Elle
a attaqué d’emblée.
‒ T’en
as pensé quoi, toi, de la petite séance d’hier ?
‒ Ben…
‒ Tu
sais qu’on n’a pas perdu notre temps ? Ah, non alors !
Parce que je reviens de chez Anne. Et Thomas a finalement accepté
qu’elle le punisse chaque fois qu’il l’aura mérité. C’était
ça ou elle mettait un terme définitif à leur relation. Il a un peu
hésité. Pour la forme. Pour jouer au mâle. Mais il a très vite
rendu les armes. Des garçons comme vous, on a tôt fait de les
amener là où on l’a décidé. Et je suis prête à parier qu’il
ne saurait tarder à faire des progrès dans le domaine où cela
importe au premier chef à Anne. Parce que pour nous, à notre âge,
des petits jeunes, c’est bien beau, c’est même ce qu’il y a de
mieux. Encore faut-il qu’ils soient en mesure de nous satisfaire.
Et ça s’apprend, ça ! D’ailleurs, vu que, d’une façon
générale, tu te débrouilles pas trop mal, même s’il y a encore
beaucoup à faire, j’ai décidé de passer à la vitesse supérieure
avec toi.
‒ La
vitesse supérieure ? Comment ça ?
‒ Tu
verras bien, mais, en gros, disons que j’ai décidé de faire
profiter certaines de mes amies de tes compétences toutes neuves.
‒ Il
y a déjà Aurélie.
‒ Et
alors ? C’est pas une raison. Tu es vigoureux. Tu as de la
ressource. Tu peux faire bien des heureuses. Et j’en connais un
certain nombre qui n’attendent que ça. Qui piaffent d’impatience.
Tu les verrais quand je leur parle de toi ! Je leur ai promis du
coup. Tu ne voudrais tout de même pas me faire passer pour une
menteuse ?
‒ Mais
non, mais…
‒ Eh
bien alors ! Et puis
Aurélie, tu sais, si on la laisse faire, elle peut très vite
devenir très envahissante. Si on l’écoutait, il finirait par ne
plus y en avoir que pour elle. Je la connais depuis le temps. Et
c’est quelqu’un qu’il faut rapidement canaliser. Parce que
sinon…
Elle
a jeté un coup d’œil à la pendule.
‒ Bon,
mais faut que j’y aille ! J’ai un rendez-vous important.
Faut vraiment que j’y aille.
Elle
s’est tout de même arrêtée sur le pas de la porte.
‒ Ah
oui, j’oubliais… Camille, la
petite voisine, elle aussi je l’ai revue. Elle était chez Anne. Et
elle a beaucoup apprécié la petite prestation que tu nous as
offerte. Alors je lui ai
proposé… Je lui ai proposé, vu qu’elle en crevait manifestement
d’envie, d’opérer elle-même, la prochaine fois que tu te
mettrais en situation d’en prendre une.
‒ D’opérer
elle-même ?
‒ Ben
oui ! Fais bien l’idiot ! C’est elle qui te la mettra
la fessée, dès que
l’occasion se présentera.
Elle était absolument enchantée. Ça faisait plaisir à voir. Et je
peux te dire qu’elle va attendre ça avec une impatience !
Bon, mais allez !
J’y vais. Passe une bonne journée !
Non,
mais à quoi j’en étais réduit ! Qu’est-ce qu’elle avait
fait de moi ? Qu’est-ce qu’elle était en train de faire de
moi ? Un jouet. Un pantin. Dont elle tirait les ficelles à sa
guise. Et moi, j’obéissais, gentil petit toutou. Je
me laissais prêter à ses amies. Je la laissais donner le droit à
la première fille de mon
âge venue de me
tambouriner le derrière comme elle l’entendrait. Et je ne disais
rien. Et je me laissais passivement ballotter au gré de ses
fantaisies. Non, mais cette fois ça suffisait. Ça suffisait
vraiment. J’allais ruer dans les brancards. J’allais
lui dire, une bonne fois pour toutes, ma façon de penser. Et je me
suis mis à arpenter la pièce comme un furieux. J’ai fait une
grosse colère contre elle. De toute façon, j’allais mettre un
terme. C’était plus possible. L’image que tout cela me renvoyait
de moi-même…
Je
me suis brusquement immobilisé devant la porte-fenêtre. Tu y
crois ? Tu y crois vraiment à ce que tu es en train de te
raconter ? T’es déjà passé par là, rappelle-toi !
T’as voulu faire l’homme. T’as pris tes distances. Et, à
l’arrivée, t’es venu ramper à quatre pattes devant elle pour
qu’elle te pardonne.
Pour qu’elle te reprenne. Te
raconte pas d’histoires ! Te fais pas d’illusions ! Les
mêmes causes vont produire les mêmes effets. Tu peux pas te passer
d’elle. C’est au-dessus de tes forces. Autant en prendre ton
parti, une bonne fois pour toutes.
Je
me suis secoué. À quoi bon tourner indéfiniment en
rond dans ma tête pour
en arriver, au bout du compte, au même résultat ? Et j’ai
éprouvé soudainement l’impérieux besoin de voir Julie. Qui a
tout de suite décroché. Qui
était manifestement ravie de m’entendre.
‒ Mais
oui, on peut se voir, oui. Si vous
voulez. Je suis en RTT.
‒ Même
café que la dernière fois ?
‒ Même
café.
‒ Dans
une heure ?
‒ Un
peu plus. Disons deux.
Ce
qui signifiait qu’elle avait l’intention de prendre tout son
temps pour se préparer. Qu’elle voulait se faire toute belle. Pour
moi.
Je
ne m’étais pas trompé. Elle était ravissante.
Et
on a repris notre conversation là où l’avait laissée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire