mercredi 12 juin 2019

Sévères voisines (10)


Célestine était désolée. Vraiment.
– Mais je vais pas pouvoir venir. Parce que je sais pas vous, mais nous, on a de la neige comme de la neige.
– Ici aussi, oui.
– C’est impraticable. Je tiens pas à casser la voiture. Et moi avec.
– Fais pas d’imprudence ! Surtout fais pas d’imprudence !
– En plus, j’ai tout un tas de partiels la semaine prochaine. Faut que je bosse. Faut vraiment que je bosse.
Et on a remis à la semaine suivante.

Le samedi matin, Camille a surgi dans ma chambre avec, au coin des lèvres, un petit sourire ironique.
– Elles veulent encore te voir à côté.
– Tout de suite ?
– Ben oui, tout de suite. Pas dans six mois. Elles vont te flanquer une fessée, c’est ça, hein ?
Je n’ai pas répondu.
Elle a haussé les épaules.
– Mais si que c’est ça ! Bien sûr que c’est ça.

Madame Beauchêne était furieuse.
– Et menteur en plus !
– Mais non, mais…
– Mais si ! Tu le savais pertinemment qu’elle viendrait pas, ta copine. Seulement t’as voulu retarder les échéances.
J’ai eu beau protester de ma bonne foi. Elle devait venir. C’était prévu. Seulement la neige… Ses partiels…
Elle n’a rien voulu savoir.
– Tu as menti. Bon, mais tu te déculottes, mon garçon ! Et celle-là, je peux te dire que tu vas t’en souvenir.
C’est Manon qui a officié.
– Oh, ben oui, attendez ! C’est mon tour. Il y a que moi qui lui ai pas fait.
– Oui, mais alors tu tapes, hein ! Tu fais pas semblant.
– Ayez pas peur ! Il va pas être déçu du voyage.
Elle s’est assise.
– Viens là, toi !
En travers de ses genoux. Elle m’y a calé. Elle m’a posé une main sur les fesses.
– T’en as bien profité, hein, petit saligaud ! Tu m’as matée en douce sous toutes les coutures. Tu vas me le payer. Je peux te dire que tu vas me le payer !
Et elle a tapé. À plein régime. D’emblée. De grandes claques qui tombaient de haut. Puissantes. Sonores. Régulières.
Debout juste en face de moi, tout près, Emma suivait avec beaucoup d’attention le déroulé des opérations. Elle a cherché mes yeux. Je les ai détournés. Baissés. Elle m’a empoigné par les cheveux, obligé à relever la tête, à les lui donner.
Manon a encore accentué l’intensité des coups. Et le rythme.
Je m’étais juré de supporter stoïquement la correction. Elle ne m’arracherait pas un cri. Pas une larme. Je n’y ai pas tenu. Ça faisait mal. Trop mal. Tellement ! J’ai gémi. Je me suis lamenté. J’ai fini par crier. À pleins poumons. Et j’ai battu désespérément des jambes.
Une dernière cascade de coups. À toute volée. À pleine puissance.
– Là ! T’as cherché. T’as trouvé.
Et elle m’a laissé me relever.
Emma arborait un sourire moqueur.
– Oh, il a mal, le grand garçon ?

Madame Beauchêne a absolument tenu à ce que je reste boire un café avec elles.
– Mais si, t’as bien le temps !
Et elle a conseillé.
– Vaut mieux pas que tu t’asseois. Parce que dans l’état où il est, tu vas le sentir passer.

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