mercredi 3 juillet 2013

Nollwen, Marta et Bastien ( 3 )

– À la vôtre ! Bon… Ben on t’écoute, Bastien…
– On est tout ouïe…
– Et mortes d’impatience…
– Eh bien alors ?!
– Je… C’est-à-dire que… Enfin après… Si…
– Tu te défiles, quoi ! Une fois de plus tu te défiles… Tu sais faire que ça n’importe comment… Tout le temps… Pour tout…
– Mais non, mais…
– Tu m’agaces, tiens ! Ce que tu peux m’agacer… Ferme-la… Ça vaudra mieux… Mais tu me paieras ça… Tu perds rien pour attendre… Oui… Alors donc il paraît, d’après lui, que vous avez sacrément le feu au cul toutes les deux…
– Oh, non… Tu vas pas…
– Je t’ai dit de la fermer… Donc vous, Marta, vous faites une fixation sur les petits jeunes… Entre autres un dénommé Hadrien… Qui peut pas descendre à la machine à café sans que vous trouviez un prétexte pour aller aussitôt l’y rejoindre en frétillant du croupion… Que vous couvez d’un œil enamouré… Dont la moindre plaisanterie vaseuse vous fait vous esclaffer d’un rire bête… Tout l’étage en fait des gorges chaudes… Quant à lui ça l’amuse… Ça l’amuse énormément… Et il répète, sur tous les tons, à qui veut l’entendre, qu’il n’a pas le moindre goût pour les fruits blets… Mais vous êtes pas du genre à vous décourager… Ah, non alors ! Et quand bien même il viendrait vous dire carrément, en face, que vous ne l’intéressez pas le moins du monde vous continueriez à le poursuivre de vos assiduités en espérant le faire changer un jour ou l’autre d’avis… Ce qui ne vous empêche pas – tout le monde le sait – de prospecter ailleurs… Tout ce qui a vingt ans, une queue et une belle gueule vous trouve sur le qui-vive… En pure perte d’ailleurs… Parce que vous en êtes réduite à vous contenter du plaisir des yeux… Vous avez beau écumer tant et plus les boîtes de nuit… Aller déjeuner, chaque midi, dans le quartier étudiant vous faites systématiquement chou blanc… Si, si ! On en est certain… En prendriez-vous un de temps en temps dans vos filets que vous ne manqueriez pas de venir l’exhiber victorieusement aux portes de l’entreprise… Ce qui n’est pas le cas… Et d’ailleurs si vous vous montrez aussi agressivement vindicative à l’égard de Mademoiselle Adnet, c’est – ça crève les yeux – que vous êtes bouffie de jalousie… Parce que Mademoiselle Adnet, elle, elle file, depuis près de deux ans, le parfait amour avec un petit jeune du service contentieux… Et vous n’avez pas de mots assez durs pour fustiger son comportement… « Cette cougar ! » Mais vous vous voyez pas ! Vous l’êtes autant qu’elle…
– D’où le surnom dont il m’a si gentiment affublée…
–  Vous l’êtes plus qu’elle… À la différence que vous, vous ne trouvez rien – jamais – à vous mettre sous la dent… Et pour cause : non seulement vous n’avez pas été gâtée par la nature – c’est le moins qu’on puisse dire – mais vous êtes étouffante… possessive… Ça vous transpire de partout… À des kilomètres ça se sent… Alors ils prennent la fuite les mecs… À toutes jambes… Pas fous… Pour le plaisir – et encore ! – de tirer un coup avec vous ils vont pas s’exposer à des emmerdements à n’en plus finir… À se trouver enserrés dans une nasse dont ils auront toutes les peines du monde à s’extirper… Vous n’arrivez jamais à vos fins et, du coup, ça tourne à l’obsession… Vous n’avez qu’une chose – toujours la même – en tête… Et votre travail s’en ressent… Vous rendez des dossiers incomplets… Vous multipliez les erreurs… les étourderies… Ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait – eh, oui, vous ne pensez pas toujours à purger votre ordinateur – que vous passez le plus clair de votre temps de travail à errer sur des sites où de jeunes éphèbes exposent complaisamment les attributs dont la nature les a généreusement dotés… Que vous courez les forums où de charmants jeunes gens proposent leurs services aux femmes sur le retour en manque…
– Eh ben c’est ma fête, dites donc !
– Oh, mais rassurez-vous, vous n’êtes pas la seule… Tout le monde, dans le service, y a droit… À un moment ou à un autre… Tout le monde…
– Une vraie petite commère notre Bastien, hein, finalement…
– Bon, mais et moi ? Qu’est-ce qu’il dit de moi ? Qu’est-ce qu’on dit de moi ?

– On y vient, Nollwen, on y vient…   

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