– Je peux te parler ?
– Ben bien sûr !
– Oui, mais non... Pas ici... Pas au boulot... Qu'on
soit tranquilles... Au petit café en bas, ce soir, tu pourrais ?
– Un quart d'heure... Pas plus... Parce que ce soir
justement...
– Ça suffira...
– Bon, ben je t'écoute...
– D'abord je voudrais... Ça restera strictement entre
nous, hein ? Tu me promets ?
– Pas de problème...
– Merci... Bon... Alors voilà... Paraît que je me
comporte, la plupart du temps, de façon arrogante... méprisante... Bref, en un
mot, que je suis particulièrement chiant... Tu trouves, toi aussi ?
– Un peu...
– Un peu seulement ?
– Pour être franche... ce qui se dit au boulot...
– C'est que je suis carrément imbuvable... Non ?
C’est pas ça ?
– Tu me mets dans une situation, là…
– Non, mais dis ! Dis carrément… Je le sais de
toute façon… Je suis pareil à la maison… Elle me le répète assez ma femme… Elle
a décidé d’y mettre bon ordre… Et d’utiliser, pour parvenir à ses fins, les
grands moyens…
– Ce qui se passe dans votre couple…
– Attends… Attends… Laisse-moi finir… Ses arguments
sont devenus, ces derniers temps, particulièrement frappants…
– Si tu la laisses faire, c’est que tu y trouves ton
compte, je suppose…
– Oui, ben alors là détrompe-toi ! Si je pouvais…
Seulement suite à certaines circonstances – sur lesquelles je ne vais pas m’appesantir
– elle a complètement barre sur moi et je n’ai pas le choix : il faut que
j’en passe par où elle veut… Par tout ce qu’elle veut…
– Bon, mais j’ai à voir quoi, moi, dans tout ça ?
– Tu as à voir qu’elle trouve que je ne fais pas
beaucoup de progrès… Que mon caractère ne s’améliore pas de façon significative…
Du coup elle a décidé de – comme elle dit – passer à la vitesse supérieure… Et
de me donner une bonne leçon devant deux de ses collègues de travail et… deux
des miennes… Qu’elle me laisse le soin de choisir moi-même…
– Je vois… Et pourquoi moi ?
– Parce qu’avec toi j’ai confiance… Tu me garderas le
secret… Non ?
– Si… Bien sûr…
– Et… tu viendras ?
– Je viendrai…
– Merci…
– Et ce sera qui l’autre ?
– Nollwen… La stagiaire… Sûrement…
Nollwen qui m’a rejointe l’après-midi, tout sourire, à
la machine à café…
– J’en revenais pas qu’il me demande un truc pareil… À
moi ! Il avait pas le choix n’importe comment… Parce que sa femme elle
voulait qu’il y en ait une des deux qui soit jeune, à ce qu’il m’a dit… Pas
plus de 25 ans… Et dans la boîte à part moi… 22… Je suis dans les normes… N’empêche
comment ça le faisait chier de lui demander ça à la petite stagiaire ! Comme
le nez au milieu de la figure ça se voyait… Je peux te dire qu’un moment il y a
tourné autour du pot avant de se jeter à l’eau… Pas tranquille, mais alors là
pas tranquille du tout il était… Au moins douze fois il m’a fait promettre de
rien dire avant de le lâcher le morceau… En attendant comment je vais me
régaler, moi ! Parce que attends ! Ah, il m’en a fait baver depuis
six mois ! À me prendre de haut… À me balancer tout un tas de réflexions sans
arrêt… À me traiter comme une moins que rien… Une vraie teigne ce bonhomme… Alors
je te dis pas le pied que ça va être de le voir se ramasser sa dérouillée… Je
vais bien rigoler… Et je vais pas m’en cacher…
– Fais attention quand même !
– À quoi ?
– Aux retombées après…
– Qu’est-ce tu veux qu’il fasse ? Je serai en
position de force… Il la ramènera pas… Bien trop risqué… Des fois que j’aille
vendre la mèche… Il aurait bonne mine dans la boîte… N’empêche… tu sais le truc
que je me demande ? C’est comment elle fait sa bonne femme pour le tenir
comme ça…
– J’avoue que…
– Parce que c’est vraiment pas le genre de type à se
laisser imposer ça… Sauf s’il peut vraiment pas faire autrement… Un sacré truc
il doit avoir à se reprocher quelque part… Oh, mais on saura… On finira bien
par savoir…
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