Maman
était tout excitée.
– Vous
savez quoi ? Eh ben, ça y est. C’est occupé à côté. On a
de nouveaux voisins. Boulimier, ils s’appellent. Stéphane et
Margaux. Elle est très sympa. Elle m’a fait entrer. Et
offert le café. Elle a
la quarantaine. À peu près. Peut-être
un peu plus. Lui, le
mari, il est commercial dans
une boîte de je sais pas trop quoi. Toujours
sur la route. Il rentre que le week-end. Quant
à elle, elle fait
rien. Enfin,
si on veut. Parce que là, dans l’immédiat, il
va falloir qu’elle s’attaque
aux peintures. Les
Lambert leur ont laissé la maison dans un état lamentable.
Dès demain, elle va
s’y mettre. D’ailleurs,
à ce propos, je lui ai dit que tu viendrais l’aider à déplacer
les meubles, Alexandre.
Parce qu’évidemment, les déménageurs lui ont tout laissé en
vrac dans le séjour. T’es
en vacances, t’as bien le temps. Et ça te sortira un peu de tes
jeux vidéo.
Elle
m’a ouvert un pinceau à la main. Un foulard bleu lui recouvrait
entièrement la tête. Un vieux tee-shirt tout délavé tombait sur
un court short kaki. Dessous les seins étaient libres. Et les
jambes, fuselées, toutes bronzées, interminablement longues.
– Oui ?
– Je
viens pour… Ma mère m’a dit… Les meubles… Pour les déplacer…
– Ah,
tu es le petit voisin. C’est très gentil à toi d’avoir accepté
de venir me donner un coup de main. Parce que toute seule… Tiens,
entre ! C’est par là. Ce qu’il faudrait d’abord, c’est
pousser ce gros bahut, là, au milieu. Que je puisse accéder au mur.
Tu y es ? Un… Deux… Trois…
Elle
s’est penchée. Les seins ont ballotté dans l’échancrure du
tee shirt. J’ai
détourné le regard. Essayé. Je
n’ai pas pu. J’y
suis obstinément revenu.
– Là…
Parfait ! Et si c’est pas trop te demander, on va aussi
déplacer ce grand truc. Comme ça je devrais pouvoir avoir fini au
moins cette pièce avant le retour de mon mari samedi. Hou là !
Il pèse celui-là, hein !
À
nouveau ses seins. Plus généreusement offerts encore. Ils ont
doucement oscillé.
– Vas-y,
pousse !
Juste un peu. Un peu
plus. Voilà. Bon, ben
merci. Merci bien.
J’ai
dérivé à regret vers la porte
– Si
vous avez encore besoin…
– Je
ferai appel à toi. C’est entendu. Je me gênerai pas.
– Mais
même…
– Même ?
– Si
vous voulez que je vous donne un coup de main pour vos peintures. Ça
vous avancerait.
– Faut
pas exagérer. Ce serait abuser.
– Oh,
non ! Non ! Ça m’occupera. C’est que dans trois
semaines la rentrée à
la fac. Alors en
attendant…
– Dans
ces conditions, c’est
pas de refus. Mais je te dédommagerai…
– C’est
pas la peine, non,
c’est pas la peine.
Bon, mais je reviens. Je reviens tout de suite. Je vais me
changer.
Une
heure plus tard, elle constatait.
– T’avances
vite, toi, dis donc ! C’est
impressionnant. Par
contre, t’es pas très causant. T’es toujours comme ça ?
– Oh,
non, non !
Je parle d’habitude.
– Mais
pas à moi. C’est que je suis trop vieille, c’est ça ? Et à
une vieille comme moi tu sais pas trop
quoi raconter.
– Hein ?
Mais vous êtes pas vieille ! Ah, non alors ! Vieille,
vous ! Ah, non ! Alors ça, non !
– C’est
gentil ce que tu me dis
là. Eh bien parle-moi
alors ! Raconte-moi des choses. Tiens, ta
petite amie, par exemple. Elle s’appelle comment ?
– Ma
petite amie ?
– Ta
petite amie, oui. T’as bien une petite amie quand même ! T’as
quel âge ?
– Dix-neuf.
– À
dix-neuf
ans, tout le monde a une petite amie. Pas toi, apparemment, vu
ton air. Pourquoi ? Elles t’intéressent pas les filles ?
– Oh,
si ! Si !
– Eh
ben alors !
– Je
sais pas.
– Elles
te font peur, c’est ça ?
– Oh,
non ! Souvent je suis avec. Des tas en plus. On discute. On
rigole. On déconne.
– Et
c’est tout. Ça en reste là. T’en crèves d’envie, mais ça va
pas plus loin. Jamais. C’est ça, hein ? Et il te vient pas à
l’idée que… Parce que t’es beau garçon. Agréable à
regarder. Pour autant que je puisse en juger, t’as l’air d’avoir
excellent caractère. Et il te vient pas à l’idée que, parmi
toutes ces filles, il y en a sûrement qui en crèvent d’envie
autant que toi ? Et beaucoup plus que tu ne crois… Seulement
si t’oses pas… Si tu leur fais pas voir…
– Ben
oui, mais…
– Mais
t’as la trouille. De pas savoir faire. De pas être à la hauteur.
Qu’elles se moquent de toi. Parce que… t’es puceau, hein ?
Oui, évidemment
que tu l’es. Ça
saute aux yeux. Le jour
où tu le seras plus tu verras que tout sera beaucoup plus facile.
Seulement pour plus l’être encore faut-il finir par se lancer…
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