mercredi 27 juin 2018

Prisonnier des Cythriennes (10)


Alrich rassemble ses affaires. Toutes ses affaires.
– Tu vas où ? Il se passe quoi ?
– Si seulement je le savais…
Les gardiennes l’emmènent.
– Allez !
Et reviennent, presque aussitôt, en compagnie de Germie.
– Bon, ben voilà. Apparemment que je suis ton nouveau colocataire.
Il jette un coup d’œil par la fenêtre, fait la grimace.
– Question paysage, je gagne pas trop au change, dis donc !
– Et Alrich ? Elles en ont fait quoi ?
– Elles l’ont mis avec Bardolle. C’est le grand chambardement. Rapport aux deux autres qui se sont barrés. Paraît que ça nous donne des idées de rester trop longtemps ensemble dans la même cellule. Alors elles rebattent les cartes. Et sont, paraît-il, maintenant décidées à les rebattre souvent.
– C’est qui, ces types qui se sont enfuis ? On sait ?
– Un perchiste et un lanceur de poids. Groupe B. Je crois vaguement voir de qui il s’agit. Ils étaient à la générale. Forcément.
– Ils ont pris de sacrés risques quand même !
– À ce qu’il paraît qu’ils avaient des complicités à l’extérieur. Des Cythriennes qui seraient tombées folles dingues amoureuses d’eux. Il y en a qui disent que tout a été minutieusement préparé et qu’ils ont déjà passé la frontière. Et d’autres qu’elles les cachent chez elles. Mais, si ça tombe, c’est tout-à-fait autre chose. Parce que souvent moins ça sait et plus ça parle.

Samedi. Les mêmes gardiennes. Qui me remmènent là-bas.
J’essaie de protester. D’expliquer que…
– La ferme ! On t’a pas demandé ton avis.
Guizwa m’accueille sur le perron. Tout sourire.
– C’est le grand jour. Et je peux te dire qu’il y en a une qui t’attend avec une impatience… Quant à toi, tu vas pas être déçu, tu vas voir, parce que l’heureuse élue…
Elle s’arrête.
– Ça va pas ? T’en fais une tête !
– Je me suis pris une fouettée. Et une sacrée…
– C’est pas la première. Et ce sera pas la dernière. C’était quoi le motif ?
– Que je viens ici.
Elle fronce les sourcils.
– Comment ça ?
– Soi-disant que Vassilène m’a choisi. Que je suis à elle. Et que, quand je sortirai des SIB, c’est à son service que je serai.
Elle m’attrape par le bras.
– Viens ! Il faut mettre Jartège au courant. Tout de suite. C’est trop grave.
Laquelle Jartège, derrière son bureau, s’arrête d’écrire.
– Je t’écoute…
Je lui raconte. La femme dans les douches. Ses menaces. Le martinet.
– Vassilène n’a pas plus de droits sur toi que Korka. À qui je vais en référer immédiatement. Mais, sauf contre-ordre formel de sa part, c’est à elle que tu appartiens.
Et elle nous congédie d’un geste de la main.

Je soupire.
– Ça va forcément me retomber dessus, tout ça… D’une façon ou d’une autre.
– Pas nécessairement.
– Tu parles !
– Laisse-les se dépatouiller entre elles. Pour le moment, t’as beaucoup mieux à faire. La petite Manaïa. Qui doit être sur des charbons ardents.
Encore des couloirs. Des escaliers. Une porte. Une petite pièce. Avec un lit pour seul ameublement.
– Le théâtre des opérations. Vous serez bien là. Vous serez tranquilles. Même si…
Un bref regard vers les murs, le plafond.
– Il y aura des yeux partout. Faut bien qu’elles voient ce qu’elles ont loupé. Que ça les motive pour une prochaine fois. Et il faut bien aussi que d’autres, dans l’ombre, en profitent tout leur saoul.

Dans la cuisine règne un silence intense. Elles sont là, une quarantaine, regroupées près des fourneaux, qui me dévorent des yeux.
– Manaïa, allez !
Elle se précipite vers moi. Une jolie petite brunette au regard de braise, aux seins voluptueux, qui me saisit la main, la porte à ses lèvres.
– Bon. Et les autres, au travail !
Elles s’éclipsent à regret.

– Prenez votre temps ! Tout votre temps…
Et Guizwa referme sur nous la porte de la petite chambre.
On est dans les bras l’un de l’autre. Elle se presse contre moi. Mon désir vient palpiter contre son ventre. Ses mains s’approprient mes fesses, les malaxent, s’y agrippent.
– Comment tu t’appelles ?
– Hervain…
– J’ai envie, Hervain ! Non, mais comment j’ai envie ! C’est de la folie…
On roule sur le lit. Où elle s’empare de moi, m’enfouit résolument en elle. Son plaisir, éperdu, surgit presque aussitôt. Et puis le mien.
On reste rivés l’un à l’autre.
Elle soupire.
– Trois ans. Tu te rends compte ? Ça fait trois ans que… rien. Plus rien. Jamais. Je croyais pas que ça reviendrait un jour.
– Plus rien. Même entre vous ?
– Si, bien sûr ! Comme vous entre mecs, forcément. Mais c’est pas pareil. Ça pourra jamais être pareil.
Elle lève un œil vers les caméras.
– Elles regardent. J’ai eu ta semence. Elles ont vu que j’ai eu ta semence. Comme elles doivent m’envier !
Me picore le visage de tout un tas de petits baisers.
– Tu m’as fécondée, si ça tombe.
– Et il se passera quoi alors si c’est le cas ?
– Je sais pas. J’en ai parlé à Guizwa hier. Elle a rien voulu me dire. Juste de pas m’inquiéter. Plusieurs fois elle l’a répété. « T’inquiète pas ! » Et elle m’a même souri. Alors sûrement qu’ils vont me le laisser. Peut-être même qu’il y a un endroit spécial où ils mettent celles qui sont enceintes ? Il y a des filles, dans le groupe, elles pensent que oui.
Elle se presse plus fort contre moi.
– Ce serait trop bien que tu m’aies fait un bébé.
Me sollicite, du bout du pouce.
– T’en es encore ! Et pas qu’un peu… Attends ! Attends !
Elle se met à quatre pattes, derrière levé.
– Prends-moi comme ça ! Que ça me coule mieux dedans. Plus loin. Qu’on mette toutes les chances de notre côté.

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