Le
hasard fait parfois bien les choses. Très bien même. J’étais en
route pour le supermarché dans l’intention d’échanger quelques
mots avec Julie, ma caissière préférée et, éventuellement, si
les circonstances le permettaient, d’avancer un peu plus avant mes
pions quand, sur le parking, je me suis trouvé nez à nez avec elle.
‒ Alors
comme ça, j’arrive et vous partez.
Elle
s’est arrêtée. C’était bon signe.
‒ J’ai
fini mon service.
‒ Et
moi qu’avais besoin d’un poireau.
Elle
a ri.
‒ Il
y a mes collègues.
‒ Qui
ne sont pas aussi agréables que vous. Bon, mais tant pis ! Je
m’en passerai.
Elle
s’est remise en marche. Moi aussi. À ses côtés.
‒ Vous
êtes trop, vous, dans votre genre.
‒ Qu’est-ce
que j’ai de si bizarre ?
‒ Votre
façon de draguer.
J’ai
pris un air scandalisé.
‒ Mais
je vous drague pas !
‒ Ben,
voyons !
‒ Non,
mais c’est quand même fou, ça ! Au jour d’aujourd’hui on
peut pas avoir envie de discuter avec une nana sans qu’aussitôt
elle s’imagine qu’on a tout un tas d’idées derrière la tête.
‒ Chat
échaudé…
‒ Vous
aimez pas discuter en fait. C’est ça, hein ?
‒ Mais
si ! Si ! Seulement…
‒ Eh
ben alors ! Accordez-moi un quart d’heure. Juste un petit
quart d’heure. En buvant un verre. J’ai trop envie de ça, parler
avec vous.
Elle
s’est laissée fléchir.
‒ Juste
un quart d’heure alors ! J’ai plein de choses à faire.
On
s’est engouffrés dans un café.
Deux
heures plus tard, on y était encore. Ah, pour parler, on avait
parlé ! Je l’avais fait parler. D’elle. Presque
exclusivement d’elle. De son boulot.
‒ Oui,
oh, vous savez, c’est pas bien passionnant. Scanner des produits
toute la journée. Sans compter que les collègues, c’est tas
d’histoires et compagnie. Seulement quoi faire d’autre ? Si
j’avais un peu plus bossé en classe aussi ! Mais bon !
On peut pas revenir en arrière.
De
ses parents.
‒ À
vingt ans, ils sont toujours derrière mon dos. Comme si j’en avais
douze. Ils veulent tout gérer, même ce qui devrait ne dépendre que
de moi. Ils me gonflent. Vous pouvez pas savoir ce qu’ils me
gonflent.
De
son ex.
‒ Un
an, presque un an, on est restés ensemble. Mais franchement,
aujourd’hui encore je me demande ce que j’ai bien pu lui trouver.
Je m’ennuyais avec lui, mais je m’ennuyais !
Il
a bien fallu finir par se quitter.
‒ Comment
ça m’a fait du bien de
parler avec vous !
‒ On
recommencera alors !
Et
on a échangé nos numéros.
Margaux
m’attendait.
‒ T’étais
passé où ?
Je
suis resté dans le vague.
‒ T’as
loupé Anne et Thomas du coup tout
à l’heure. Bon, mais
c’est pas grave. Il y aura d’autres occasions. D’autant que
c’est en bonne voie. Il
s’en faut de peu pour qu’il admette qu’une bonne fessée,
lorsqu’il n’est pas à la hauteur, serait on ne peut plus
bénéfique pour lui. Comme
ça l’a été pour toi.
Elle
m’a entraîné vers la chambre. Mais…
Mais j’étais encore trop plein de Julie. J’étais encore avec
elle. Et j’ai été lamentable. J’ai eu un mal fou à bander et,
quand j’y suis enfin parvenu, j’ai aussitôt déchargé.
Elle
m’a repoussé.
‒ Bon,
tu sais ce qui t’attend.
Je
savais, oui.
‒ Mais
pas tout de suite. Demain. Devant Anne et Thomas. Qu’ils puissent
juger sur pièces.
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