– Ah,
mais non… Non… J’ai travaillé, je vous assure…
– Et
menteur en plus… Un gamin… Un véritable gamin… Qui mériterait
des paires de claque… Et, de temps à autre, une bonne fessée…
Histoire de lui remettre les idées bien en place… Bon, mais tu
sais pas ? On va en rester là… Ça sert à rien… Je perds
mon temps… Alors rentre chez toi… J’irai trouver tes parents…
Je leur expliquerai que c’est pas la peine… Que tu es une
véritable loutre… Que ton cas est désespéré…
– Oh,
non, s’il vous plaît, non… Je travaillerai… De toutes mes
forces… Je vous en prie… Je vous en supplie… Ils vont me mettre
en pension sinon…
– Tu
serais pas le premier… Et ce serait quand même pas un drame…
– Oh,
si, ce serait un drame, si ! Vous la connaissez pas leur
pension… En Suisse elle est… Une vraie prison… Non… Et puis
surtout…
– Et
puis surtout ?
– Je
pourrais plus la voir ma copine… Émilie… Qu’aux vacances… Et
ça…
– Oui…
Bon… Alors écoute-moi bien… Je veux bien te laisser une dernière
chance…
– Oh,
merci… Merci…
– On
va, pour le moment, laisser tes parents en-dehors de tout ça… Par
contre tu vas travailler… Et travailler vraiment… Pas faire
semblant… Sinon je sévirai… C’est bien compris ? On est
bien d’accord ?
On
l’était… Oui… Oui…
Je
suis rentré à la maison fou de joie : la terrifiante
perspective de la pension s’était momentanément éloignée… Fou
de joie et perplexe… Elle avait dit que, le cas échéant, elle
sévirait… Elle entendait quoi par là ? Quand même pas que…
Pas à mon âge… À presque vingt ans… Non… Évidemment non…
C’était pas possible… Oui, mais alors si c’était pas ça
c’était quoi ?.Ça pouvait être quoi ? Je voyais pas…
Je voyais vraiment pas… N’importe comment il se poserait pas le
problème… J’allais travailler… D’arrache-pied…
– Parce
que t’appelles ça une dissertation ? Même un très médiocre
élève de troisième aurait fait beaucoup mieux… Une fois de plus
tu n’as rien fichu… C’est vraiment une habitude chez toi, hein…
Bon… Mais tu sais ce qui t’attend… Une bonne fessée… T’étais
prévenu…
– Je…
– Il
n’y a pas de « je » ni de « mais » qui
tienne… Viens ici ! Approche !
Elle
a éloigné sa chaise de la table…
– Plus
près ! Encore ! Allez ! Là… Et déculotte-toi !
Je
lui ai lancé un regard implorant…
– Ah,
on a passé un contrat tous les deux, hein ! Alors ou tu le
respectes ou ça va être vite vu… Tu rentres chez toi et…
– Non !
Non !
– Eh
bien allez alors ! Et tout t’enlèves… Tout…
Je
l’ai fait… Je me suis exécuté… Tête basse… J’ai tout
quitté… Tout abandonné… À même le tapis… Et j’ai attendu…
Longtemps… Sans oser relever la tête… Une éternité… Sans
oser la regarder…
Elle
m’a brusquement saisi par le bras, sèchement fait basculer en
travers de ses genoux où elle m’a solidement calé… J’ai
crispé les fesses dans l’attente du premier coup… Qui n’est
pas venu… Pas tout de suite…
– On
va promettre de travailler correctement ?
– Oui…
– D’y
consacrer tout sa volonté et toute son énergie ?
– Oui…
– De
ne pas perdre son temps à des amusements sans consistance ?
– Oui…
– Parfait…
Et
c’est tombé. Sonore. Dru. A grandes claques vigoureusement
lancées. De plus en plus vigoureusement. De plus en plus vite. Ça a
piqué. Ça a mordu. Ça a brûlé. Ça a fait crier. Battre des
jambes dans tous les sens. Ça a continué. Ça a ralenti. Ça s’est
arrêté…
– Là…
Tu peux te rhabiller… Et maintenant au travail !
– Ah,
ben voilà ! Voilà ! Voilà enfin un travail digne de ce
nom… C’est pas trop tôt… Mais c’est quand même malheureux,
avoue, que, pour en arriver là, Il ait fallu te punir comme un gamin
de huit ans… À ton âge tu devrais quand même avoir assez de
plomb dans la cervelle pour avoir conscience que c’est ton avenir
que tu prépares et agir en conséquence… Mais non ! Tu
préfères gaspiller ton temps à je ne sais quelles billevesées…
Eh bien on saura à quoi s’en tenir dorénavant… On saura qu’avec
toi la seule méthode qui soit efficace, c’est celle qui te fait
rougir le derrière… Bon, mais allez ! Tu as ton livre ?
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