Alrich rassemble ses
affaires. Toutes ses affaires.
– Tu vas où ?
Il se passe quoi ?
– Si
seulement je le savais…
Les gardiennes
l’emmènent.
– Allez !
Et reviennent,
presque aussitôt, en compagnie de Germie.
– Bon, ben
voilà. Apparemment que je suis ton nouveau colocataire.
Il jette un coup
d’œil par la fenêtre, fait la grimace.
– Question
paysage, je gagne pas trop au change, dis donc !
– Et Alrich ?
Elles en ont fait quoi ?
– Elles l’ont
mis avec Bardolle. C’est le grand chambardement. Rapport aux deux
autres qui se sont barrés. Paraît que ça nous donne des idées de
rester trop longtemps ensemble dans la même cellule. Alors elles
rebattent les cartes. Et sont, paraît-il, maintenant décidées à
les rebattre souvent.
– C’est
qui, ces types qui se sont enfuis ? On sait ?
– Un
perchiste et un lanceur de poids. Groupe B. Je crois vaguement voir
de qui il s’agit. Ils étaient à la générale. Forcément.
– Ils
ont pris de sacrés risques quand même !
– À
ce qu’il paraît qu’ils avaient des complicités à l’extérieur.
Des Cythriennes qui seraient tombées folles dingues amoureuses
d’eux. Il y en a qui disent que tout a été minutieusement préparé
et qu’ils ont déjà passé la frontière. Et d’autres qu’elles
les cachent chez elles. Mais, si ça tombe, c’est tout-à-fait
autre chose. Parce que souvent moins ça sait et plus ça parle.
Samedi.
Les mêmes gardiennes. Qui me remmènent là-bas.
J’essaie
de protester. D’expliquer que…
– La
ferme ! On t’a pas demandé ton avis.
Guizwa
m’accueille sur le perron. Tout sourire.
– C’est
le grand jour. Et je peux te dire qu’il y en a une qui t’attend
avec une impatience… Quant à toi, tu vas pas être déçu, tu vas
voir, parce que l’heureuse élue…
Elle
s’arrête.
– Ça
va pas ? T’en fais une tête !
– Je
me suis pris une fouettée. Et une sacrée…
– C’est
pas la première. Et ce sera pas la dernière. C’était quoi le
motif ?
– Que
je viens ici.
Elle
fronce les sourcils.
– Comment
ça ?
– Soi-disant
que Vassilène m’a choisi. Que je suis à elle. Et que, quand je
sortirai des SIB, c’est à son service que je serai.
Elle
m’attrape par le bras.
– Viens !
Il faut mettre Jartège au courant. Tout de suite. C’est trop
grave.
Laquelle
Jartège, derrière son bureau, s’arrête d’écrire.
– Je
t’écoute…
Je
lui raconte. La femme dans les douches. Ses menaces. Le martinet.
– Vassilène
n’a pas plus de droits sur toi que Korka. À qui je vais en référer
immédiatement. Mais, sauf contre-ordre formel de sa part, c’est à
elle que tu appartiens.
Et
elle nous congédie d’un geste de la main.
Je
soupire.
– Ça
va forcément me retomber dessus, tout ça… D’une façon ou d’une
autre.
– Pas
nécessairement.
– Tu
parles !
– Laisse-les
se dépatouiller entre elles. Pour le moment, t’as beaucoup mieux à
faire. La petite Manaïa. Qui doit être sur des charbons ardents.
Encore
des couloirs. Des escaliers. Une porte. Une petite pièce. Avec un
lit pour seul ameublement.
– Le
théâtre des opérations. Vous serez bien là. Vous serez
tranquilles. Même si…
Un
bref regard vers les murs, le plafond.
– Il
y aura des yeux partout. Faut bien qu’elles voient ce qu’elles
ont loupé. Que ça les motive pour une prochaine fois. Et il faut
bien aussi que d’autres, dans l’ombre, en profitent tout leur
saoul.
Dans
la cuisine règne un silence intense. Elles sont là, une
quarantaine, regroupées près des fourneaux, qui me dévorent des
yeux.
– Manaïa,
allez !
Elle
se précipite vers moi. Une jolie petite brunette au regard de
braise, aux seins voluptueux, qui me saisit la main, la porte à ses
lèvres.
– Bon.
Et les autres, au travail !
Elles
s’éclipsent à regret.
– Prenez
votre temps ! Tout votre temps…
Et
Guizwa referme sur nous la porte de la petite chambre.
On
est dans les bras l’un de l’autre. Elle se presse contre moi. Mon
désir vient palpiter contre son ventre. Ses mains s’approprient
mes fesses, les malaxent, s’y agrippent.
– Comment
tu t’appelles ?
– Hervain…
– J’ai
envie, Hervain ! Non, mais comment j’ai envie ! C’est
de la folie…
On
roule sur le lit. Où elle s’empare de moi, m’enfouit résolument
en elle. Son plaisir, éperdu, surgit presque aussitôt. Et puis le
mien.
On
reste rivés l’un à l’autre.
Elle
soupire.
– Trois
ans. Tu te rends compte ? Ça fait trois ans que… rien. Plus
rien. Jamais. Je croyais pas que ça reviendrait un jour.
– Plus
rien. Même entre vous ?
– Si,
bien sûr ! Comme vous entre mecs, forcément. Mais c’est pas
pareil. Ça pourra jamais être pareil.
Elle
lève un œil vers les caméras.
– Elles
regardent. J’ai eu ta semence. Elles ont vu que j’ai eu ta
semence. Comme elles doivent m’envier !
Me
picore le visage de tout un tas de petits baisers.
– Tu
m’as fécondée, si ça tombe.
– Et
il se passera quoi alors si c’est le cas ?
– Je
sais pas. J’en ai parlé à Guizwa hier. Elle a rien voulu me dire.
Juste de pas m’inquiéter. Plusieurs fois elle l’a répété.
« T’inquiète pas ! » Et elle m’a même souri.
Alors sûrement qu’ils vont me le laisser. Peut-être même qu’il
y a un endroit spécial où ils mettent celles qui sont enceintes ?
Il y a des filles, dans le groupe, elles pensent que oui.
Elle
se presse plus fort contre moi.
– Ce
serait trop bien que tu m’aies fait un bébé.
Me
sollicite, du bout du pouce.
– T’en
es encore ! Et pas qu’un peu… Attends ! Attends !
Elle
se met à quatre pattes, derrière levé.
– Prends-moi
comme ça ! Que ça me coule mieux dedans. Plus loin. Qu’on
mette toutes les chances de notre côté.
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