Elles sont parties. Domitien aussi. Et je me suis retrouvé tout seul
avec Julie.
– Alors ?
– Quoi,
alors ?
– Ces
jeunes personnes ont très envie, dirait-on, de te prendre sous leur
coupe.
– Elles
plaisantaient.
– Je
ne crois pas, non. Elles étaient on ne peut plus sérieuses. Et, à
mon avis, elles ne vont pas tarder à revenir à la charge. Tu
comptes faire quoi, sans indiscrétion, si c’est le cas ?
– Mais
rien. Rien. Je ne sais pas.
– Oui.
Eh bien, moi, je sais ! Tu vas capituler. Et elles feront de toi
tout ce qu’elles voudront. Non ? C’est pas ça ?
– Oh,
mais j’en sais rien, j’te dis !
– T’énerve
pas comme ça ! Pourquoi tu t’énerves ?
– Je
m’énerve pas, seulement…
– Seulement
tu n’aimes pas qu’on te perce à jour. Ce qu’elles ont fait. Tu
es quelqu’un, elles l’ont parfaitement perçu, qui ne peut
trouver son épanouissement que dans la dépendance. Dans
l’obéissance. Tu as besoin d’être dirigé, c’est clair. D’une
main ferme et résolue.
– Tu
crois ?
– Je
crois pas. Je suis sûre. Ça fait maintenant des semaines et des
semaines que tu es là, avec moi. Que je te regarde. Que je
t’observe. Que je t’écoute. Que je te surveille, mine de rien.
Et je peux te dire que ça te transpire de partout. Alors
accepte-le ! Admets-le ! Une bonne fois pour toutes. Tu
t’en sentiras apaisé. En harmonie avec toi-même. Et
abandonne-toi ! C’est une chance inouïe pour toi, ces
filles ! Elles sont déterminées, volontaires, offensives. Ne
résiste pas ! Laisse-les s’emparer de toi. Comme bon leur
semble. Comme elles l’entendent. Lâche prise…
– Ça
se passerait comment, si ça se faisait ?
– T’as
entendu comme moi. C’est l’une d’entre elles qui se chargerait
de toi.
– Laquelle ?
– Ah,
ça, c’est à elles de décider.
– Ce
sera peut-être Estelle…
– Tu
aimerais que ce soit elle ?
– Pas
trop, non. Elle tape fort.
– Jessica
aussi, elle tape fort. Peut-être même encore plus.
– C’est
vrai, oui.
– Et
t’as pas vu les autres à l’œuvre. Elles sont peut-être encore
pires.
– Peut-être…
– Que
ce soit Estelle, Jessica ou l’une des deux autres, il faut que tu
t’attendes, de toute façon, à ce qu’elle ne te ménage pas.
– J’me
doute, oui !
– N’importe
comment, c’est pas les coups, l’essentiel. C’est juste la
traduction d’autre chose, les coups. Non, ce qui compte c’est
l’emprise morale. C’est la façon dont la fille, elle va être
capable de tisser sa toile pour t’engluer dedans, pour que tu ne
puisses plus lui échapper. Et, ce faisant, tu vas autant la révéler
à elle-même qu’elle va te révéler à toi-même. Ça va être
quelque chose d’extrêmement fort entre vous.
– Je
me demande vraiment laquelle ça va être.
– Tu
verras bien.
– Je
pourrai continuer à venir ici ?
– Ici ?
Me voir ? Si elle t’y autorise, oui, bien sûr. Tu seras
toujours le bienvenu.
– Peut-être
même qu’elle voudra que tu me peignes.
– Peut-être.
Tu feras ce qu’elle te dira de faire n’importe comment…