– T’as
rien fichu… Une fois de plus… Reconnais-le au moins !
Je
pouvais difficilement prétendre le contraire… Mon bulletin était
calamiteux… J’avais lamentablement échoué au bac de Français…
4 à l’écrit… 6 à l’oral… Et le conseil de classe n’avait
consenti que du bout des lèvres à me laisser redoubler ma première…
– Après
avoir redoublé ta sixième et ta troisième… Ah, c’est beau !
C’est magnifique… À quel âge tu comptes passer ton bac ?
Vingt-huit ans ? Tu t’imagines tout de même pas qu’on va
financer tes études jusque là, non ? Alors tu sais pas ?
Tu vas aller goûter de la pension… Au moins là-bas tu seras tenu…
Et on te forcera à travailler… Que tu le veuilles ou non…
– Ah,
non, non ! Pas la pension, non…
– Il
fallait y réfléchir avant…
J’ai
eu beau supplier… Promettre… Jurer… Ils se sont montrés
inflexibles…
Le
ciel s’est quelque peu éclairci le surlendemain quand maman est
rentrée des courses…
– Vous
savez pas ce que j’ai appris ? Eh bien la femme qui vient de
louer la grande maison après le cimetière, c’est une ancienne
prof de Lettres… Peut-être qu’on pourrait aller la trouver… On
sait jamais… Si elle pouvait faire quelque chose pour Julien…
Et
papa d’approuver…
– Ça
n’engage à rien d’essayer…
Ils
en sont revenus enchantés…
– Elle
accepte de te prendre en mains… Et se fait fort de te faire avoir
ton bac de français… C’est une chance inouïe… Tâche de ne
pas la laisser passer…
– Et
j’irai pas en pension ?
– Oui,
oh, alors ça on verra… On verra avec elle… Le moment venu… Si
elle estime que tu as fait suffisamment d’efforts… Que tu es à
niveau… On pourra peut-être reconsidérer notre décision… Mais
on n’en est pas encore là…
J’ai
fait sa connaissance, le lendemain, sur le pas de sa porte… Une
grande femme à la peau parcheminée devant laquelle je me suis
aussitôt senti mal à l’aise… Coupable… Sans trop savoir de
quoi au juste… De n’avoir rien fichu en classe, oui… Mais
d’autre chose… Au-delà… Bien plus grave… Sur quoi il m’était
impossible de mettre un nom…
Elle
m’a longuement examiné des pieds à la tête de ses petits yeux
gris acier…
– Alors
comme ça c’est toi ! C’est toi qui as raté ton bac de
français ! Qui as un poil dans la main long comme ça…
J’ai
voulu bredouiller quelque chose. Elle a haussé les épaules…
– Bien
sûr que si ! Tu le portes sur ta figure… Bon, mais entre !
Assieds-toi ! Non pas là… Là…
Devant
une grande table de l’autre côté de laquelle elle a, elle aussi,
pris place…
– On
va commencer par voir ce que tu sais faire… Tiens, lis !
– « Comme
Mlle Lambercier avait pour nous l’affection d’une mère, elle en
avait aussi l’autorité, et la portait quelquefois jusqu’à nous
infliger la punition des enfants quand nous l’avions méritée.
Assez longtemps elle s’en tint à la menace, et cette menace d’un
châtiment tout nouveau pour moi me semblait très effrayante ;
mais après l’exécution je la trouvai moins terrible à l’épreuve
que l’attente ne l’avait été, et ce qu’il y a de plus bizarre
est que ce châtiment m’affectionna davantage encore à celle qui
me l’avait imposé… »
Elle
m’a interrompu d’un claquement de doigts…
– Tu
connais ce texte ?
– Pas
du tout, non…
– Tu
le situes à quelle époque ?
– Je
sais pas, mais assez vieux quand même…
– Eh
bien ça promet… Tu peux au moins me dire de quoi il s’agit ?
– D’une
punition…
Elle
a levé les yeux au ciel…
– D’une
punition, oui… Laquelle ?
J’ai
rougi, balbutié…
– Je…
je crois… je crois bien… que c’est une fessée…
– Evidemment
que c’est une fessée… Que veux-tu que ce soit d’autre ?
Et sans doute que si tu en avais reçu plus souvent tu n’en serais
pas là aujourd’hui… À devoir passer tes vacances à combler tes
lacunes… Non, tu ne crois pas ? Eh bien réponds !
– Je
sais pas…
– Eh
bien moi, je sais ! Et je te conseille de te mettre sérieusement
au travail, mon garçon… Très sérieusement…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire