mercredi 18 décembre 2019

Premières armes (1)



Maman était tout excitée.
– Vous savez quoi ? Eh ben, ça y est. C’est occupé à côté. On a de nouveaux voisins. Boulimier, ils s’appellent. Stéphane et Margaux. Elle est très sympa. Elle m’a fait entrer. Et offert le café. Elle a la quarantaine. À peu près. Peut-être un peu plus. Lui, le mari, il est commercial dans une boîte de je sais pas trop quoi. Toujours sur la route. Il rentre que le week-end. Quant à elle, elle fait rien. Enfin, si on veut. Parce que là, dans l’immédiat, il va falloir qu’elle s’attaque aux peintures. Les Lambert leur ont laissé la maison dans un état lamentable. Dès demain, elle va s’y mettre. D’ailleurs, à ce propos, je lui ai dit que tu viendrais l’aider à déplacer les meubles, Alexandre. Parce qu’évidemment, les déménageurs lui ont tout laissé en vrac dans le séjour. T’es en vacances, t’as bien le temps. Et ça te sortira un peu de tes jeux vidéo.

Elle m’a ouvert un pinceau à la main. Un foulard bleu lui recouvrait entièrement la tête. Un vieux tee-shirt tout délavé tombait sur un court short kaki. Dessous les seins étaient libres. Et les jambes, fuselées, toutes bronzées, interminablement longues.
– Oui ?
– Je viens pour… Ma mère m’a dit… Les meubles… Pour les déplacer…
– Ah, tu es le petit voisin. C’est très gentil à toi d’avoir accepté de venir me donner un coup de main. Parce que toute seule… Tiens, entre ! C’est par là. Ce qu’il faudrait d’abord, c’est pousser ce gros bahut, là, au milieu. Que je puisse accéder au mur. Tu y es ? Un… Deux… Trois…
Elle s’est penchée. Les seins ont ballotté dans l’échancrure du tee shirt. J’ai détourné le regard. Essayé. Je n’ai pas pu. J’y suis obstinément revenu.
– Là… Parfait ! Et si c’est pas trop te demander, on va aussi déplacer ce grand truc. Comme ça je devrais pouvoir avoir fini au moins cette pièce avant le retour de mon mari samedi. Hou là ! Il pèse celui-là, hein !
À nouveau ses seins. Plus généreusement offerts encore. Ils ont doucement oscillé.
– Vas-y, pousse ! Juste un peu. Un peu plus. Voilà. Bon, ben merci. Merci bien.

J’ai dérivé à regret vers la porte
– Si vous avez encore besoin
– Je ferai appel à toi. C’est entendu. Je me gênerai pas.
– Mais même…
– Même ?
– Si vous voulez que je vous donne un coup de main pour vos peintures. Ça vous avancerait.
– Faut pas exagérer. Ce serait abuser.
– Oh, non ! Non ! Ça m’occupera. C’est que dans trois semaines la rentrée à la fac. Alors en attendant…
– Dans ces conditions, c’est pas de refus. Mais je te dédommagerai…
– C’est pas la peine, non, c’est pas la peine. Bon, mais je reviens. Je reviens tout de suite. Je vais me changer.

Une heure plus tard, elle constatait.
– T’avances vite, toi, dis donc ! C’est impressionnant. Par contre, t’es pas très causant. T’es toujours comme ça ?
– Oh, non, non ! Je parle d’habitude.
– Mais pas à moi. C’est que je suis trop vieille, c’est ça ? Et à une vieille comme moi tu sais pas trop quoi raconter.
– Hein ? Mais vous êtes pas vieille ! Ah, non alors ! Vieille, vous ! Ah, non ! Alors ça, non !
– C’est gentil ce que tu me dis là. Eh bien parle-moi alors ! Raconte-moi des choses. Tiens, ta petite amie, par exemple. Elle s’appelle comment ?
– Ma petite amie ?
– Ta petite amie, oui. T’as bien une petite amie quand même ! T’as quel âge ?
– Dix-neuf.
– À dix-neuf ans, tout le monde a une petite amie. Pas toi, apparemment, vu ton air. Pourquoi ? Elles t’intéressent pas les filles ?
– Oh, si ! Si !
– Eh ben alors !
– Je sais pas.
– Elles te font peur, c’est ça ?
– Oh, non ! Souvent je suis avec. Des tas en plus. On discute. On rigole. On déconne.
– Et c’est tout. Ça en reste là. T’en crèves d’envie, mais ça va pas plus loin. Jamais. C’est ça, hein ? Et il te vient pas à l’idée que… Parce que t’es beau garçon. Agréable à regarder. Pour autant que je puisse en juger, t’as l’air d’avoir excellent caractère. Et il te vient pas à l’idée que, parmi toutes ces filles, il y en a sûrement qui en crèvent d’envie autant que toi ? Et beaucoup plus que tu ne crois… Seulement si t’oses pas… Si tu leur fais pas voir…
– Ben oui, mais…
– Mais t’as la trouille. De pas savoir faire. De pas être à la hauteur. Qu’elles se moquent de toi. Parce que… t’es puceau, hein ? Oui, évidemment que tu l’es. Ça saute aux yeux. Le jour où tu le seras plus tu verras que tout sera beaucoup plus facile. Seulement pour plus l’être encore faut-il finir par se lancer…

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