mercredi 26 février 2020

Premières armes (11)


‒ C’est bien. Tu es à l’heure.
Elle m’a jeté un long regard inquisiteur. Qui m’a couru de la tête aux pieds.
‒ Et tu es à peu près présentable. Bon, allez ! En route !

C’était un coquet petit pavillon de banlieue. Aux parterres fleuris soigneusement entretenus. Une femme nous a accueillis sur le perron.
‒ Alors, c’est ce grand garçon !
Elle m’a tendu la main.
‒ Moi, c’est Anne. Mais entrez ! Entrez !
Dans le séjour.
Un type, un jeune, s’est levé à notre approche.
‒ Lui, c’est Thomas. Mais ça, tu te doutes.
On s’est serré la main, un peu gênés.
Il y avait aussi une fille. D’à peu près mon âge.
‒ Et là, c’est Camille. Une petite voisine. À qui j’en ai parlé. Que ça interpelle, tout ça. Mais si ça pose un problème…
Margaux s’est récriée.
‒ Pas du tout ! Pas du tout ! Au contraire ! Elle pourra en prendre de la graine. Parce qu’elle aussi, un jour ou l’autre, elle se trouvera confrontée à des garçons qui ne se soucieront que de leur petit plaisir égoïste. Si c’est pas déjà le cas.
Elle a fait signe que oui, la fille. Oui. Si !
‒ Ce qui ne me surprend absolument pas. C’est dans leur nature, aux mâles. À nous de savoir les discipliner. J’allais presque dire, les domestiquer. Et c’est comme tout, ça, c’est quelque chose qui s’apprend. Bon, mais allez, trêve de bavardages. Rien de tel que de prêcher d’exemple. Allez, explique-nous, Alexandre…
Que j’explique ?
‒ Parle-nous un peu de ton comportement d’hier soir.
J’ai baissé la tête.
‒ Je…
‒ Tu ?
‒ J’ai eu mon plaisir. Sans lui donner le sien.
‒ Et c’est le genre de comportement qui se paie cash, ça ! Non ?
‒ Si !
‒ Et alors ? Il va t’arriver quoi ?
‒ Je vais être fessé.
‒ Comment ?
‒ Cul nu.
‒ Tout à fait. Alors, allez ! Tu sais ce qu’il te reste à faire.
Et je me suis déshabillé. Le plus posément possible. Sans leur tourner le dos. Je savais que je me serais alors exposé à un humiliant rappel à l’ordre.
Anne arborait un indéchiffrable petit sourire. Et a constaté.
‒ En tout cas, il est docile.
Thomas, lui, cherchait mes yeux dans l’intention manifeste de s’efforcer d’y déchiffrer ce que je pouvais bien éprouver dans une situation aussi inconfortable que celle-là. Puisque c’était ce qui lui pendait au nez, à lui aussi. À moins qu’il ne préfère renoncer à toute relation avec elle. Quant à Camille, elle étudiait tranquillement mon anatomie. Sans la moindre gêne. Ce qui a eu pour résultat immédiat de provoquer chez moi une incontrôlable érection.
Qui lui a arraché un petit rire moqueur.
Margaux s’est confortablement installée, m’a courbé en travers de ses genoux, calé.
Et elle a expliqué.
‒ Une fessée à la main, ce n’est pas ce qu’il y a de plus douloureux. Loin s’en faut. De ce côté-là, le martinet est beaucoup plus efficace. Mais c’est ce qu’il y a de plus mortifiant pour l’amour-propre. Parce que c’est infantilisant. Surtout quand c’est, comme ici, devant du monde.
Et elle a lancé une première claque. Vigoureuse. Une autre. Une dizaine d’autres. Appliquées avec force.
‒ La première chose à faire, c’est de préparer le terrain. De le rendre réceptif. Ce qui implique de s’inscrire dans la durée. Et d’en garder sous le coude. Pour après.
Elle a encore accentué la force et la rapidité des coups. Longtemps. S’est enfin arrêtée.
‒ Ça m’a l’air bien. On peut passer à la vitesse supérieure.
Et c’est reparti de plus belle. Cuisant. Brûlant. Insupportable. J’ai crié. Je me suis époumoné.
‒ Alors ça, c’est quelque chose dont il ne faut tenir aucun compte. Parce que, dans la quasi-totalité des cas, ils en rajoutent tant qu’ils peuvent. Pour apitoyer. Ou pour obtenir un répit qu’il n’y a aucune espèce de raison de leur accorder. Au contraire.
Et elle m’a fait hurler.

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