mercredi 31 juillet 2019

Sévères voisines (17)


C’est un texto qui m’a tiré du sommeil. Un texto d’Emma.
 Amène-toi !
J’ai soupiré.
Ça n’en finirait donc jamais ? Évidemment, non. Ça n’en finirait pas. Il fallait que j’en prenne mon parti, une bonne fois pour toutes.
Le temps que je me lève, que je m’habille, que j’avale un café et j’en avais un autre.
– Grouille !

Elle m’a accueilli avec un large sourire.
– Alors ? Tout baigne ce matin, mon petit Raphaël ?
Elle était seule.
–  Je vais pouvoir profiter de toi tout mon saoul comme ça. C’est génial, non, tu trouves pas ? Bon, mais tu connais la musique. Tu te désapes. T’enlèves tout. Allez, action !
Elle m’a regardé faire et m’a jeté, à la fin, quand j’ai été tout nu, un long regard satisfait.
– Bon, ben voilà ! Mais assieds-toi ! Qu’on discute un peu. Qu’on prenne notre temps. Il y a pas le feu.
On a pris place. Face à face. Elle a croisé les jambes.
– T’appréhendes pas trop ?
– Ça va.
Elle a éclaté de rire.
– Menteur ! Ça se voit comme le nez au milieu de la figure que t’as la trouille ! Et pas qu’un peu. Chacun son tour, tu vois, d’avoir l’autre à sa merci. T’en as bien profité quand on était sans défense dans la salle de bains, bien obligées, malgré nous, sans le savoir, de subir tes sales regards sur nous. T’as aimé ça, nous reluquer. T’as pris ton pied. Eh bien c’est moi maintenant qu’adore ça t’avoir là, le zob à l’air, réduit à l’impuissance, en train de te demander quand ça va tomber, avec quoi, si ça va être long, si je vais taper fort et, surtout, de te dire que, quoi qu’il arrive, tu es absolument obligé d’en passer par où j’ai décidé. Par tout ce qui pourrait me toquer.
Un éclair métallique, d’un gris intense, est passé dans son regard.
– Lève-toi !
Je lui ai aussitôt obéi.
– Tourne-toi ! À genoux. Allez !
Elle a quitté la pièce. Est revenue. Repartie. Encore revenue. S’est approchée, tout près, est restée un long moment immobile derrière moi.
Et elle a cinglé, d’un coup, sans prévenir. Les lanières se sont abattues cinq ou six fois très vite, avec force. Je n’ai pas pu retenir mes cris.
– Ah, oui, c’est efficace le martinet, hein ? Très. Et puis alors qu’est-ce que ça imprime bien. Des traces de toute beauté, ça laisse. Vraiment… Bon, mais qu’est-ce que je fais maintenant ? Je retape systématiquement au même endroit ? Que ça pénètre bien. Que ça s’incruste. Ou bien je te le repartis sur tout le cul ? Que ça te chauffe sur toute la surface. Qu’est-ce tu préfères ? Dis-moi !
Ce que je préférais ?
– Oui. Tu t’en fous, quoi ! Eh bien allez, alors !
Et elle s’est déchaînée. Des cinglées. Une multitude de cinglées. À la volée. Sans interruption. Les une derrière les autres. Des cinglées qui m’ont mordu. Qui m’ont brûlé. Qui m’ont déchiré. Qui m’ont fait tomber sur le ventre. Et arraché d’interminables cris.

Elle m’a fait relever, tenu fermement par le bras tandis qu’elle contemplait l’état de mon derrière.
– Pas mal ! Pas mal du tout. Je suis fière de moi.
Elle m’a lâché.
– Tu sais quoi ? Jamais j’aurais cru ça de moi avant. Mais j’adore ça, en fait, fouetter. J’adore vraiment. Et ça m’émoustille. En plus.
Elle m’a lancé une petite claque sur la fesse.
– Rhabille-toi vite. Et file ! La suite ne te regarde pas.

mercredi 24 juillet 2019

Sévères voisines (16)


On m’a appelé sur le campus.
– Hou ! Hou ! Raphaël !
C’était Manon.
– Écoute ! Viens voir là !
Il y avait une autre fille avec elle.
– C’est Johanna. Une copine. Dis-lui !
Je l’ai regardée, interloqué.
Que je lui dise ? Mais que je lui dise quoi ?
– Ce qu’on te fait, Emma et moi. Elle veut pas me croire.
Je me suis dandiné, d’une jambe sur l’autre.
Que je…
– Ben alors ? Qu’est-ce t’attends ? Grouille !
J’ai baissé la tête.
– Elles me mettent des fessées.
– Ah, tu vois, Johanna ! Tu vois que c’est pas des mythos.
La fille a éclaté d’un rire moqueur. Offensant.
– Non, mais j’hallucine, là ! J’hallucine complètement.
– Et je peux te dire que pour être de la fessée, c’est de la fessée…
 Et il se laisse faire ?
– Bien obligé, tiens ! Il a pas le choix. S’il veut pas que ça s’ébruite ce qu’il a fait…
 Eh ben, dis donc !
Elle a encore ri.
Et elles se sont éloignées.

Au resto U, à midi, elle est venue, Manon, comme souvent, s’installer à ma table.
– Comment ça l’a impressionnée, Johanna, tout à l’heure ! Et toi, comment t’avais honte !
J’ai piqué du nez dans mon assiette.
– Regarde-moi ! Allez, regarde-moi !
J’ai relevé la tête.
Elle m’a fixé droit dans les yeux.
– J’adore ça quand t’as honte… Comme là encore, en ce moment.
Elle a croqué un radis. Un autre.
– Et il faut que t’aies honte. C’est le seul moyen pour te faire passer, une bonne fois pour toutes, tes sales habitudes. Il y a que ça qui marche avec un mec. La honte. Vous êtes tellement fiers. Tellement imbus de vous-mêmes. Et alors quand ça vient d’une nana. En plus! Oh, mais là, je peux te dire que je vais te la coller, la honte. Tant et plus. Tant et si bien que t’auras plus envie d’aller reluquer qui que ce soit dans les salles de bain. Ni ailleurs. Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Non. Rien.
– Mais si ! Il y a quelque chose. Je le vois bien. Alors accouche !
– Cette fille, là…
– Johanna.
– Oui.
– De quoi t’as peur ? Qu’elle sache pas tenir sa langue ? Mais non ! Tu penses bien que s’il y avait le moindre danger de ce côté-là… Non. J’ai une absolue confiance en elle. Tu verras par toi-même, d’ailleurs. Quand tu la connaîtras mieux.
– Comment ça, quand je la connaîtrai mieux ?
 Ah, ben oui ! C’est vrai, je t’ai pas dit. Je vais t’en coller une devant elle. Bientôt… Je lui ai promis, là, tout à l’heure, quand on s’est quittés. Je te dis pas comment elle a hâte. Elle s’en fait une de ces fêtes ! Et elle est moqueuse, Johanna, mais moqueuse d’une force ! Je sens qu’on va bien s’amuser.

mercredi 17 juillet 2019

Sévères voisines (15)


Camille est entrée en trombe dans ma chambre. En terrain conquis.
– Tu pourrais frapper quand même !
– Parce que ? Tu pourrais être à poil ? Oh, tu parles, je l’ai déjà vu, ton cul ! Et même… bien rouge.
Je me suis agacé.
– Bon, qu’est-ce tu veux ?
Elle s’est laissée tomber de tout son long sur mon lit.
– Rien. Rien de spécial. Juste discuter un peu. Entre frère et sœur. Tu faisais quoi, là ?
– Je bossais. Enfin, j’essayais.
– Oui, oh, t’as bien le temps. Eh ben moi, tu sais avec qui j’ai passé l’après-midi ? Devine…
– Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?
– Manon.
– Ah…
– Elle est super sympa comme fille en fait. Qu’est-ce qu’on a parlé ! Et rigolé. Elle m’a dit pour ce matin. Que tu t’en étais encore pris une. Et sévère. T’as mal ?
– Ça va.
– Oh, alors là, ça m’étonnerait. À mon avis, tu dois déguster. Vu ce qu’elle m’a raconté. Comment elle t’a cinglé Emma. Et vu les grimaces que tu fais dès que tu bouges… Oh, mais je te plains pas, hein ! C’est largement mérité. Parce que toutes les histoires que t’es allé inventer, là, de soi-disant trucs que t’aurais piqués chez elles, cet été. Eh ben, elle m’a dit qu’il y a rien de vrai là-dedans. Que c’est du pipeau. Non, en fait t’es un gros cochon, mais ça, je m’en doutais. Rien qu’à la façon dont tu regardes les filles sur la plage. D’autres trucs aussi. Je suis sûre qu’au camping, l’an dernier, quand t’arrêtais pas de disparaître dans le petit bois derrière, t’allais mater quelque part. Il y a plein de choses qui me reviennent maintenant. Et mes copines ! Il y en a certaines, c’est clair qu’elles y ont attrapé. C’est dégueulasse. T’es vraiment dégueulasse. Mais putain, vous pouvez pas leur foutre la paix, vous, les mecs, au nanas ? Faut que vous soyez sans arrêt à baver derrière. C’est pas possible, ça ! Ah, non, elles ont mille fois raison, les voisines ! Qu’elles t’en mettent des branlées ! Qu’elles t’en mettent ! Tant et plus. Que ça te fasse passer l’envie d’aller emmerder le monde. Une bonne fois pour toutes. Si c’est possible. Parce que ça, c’est pas gagné. En tout cas, elles sont gentilles, j’trouve. Parce que moi, à leur place, j’aurais mis la mère et Célestine au courant.
Je me suis dressé d’un bond.
– Tu vas pas le faire ?
– Je suis pas une balance. Mais j’en pense pas moins.
Elle s’est relevée, approchée de la fenêtre, penchée.
– C’est sûr ? Tu vas pas le faire ?
– T’y retournes ?
– Où ça ?
– Ben, les mater, tiens ! Par la fenêtre de leur salle de bains.
– Oh, non, non ! Je pourrais pas n’importe comment. Elles l’ont arrangé, le store.
– Et comment tu le sais ?
– Je me doute. C’est ce que n’importe qui, à leur place…
– Mouais… Et d’autres filles, ailleurs ?
– Non plus, non.
– C’est ça… je vais te croire.
– Ah, si, si ! Je t’assure…
– Tu sais ce qu’elles pensent à côté ? C’est que, tant qu’elles vont te maintenir la pression, t’en coller comme t’en coller, tu vas filer droit. Par trouille. Qu’elles mettent la mère au courant. Et Célestine. Et plein d’autres gens avec. Mais que, par contre, le jour où elles lâcheraient l’affaire, où elles te laisseraient la bride sur le cou, tu recommencerais exactement comme avant. Pareil. Tu pourrais pas t’empêcher. Parce que c’est plus fort que toi. C’est pour ça : tu peux t’attendre à les avoir un sacré moment sur le dos… Et on peut pas leur donner tort.

mercredi 10 juillet 2019

Sévères voisines (14)


Le lundi matin, à huit heures et demi, j’avais un texto. De Manon.
– Arrive !
– Mais j’ai cours !
– On s’en fout. Arrive, j’te dis !

Elle était seule avec Emma.
– Maman a dû s’absenter. On va t’avoir que pour nous deux ce matin. Ça te fait plaisir ?
Oui. Enfin, non. Si ! Seulement…
Elles ont éclaté de rire.
– En tout cas, qu’est-ce qu’on s’est amusées l’autre soir ! T’aurais vu ta tête ! Ah, t’étais dans tes petits souliers, hein !
– Ça, faut reconnaître qu’il payait.
– Avoue que t’as cru qu’on allait le dire à un moment.
– Vous aviez promis.
– Ben oui, on avait promis, oui. Mais si ça nous avait toquées, d’un coup, de pas tenir notre promesse ? On aurait pu si on avait voulu.
– Et t’aurais été dans de sacrés beaux draps. J’imagine ta mère.
– Et ta copine.
– Ah, sûr qu’elles auraient été ravies d’apprendre que t’es une saloperie de petit pervers qui mate dans les salles de bains.
– Oh, mais t’inquiète pas, on le dira pas…
– À condition, bien sûr, que tu continues à te laisser bien gentiment punir. Aussi souvent et aussi longtemps qu’on le voudra.
– Comme maintenant, par exemple.
Et Emma s’est mise à jouer avec la boucle de ma ceinture.
– Te crispe pas comme ça ! À quoi ça t’avance, hein, tu peux me dire ?
Qu’elle a fait glisser le long des passants.
– Avec elle, je vais te le faire. Tu la verras d’un tout autre œil après, je suis sûre. Elle te rappellera des souvenirs.
Elle a déboutonné mon pantalon, fait glisser la fermeture Éclair et elle m’a tout descendu, en même temps, jusque sur les chevilles.
– Là ! Et maintenant tu te retournes. Tu me donnes ton derrière.
Ce que j’ai fait, à petits pas entravés.
– Et tu t’agenouilles, mains derrière la nuque.
J’ai obéi.
– Tu sais que ça te va très bien, cette position ? Très très bien…
Manon a abondé dans son sens.
– Oh, oui, alors !
– Prêt ?
J’ai gardé le silence.
– Je t’ai posé une question. Prêt ?
– Oui.
D’une toute petite voix.
– Plus fort !
– Prêt, oui.
Elle a cinglé d’un coup. À toute volée.
J’ai crié.
Un autre. Presque aussitôt. Un autre encore. Une multitude d’autres. À intervalles de plus en plus rapprochés.
Ça brûlait. Ça mordait. Ça déchirait. Ça faisait mal. Tellement.
J’ai hurlé. Tout du long. Sans la moindre retenue. Sans la moindre pudeur.
Elle s’est arrêtée.
– Tu commences une carrière de chanteur ?
Elles ont ri. De bon cœur.
– Tu bouges pas de là. Tu restes comme ça. Que je puisse contempler mon œuvre !
Et elles se sont installées derrière moi, sur le canapé. À chuchoter. À commenter. À être prises de grandes crises de fou rire.
Quand elles m’ont enfin libéré, il était midi.

mercredi 3 juillet 2019

Sévères voisines (13)


Quand je suis rentré, ce vendredi soir-là, Madame Beauchêne était installée, en compagnie de maman, sur le canapé du salon.
– Ah, ben tiens, le voilà justement, votre grand garçon !
J’ai craint un instant le pire.
Mais non. Elles étaient tout sourire, toutes les deux.
– Notre voisine nous propose très gentiment de venir dîner demain soir chez elle…
– Demain soir ? Mais il y aura Célestine demain soir.
– Elle est également la bienvenue. Bien entendu.
Oui, mais je la voyais pas beaucoup Célestine. Pas souvent. Et…
Elle ne m’a pas laissé terminer.
– Ah, ces amoureux ! Oh, mais ce sera le juste le temps d’une soirée. Vous aurez tout le reste du week-end pour roucouler.
Mieux valait ne pas insister. Mieux valait, dans ma situation, ne pas indisposer madame Beauchêne à mon égard. C’était beaucoup plus prudent. À tous points de vue.

Et on s’est tous retrouvés chez elle le lendemain soir. Devant un coq au vin.
La conversation a roulé un peu sur tout. La rue. Qui, il fallait bien le dire, était très calme. Comme le quartier, d’une manière générale. Non, vraiment, il y avait pas à se plaindre. Le seul point noir, c’était les commerces. Qu’étaient un peu loin. Et pas toujours bien achalandés. Mais enfin, globalement ça allait. Il y avait rien à dire.
– Et puis pour nos enfants, pour leurs études, ce sont des conditions de travail idéales.
Maman ne pouvait qu’approuver.
– Ah, pour ça, oui, il faut bien reconnaître que ce sont des privilégiés.
Madame Beauchêne a soupiré.
– À qui le dites-vous ! Quand on est entassés les uns sur les autres…
– Sûr que ça ne facilite pas les choses.
– Surtout quand les garçons ont décidé d’empoisonner la vie des filles. Non, Si vous saviez ce qu’elles me racontent quelquefois, là, toutes les deux ! C’est à n’y pas croire. Ils ont vraiment le vice dans la peau, certains. Tenez, par exemple, Manon a une petite camarade qui s’est récemment aperçue que le locataire du dessus, un étudiant comme elle, avait fait un trou dans le plafond de sa salle de bains pour l’épier sous la douche. Depuis des mois ça durait.
Elles se sont toutes récriées.
– Quel salopard !
– Quelle petite ordure !
Mon sang s’est glacé dans mes veines. Pourvu qu’elles n’aillent pas… Ah, non, hein ! Elles avaient promis.
Camille a claironné.
– Des mecs comme ça, faudrait leur couper les couilles, tiens !
Emma a hoché la tête.
– T’es carrément expéditive, toi, dis donc !
– Non, mais attends ! Il y a pas de raison de se laisser emmerder par des vicieux pareils.
– T’as pas tort. T’as pas forcément tort.
Ce qu’elle arrivait pas à comprendre, Madame Beauchêne, elle, c’était qu’il avait une petite amie…
– Et que, malgré tout…
– Ah, mais ça, il y en a, il y a rien qui les arrête.
Célestine est brusquement sortie de son silence.
– Oui, ben moi, mon mec, il me ferait un coup comme ça, ce serait fini entre nous. Et bien fini. Sans espoir de retour. Alors là !
Maman m’a posé la main sur le bras.
– De ce côté-là, avec Raphaël, tu n’as rigoureusement rien à craindre. C’est vraiment pas le genre à ça.
Elles ont toutes fait chorus.
– Oh, oui, c’est quelqu’un de bien, Raphaël, ça se voit tout de suite.
Emma et Manon se sont détournées pour rire.