mercredi 26 juin 2019

Sévères voisines (12)


Je m’y attendais. J’en étais sûr. Sûr que Manon ne manquerait pas de venir s’installer, le lundi suivant, en face de moi au resto U.
Ce qui n’a pas loupé.
– Alors ? Qu’est-ce t’en penses de tout ça ?
Qu’est-ce que je pensais de quoi ?
– Fais bien l’imbécile ! Tu sais très bien de quoi je veux parler. Tu t’attendais pas à ce que la frêle petite Manon tape aussi fort, hein, avoue ! Et de façon aussi convaincue. Ben si, tu vois ! Même Emma elle en revenait pas. « Comment tu l’as soigné ! » Ma mère non plus. « Tu m’as impressionnée ! » Et c’est pas fini ! Quoi ! Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?
– Non. Pour rien.
– Parfaitement, c’est pas fini. T’as encore rien vu. La prochaine fois, ce sera pire. Je suis hyper motivée, là. Et de plus en plus. Non, parce qu’au début je trouvais qu’elle exagérait Emma, qu’il y avait quand même pas de quoi en faire tout un fromage. T’avais fait une connerie. Oui, bon, ben voilà. On marquait le coup et on passait à autre chose. Mais finalement, à force d’en parler avec elle et d’y réfléchir, j’ai fini par me dire qu’elle avait raison, tout compte fait. C’est absolument insupportable de penser que pendant des semaines et des semaines on a été surveillées, épiées, fliquées, qu’on n’avait plus le moindre moment d’intimité. Et ça passe pas. Ça passe vraiment pas. Je t’en veux. Tu peux pas imaginer à quel point je t’en veux.

Elle a repoussé son plateau.
– Bon, allez ! Tu finis ton assiette et on y va ?
– On va où ?
– Chez Jasmine, tiens ! Tu sais bien…
Je savais, oui. Je savais qu’elle avait promis à Jasmine que, quand elle aurait elle-même procédé à l’exécution, elle lui en montrerait le résultat. Je savais, mais j’espérais, en mon for intérieur, qu’elle avait oublié. Ou changé d’avis. Ce que je savais aussi, c’est que j’avais tout intérêt à en passer docilement par tout ce qu’elles auraient décidé, toutes les trois, si je ne voulais pas qu’elles mettent ma mère et surtout Célestine au courant. Ce que je ne voulais à aucun prix. Quant à ma sœur, elle, c’était fait. Sans qu’elles y soient pour rien.

Jasmine m’a examiné, des pieds à la tête, avec un petit sourire ironique.
– Il a pas l’air à l’aise.
– Et il va l’être encore moins.
Manon a dégrafé ma ceinture et m’a tout baissé, tranquillement, jusqu’aux chevilles.
– Tourne-toi !
Ce que j’ai fait.
Jasmine s’est esclaffée.
– Oh, la tête de la bavure ! Eh ben dis donc, si, après ça, il y remet le nez, à moi la peur !
– Avec les mecs, on peut s’attendre à tout.
– Ah, ça ! À qui le dis-tu !
– Mais enfin, lui, quand même, je pense qu’il est vacciné pour un bon petit moment.
– Surtout si vous multipliez les piqûres de rappel.
– On va pas s’en priver.
– Il y a que si… Il aime peut-être ça, va savoir, qu’on lui martyrise le popotin.
– Ah non, il aime pas ça, non !
– T’es bien sûre de toi !
– Oui, parce qu’un mec qu’aime ça, tu le vois. Et tu le sens quand tu l’as en travers de tes genoux. Mais là, la bêbête, elle était toute recroquevillée d’appréhension. Toute peureuse.
– Vu comme ça !
Manon m’a fait signe de me rhabiller.
– On y va.
Jasmine a protesté.
– Oh, non ! Pas déjà !
– Il a cours. Et moi aussi. Oh, mais je te le ramènerai la prochaine fois. Et on restera plus longtemps. Promis.

mercredi 19 juin 2019

Sévères voisines (11)


Et, évidemment, au retour, Camille m’attendait, ça ! Dans le couloir.
– Tu t’en es pris une, hein ? Oh, si ! Si, t’en es pris une ! Rien qu’à voir ta tête !
– Chut ! Moins fort ! Maman…
– Elle peut pas entendre. La télé gueule.
J’ai filé dans ma chambre. Elle m’y a suivi.
– C’est quoi qui se passe au juste ?
– Mais rien ! Qu’est-ce tu veux qu’il se passe ?
– Je sais pas. Il y a bien un truc. C’est sans arrêt qu’elles veulent te voir à côté. Et à chaque fois tu te ramasses une fessée.
– Pas à chaque fois.
– T’en as pas eu une, là, peut-être ?
– Mais non !
– Menteur ! Fais voir !
– Non, mais ça va pas ? Et puis quoi encore ?
– Alors c’est que c’est vrai. Si tu veux pas montrer, c’est que c’est vrai.
– Tu penses ce que tu veux.
– Si tu fais pas voir, je descends lui dire à maman que t’en as eu une l’autre jour. Et sûrement aujourd’hui aussi. Tu t’expliqueras avec elle.
– T’es vraiment une sale petite peste.
– Fais voir ! Non ? Bon !
Et elle s’est dirigée vers la porte.
Mais c’est qu’elle en était capable, cette garce !
– Attends ! Attends !
Je lui ai tourné le dos. Et j’ai un peu baissé mon pantalon.
– Plus bas ! Je vois rien.
Plus bas.
– Encore ! Encore ou bien…
J’ai complètement dégagé les fesses.
– Là ! Voilà ! T’es contente ?
– Wouah ! C’est dingue comment elles sont rouges ! Tu dois déguster un max, non ?
Elle s’est penchée. Tout près.
– Comment j’aurais pas aimé, moi, en recevoir une comme ça !
– Bon. Ça y est ?
Et j’ai voulu me reculotter.
– Non ! Attends ! Attends ! J’ai pas fini de regarder. Qui c’est qui te l’a donné ? Madame Beauchêne ? Oui. Sûrement ! Eh ben dis donc ! Elle y est pas allée de main morte.
Elle s'est absorbée dans sa contemplation.
– Elle y étaient, les deux autres ? Elles ont assisté ?
– Non.
– Oui, oh, alors là, je suis bien tranquille. Bien sûr qu’elle y étaient. Et qu’elles ont tout vu.
Elle m’a laissé me reculotter.
– Elle est au courant, Célestine ?
J’ai hurlé.
– Tu vas pas lui dire ?
– En principe, non. En principe. Parce qu’on sait jamais à l’avance de quoi demain sera fait.
Elle a posé la main sur la poignée de la porte.
– Et tout ça, c’est parce que tu leur as piqué des trucs cet été ?
– Voilà, oui.
– Je n’en crois pas un mot. Il y a autre chose. Que tu veux pas dire. Oh, mais je saurai. Alors là, t’inquiète pas que je saurai.

mercredi 12 juin 2019

Sévères voisines (10)


Célestine était désolée. Vraiment.
– Mais je vais pas pouvoir venir. Parce que je sais pas vous, mais nous, on a de la neige comme de la neige.
– Ici aussi, oui.
– C’est impraticable. Je tiens pas à casser la voiture. Et moi avec.
– Fais pas d’imprudence ! Surtout fais pas d’imprudence !
– En plus, j’ai tout un tas de partiels la semaine prochaine. Faut que je bosse. Faut vraiment que je bosse.
Et on a remis à la semaine suivante.

Le samedi matin, Camille a surgi dans ma chambre avec, au coin des lèvres, un petit sourire ironique.
– Elles veulent encore te voir à côté.
– Tout de suite ?
– Ben oui, tout de suite. Pas dans six mois. Elles vont te flanquer une fessée, c’est ça, hein ?
Je n’ai pas répondu.
Elle a haussé les épaules.
– Mais si que c’est ça ! Bien sûr que c’est ça.

Madame Beauchêne était furieuse.
– Et menteur en plus !
– Mais non, mais…
– Mais si ! Tu le savais pertinemment qu’elle viendrait pas, ta copine. Seulement t’as voulu retarder les échéances.
J’ai eu beau protester de ma bonne foi. Elle devait venir. C’était prévu. Seulement la neige… Ses partiels…
Elle n’a rien voulu savoir.
– Tu as menti. Bon, mais tu te déculottes, mon garçon ! Et celle-là, je peux te dire que tu vas t’en souvenir.
C’est Manon qui a officié.
– Oh, ben oui, attendez ! C’est mon tour. Il y a que moi qui lui ai pas fait.
– Oui, mais alors tu tapes, hein ! Tu fais pas semblant.
– Ayez pas peur ! Il va pas être déçu du voyage.
Elle s’est assise.
– Viens là, toi !
En travers de ses genoux. Elle m’y a calé. Elle m’a posé une main sur les fesses.
– T’en as bien profité, hein, petit saligaud ! Tu m’as matée en douce sous toutes les coutures. Tu vas me le payer. Je peux te dire que tu vas me le payer !
Et elle a tapé. À plein régime. D’emblée. De grandes claques qui tombaient de haut. Puissantes. Sonores. Régulières.
Debout juste en face de moi, tout près, Emma suivait avec beaucoup d’attention le déroulé des opérations. Elle a cherché mes yeux. Je les ai détournés. Baissés. Elle m’a empoigné par les cheveux, obligé à relever la tête, à les lui donner.
Manon a encore accentué l’intensité des coups. Et le rythme.
Je m’étais juré de supporter stoïquement la correction. Elle ne m’arracherait pas un cri. Pas une larme. Je n’y ai pas tenu. Ça faisait mal. Trop mal. Tellement ! J’ai gémi. Je me suis lamenté. J’ai fini par crier. À pleins poumons. Et j’ai battu désespérément des jambes.
Une dernière cascade de coups. À toute volée. À pleine puissance.
– Là ! T’as cherché. T’as trouvé.
Et elle m’a laissé me relever.
Emma arborait un sourire moqueur.
– Oh, il a mal, le grand garçon ?

Madame Beauchêne a absolument tenu à ce que je reste boire un café avec elles.
– Mais si, t’as bien le temps !
Et elle a conseillé.
– Vaut mieux pas que tu t’asseois. Parce que dans l’état où il est, tu vas le sentir passer.

mercredi 5 juin 2019

sévères voisines (9)


Je vivais en permanence sous la menace. L’envie de me coller une fessée pouvait s’emparer à n’importe quel moment de n’importe laquelle d’entre elles. Emma qui, aux dires de Manon, était tout particulièrement remontée contre moi et n’avait pas le moins du monde l’intention de passer dès à présent l’éponge. Ou bien Manon elle-même qui prenait tout son temps, mais qui m’avait clairement laissé entendre que je ne perdais rien pour attendre. Ou bien encore Madame Beauchêne qui ne s’était pas gênée pour me dire qu’elle me tenait pour un gamin vicieux avec lequel il fallait se montrer résolument intraitable. Faute de quoi mes mauvais penchants reprendraient le dessus et je récidiverais inéluctablement à la première occasion.

Je passais donc chacune de mes journées dans l’appréhension que ce soit celle-là, qu’elle ne se termine pas sans que j’aie eu droit à une correction. Ah, il me coûtait cher, très cher, le plaisir que j’avais pris à me gorger de la nudité de mes voisines des semaines durant. Est-ce que je regrettais ? Je regrettais, oui. De m’être fait prendre. De m’être exposé à recevoir, sans pouvoir m’y soustraire, de retentissantes et humiliantes fessées. De ne plus pouvoir profiter de leurs charmes dont je caressais encore et encore le souvenir, le soir, dans mon lit, avec infiniment de nostalgie.

Ce fut un jeudi. En début d’après-midi. Je rentrais de la fac. Il neigeait à plein temps. Madame Beauchêne m’a hélé par dessus le grillage.
– Eh bien alors ! On te voit plus.
C’était que…
– Tu es très occupé, oui, j’imagine ! La fac, tout ça ! Mais tu sais que les filles arrêtent pas de réclamer après toi ? Alors passe ce soir ! Ça leur fera plaisir.
Elle s’est retournée au bas de l’escalier.
– Tâche de pas oublier…
Voilà, ça y était. J’allais y avoir, une nouvelle fois, droit. Je me suis réfugié dans ma chambre, le cœur au bord des lèvres, mais, en même temps, paradoxalement, soulagé : c’était arrivé. Je n’allais donc plus avoir à appréhender que cela arrive.

Elles étaient là. Toutes les trois.
Et Emma a presque aussitôt attaqué.
– Je t’ai vu mardi.
Elle m’avait vu ? Ah, oui ? Où ça ? Moi, je l’avais pas vue.
– Et pour cause ! T’étais très occupé. Occupé à reluquer les fesses de toutes les nanas qui passaient à ta portée.
J’ai rougi. Et Madame Beauchêne a secoué la tête d’un air affligé.
– Ça te passera donc jamais ! Bon, allez ! Tu te déculottes…
– Mais…
– Il n’y a pas de mais qui tienne. Tu te déculottes, j’ai dit ! Et plus vite que ça !
Je l’ai fait. Je savais que si je renâclais, que si je faisais preuve de mauvaise volonté, la correction serait beaucoup plus appuyée encore.
J’ai retiré le bas. Tout en faisant remarquer…
– Va y avoir Célestine.
– Ah, elle vient, ta copine ?
– Demain soir elle arrive. Il y aura encore les marques. Forcément. Elle va s’apercevoir. Et vous aviez dit…
– Que si tu acceptais d’être puni, elle ne serait pas au courant. Exact, oui. Et je n’ai qu’une parole. Tu peux te rhabiller. Mais ce n’est que partie remise.
Emma a maugréé.
– Il est pas obligé de baiser non plus. S’ils baisent pas, elle se rendra compte de rien.
Sa mère a fait mine de ne pas entendre.