Au resto U, Manon était toute seule à une table, près de la
fenêtre.
– Tiens, un revenant ! Où t’étais passé ? Tu me
fuyais ?
– Hein ? Ah, mais non. Non. Pas du tout.
– Ben, je sais pas. On dirait bien pourtant. Ça fait une
éternité que je t’ai pas vu. Depuis l’autre soir en fait…
– C’est parce que…
– Je m’en fiche. Complètement. Ça m’intéresse pas. En
attendant, t’as fait fort n’empêche, ce soir-là ! Bon,
mais t’as pas oublié, j’espère ?
J’ai froncé les sourcils, joué les innocents.
– Oublié ? Oublié quoi ?
– Tu sais très bien de quoi je veux parler. T’as une fessée
en attente. Que Johanna doit te donner. Vu la façon inqualifiable
dont tu t’es comporté avec elle.
Johanna… J’ai fermé les yeux. Johanna. Qui faisait Léo cocu.
Johanna. Ses gémissements de plaisir. Ses feulements de petit animal
en rut.
– Tu m’écoutes ?
– Oui, je t’écoute. Oui.
– On dirait pas. Et donc, puisque je t’ai sous la main, on
va régler ça. Une bonne fois pour toutes. Qu’on n’en parle
plus.
– Tout de suite ? Là ? Maintenant ?
– Ben oui, tout de suite. Pas dans dix ans. Le temps que tu
finisses ton plateau. Et que je prévienne les filles.
Les filles. Johanna. Jasmine. Et puis Clémence. Qui est arrivée la
dernière, tout essoufflée.
– Tout le monde est là ? Bon, alors perdons pas de
temps.
Et Manon s’est tournée vers Johanna.
– À toi de jouer ! Comme l’autre soir… Et ce
coup-ci, il a pas intérêt à bander parce qu’alors là…
À elle de jouer. Elle s’est approchée, s’est emparée de ma
ceinture.
Ne pas bander ? Impossible. Complètement impossible. Parce que
Jasmine était assise juste en face de moi, que son corsage était
plein, qu’elle avait croisé les jambes, que sa jupe remontait haut
sur ses cuisses et que je savais que bientôt, au hand… Parce que
Johanna a pris tout son temps pour déboucler ma ceinture, pour
déboutonner mon pantalon, pour le faire descendre, pour m’extirper
de mon boxer. Qui est tombé à mes pieds.
Ça a été un grand « Oh ! » scandalisé.
– Il recommence !
– En pire qu’avant, même !
– Ça lui a pas servi de leçon, faut croire !
Manon a tendu un martinet à Johanna.
– Vas-y ! Et tape, hein ! Tape !
Elle m’a fait pivoter sur moi-même.
– Hein ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Fais
voir ! Tu t’en es pris une, là ! Et une bonne. Vu les
couleurs que ça a pris, à trois ou quatre jours ça doit remonter.
À peu près. Qui c’est qui t’a fait ça ?
Johanna a suggéré.
– Ta mère ?
– Non. Elle me l’aurait dit.
– Ta sœur alors ?
– Elle aussi, elle me l’aurait dit.
La preuve que non ! Mais j’ai préféré garder un silence
prudent. Si Emma n’en avait pas parlé, elle devait avoir ses
raisons. Et je ne tenais pas à ce que, en vendant la mèche, ça me
retombe, d’une façon ou d’une autre, sur le coin de la figure.
– Bon, alors ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
T’accouches ?
Jasmine a haussé les épaules.
– À tous les coups il a encore dû se faire gauler à
reluquer quelque part.
– De toute façon, avec lui, on voit pas ce que ça pourrait
être d’autre.
Et Johanna m’a lancé un premier coup de martinet. De toutes ses
forces.
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