lundi 2 février 2015

Studieuses vacances: récit de Damien (1)

– T’as rien fichu… Une fois de plus… Reconnais-le au moins !
Je pouvais difficilement prétendre le contraire… Mon bulletin était calamiteux… J’avais lamentablement échoué au bac de Français… 4 à l’écrit… 6 à l’oral… Et le conseil de classe n’avait consenti que du bout des lèvres à me laisser redoubler ma première…
– Après avoir redoublé ta sixième et ta troisième… Ah, c’est beau ! C’est magnifique… À quel âge tu comptes passer ton bac ? Vingt-huit ans ? Tu t’imagines tout de même pas qu’on va financer tes études jusque là, non ? Alors tu sais pas ? Tu vas aller goûter de la pension… Au moins là-bas tu seras tenu… Et on te forcera à travailler… Que tu le veuilles ou non…
– Ah, non, non ! Pas la pension, non…
– Il fallait y réfléchir avant…
J’ai eu beau supplier… Promettre… Jurer… Ils se sont montrés inflexibles…

Le ciel s’est quelque peu éclairci le surlendemain quand maman est rentrée des courses…
– Vous savez pas ce que j’ai appris ? Eh bien la femme qui vient de louer la grande maison après le cimetière, c’est une ancienne prof de Lettres… Peut-être qu’on pourrait aller la trouver… On sait jamais… Si elle pouvait faire quelque chose pour Julien…
Et papa d’approuver…
– Ça n’engage à rien d’essayer…

Ils en sont revenus enchantés…
– Elle accepte de te prendre en mains… Et se fait fort de te faire avoir ton bac de français… C’est une chance inouïe… Tâche de ne pas la laisser passer…
– Et j’irai pas en pension ?
– Oui, oh, alors ça on verra… On verra avec elle… Le moment venu… Si elle estime que tu as fait suffisamment d’efforts… Que tu es à niveau… On pourra peut-être reconsidérer notre décision… Mais on n’en est pas encore là…

J’ai fait sa connaissance, le lendemain, sur le pas de sa porte… Une grande femme à la peau parcheminée devant laquelle je me suis aussitôt senti mal à l’aise… Coupable… Sans trop savoir de quoi au juste… De n’avoir rien fichu en classe, oui… Mais d’autre chose… Au-delà… Bien plus grave… Sur quoi il m’était impossible de mettre un nom…
Elle m’a longuement examiné des pieds à la tête de ses petits yeux gris acier…
– Alors comme ça c’est toi ! C’est toi qui as raté ton bac de français ! Qui as un poil dans la main long comme ça…
J’ai voulu bredouiller quelque chose. Elle a haussé les épaules…
– Bien sûr que si ! Tu le portes sur ta figure… Bon, mais entre ! Assieds-toi ! Non pas là… Là…
Devant une grande table de l’autre côté de laquelle elle a, elle aussi, pris place…
– On va commencer par voir ce que tu sais faire… Tiens, lis !

– « Comme Mlle Lambercier avait pour nous l’affection d’une mère, elle en avait aussi l’autorité, et la portait quelquefois jusqu’à nous infliger la punition des enfants quand nous l’avions méritée. Assez longtemps elle s’en tint à la menace, et cette menace d’un châtiment tout nouveau pour moi me semblait très effrayante ; mais après l’exécution je la trouvai moins terrible à l’épreuve que l’attente ne l’avait été, et ce qu’il y a de plus bizarre est que ce châtiment m’affectionna davantage encore à celle qui me l’avait imposé… »
Elle m’a interrompu d’un claquement de doigts…
– Tu connais ce texte ?
– Pas du tout, non…
– Tu le situes à quelle époque ?
– Je sais pas, mais assez vieux quand même…
– Eh bien ça promet… Tu peux au moins me dire de quoi il s’agit ?
– D’une punition…
Elle a levé les yeux au ciel…
– D’une punition, oui… Laquelle ?
J’ai rougi, balbutié…
– Je… je crois… je crois bien… que c’est une fessée…
– Evidemment que c’est une fessée… Que veux-tu que ce soit d’autre ? Et sans doute que si tu en avais reçu plus souvent tu n’en serais pas là aujourd’hui… À devoir passer tes vacances à combler tes lacunes… Non, tu ne crois pas ? Eh bien réponds !
– Je sais pas…
– Eh bien moi, je sais ! Et je te conseille de te mettre sérieusement au travail, mon garçon… Très sérieusement…

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