Quand
je suis sorti de la chambre, elles m’ont bruyamment applaudi.
‒ Quelle
prestation !
‒ Félicitations !
‒ T’es
vraiment très doué.
Et
elles ont voulu voir. Elles se sont penchées, toutes les trois, sur
mon derrière. Des mains s’y sont posées. L’ont parcouru.
Reparcouru. Des doigts s’y sont enfoncés. Des ongles. Qui m’ont
arraché des gémissements. M’ont fait me cabrer. Elles ont ri.
‒ Tu
vas pas pouvoir s’asseoir d’un moment…
‒ Il
a que ce qu’il mérite, hein !
‒ Et
même que ça aurait été
moi, je peux vous dire qu’il s’en serait pas tiré à si bon
compte.
‒ Ah,
ça, moi non plus !
‒ Attends
que ce soit mon tour ! Attends ! Il va voir ce qu’il va
voir…
Elles
ont fini par partir. Et Margaux m’a demandé, tout sourire…
‒ Alors ?
Qu’est-ce tu penses de mes amies ? Sympathiques, non ?
J’ai
vaguement bredouillé quelque chose.
‒ Elles
gagnent à être connues, tu verras.
Peut-être,
oui. Mais, dans l’immédiat, ce n’était pas ce qui me
préoccupait au premier chef. Ce qui me préoccupait, c’était
Julie. Je redoutais qu’elle m’en veuille, quoi qu’elle en ait
dit sur le moment, de la façon plus que cavalière dont je l’avais
plantée là, alors que
c’était moi qui avais sollicité la rencontre. En plus !
Et
je me suis éclipsé pour l’appeler.
‒ Julie ?
Je suis désolé pour tout à l’heure.
‒ Pas
grave…
‒ Oh,
si, c’est grave, si ! Tu m’en veux pas trop ?
‒ Non.
Bien sûr que non !
‒ T’es
toujours dispo, là ?
Elle
l’était. Et je me suis précipité.
Je
me suis assis, en face d’elle, avec mille précautions.
‒ Ça
va pas ?
‒ Si !
Si !
Je
me suis encore répandu en
excuses.
‒ Tu
vas pas passer toute l’après-midi à ça non plus !
‒ Non !
Bien sûr que non !
Elle
avait raison. Trop, c’était trop. Qu’est-ce que je pouvais être
lourd par moments ! D’agacement contre moi-même, je
me suis agité sur ma chaise. Ce qui m’a arraché une grimace de
douleur. Et un petit
gémissement que j’ai très vite étouffé. Tant bien que mal.
Elle
m’a jeté un long regard étonné, sourcils froncés. S’est très
vite reprise.
‒ Bon,
mais… et ta mère ? C’était pas trop grave ?
Oh,
non ! Non ! C’était arrangé, ma
mère.
Un
supplice, le
moindre mouvement… Un
supplice. Et j’ai encore laissé échapper un gémissement.
Elle
a planté ses yeux droit dans les miens.
‒ Oh,
toi, tu t’es pris une fessée.
J’ai
pris un air scandalisé.
‒ Hein ?
Quoi ? Mais jamais
de la vie !
Elle
a ri.
‒ Oh,
si ! Si ! Je reconnais les symptômes, attends ! J’ai
l’habitude. C’est suffisamment souvent que j’ai vu mes frères
aînés s’en prendre… Les deux.
J’ai
encore voulu protester. Avec beaucoup moins de conviction.
‒ Je
n’ai pas…
Elle
a ignoré mon interruption. Elle a poursuivi.
‒ Oui,
les deux. Martial jusqu’à dix-neuf ans. Et Ugo jusqu’à vingt.
C’était amplement mérité. Là-dessus il y a pas photo. Et ça
s’est avéré redoutablement efficace. D’autant que c’était
devant moi que ça se passait. Ils supportaient pas. Comment ça les
vexait !
Elle
s’est perdue quelques instants dans ses pensées.
A
brusquement demandé.
‒ Et
toi ? Pourquoi tu l’as eue ? Qu’est-ce t’avais fait ?
‒ Je…
‒ Oh,
mais t’es pas obligé de me le dire, hein ! Pas maintenant.
Plus tard. Quand tu sentiras que c’est ton moment.
Elle
m’a pris la main par-dessus la table.
‒ C’est
pas facile, je sais ! Mais ce qu’il faut que tu te dises,
c’est que plus tard tu la remercieras, ta mère. Si ! Si !
Tu verras…