mercredi 20 février 2019

Julie, artiste peintre fesseuse (28)


Quand je suis redescendu de chez Julie, ce soir-là, il y avait quelqu’un dissimulé dans l’ombre au bas de l’escalier. Quelqu’un, un homme, qui s’est brusquement avancé vers moi.
– Je peux vous parler ?
J’ai sursauté.
– Vous m’avez fait peur.
– Hein ? Je peux vous parler ? C’est important.
S’il voulait, oui.
Et on s’est engouffrés dans le premier café venu. Attablés devant une bière.
– Je veux pas la perdre. Ma femme. Je veux pas la perdre.
C’était tout à son honneur, mais je voyais pas trop ce que je pouvais y faire.
– Que je vous explique… Je joue. C’est plus fort que moi. Des sommes importantes. Colossales. Je joue tant et plus. Au casino. En ligne. Je peux pas m’en empêcher.
– Et toute votre paye y passe. Le cinq du mois, vous n’avez plus rien.
– Pire que ça. J’ai emprunté. Et falsifié les papiers. Tant et si bien qu’elle s’est retrouvée caution solidaire sans le savoir.
– Aïe !
– Elle l’a découvert. Et très mal pris.
– Ce qu’on peut comprendre.
– Et elle veut divorcer. À moins que je n’aille faire un stage chez cette femme, là-haut. De chez qui vous sortez. Dont elle a entendu dire le plus grand bien.
– À juste titre.
– Elle est persuadée qu’elle parviendrait à me guérir de cette passion invétérée du jeu.
– C’est fort probable en effet. Contactez-la !
– Je l’ai fait. Elle n’a rien voulu savoir. Soi-disant que je manque de motivation.
– C’est peut-être vrai ?
– Oh, non, non ! Je vous assure !
– Bon, mais vous attendez quoi de moi, alors, au juste ?
– Apparemment vous êtes très proche d’elle. Tous les jours vous êtes là-haut, à ce qu’elle me dit ma femme. Alors si vous pouviez…
– Intercéder en votre faveur ?
– Voilà, oui. Je veux pas divorcer. Je veux pas.
– Votre femme ne mettra peut-être pas ses menaces à exécution ?
– Alors là, on voit que vous la connaissez pas.
– Faites-vous donner des fessées par quelqu’un d’autre.
– J’y ai bien pensé. Mais elle est pas née de la dernière pluie. Elle l’appellera. Elle vérifiera.
– Bon, écoutez, on va pas y passer la soirée. Je vais voir ce que je peux faire.
– Oh, merci ! Merci ! Je vous revaudrai ça. Au centuple.


Julie a fait la moue.
– Je vois très bien qui c’est, oui. Martin, il s’appelle.
– Et t’as pas voulu le prendre ?
– Non. Je le sens pas, ce type. Aucun feeling avec. D’autant que son histoire de divorce et d’addiction au jeu, j’y crois qu’à moitié. Alors comme ce sont pas les candidats qui me manquent…
– Bon, mais je lui dis quoi, moi, alors ?
– Que c’est non. J’ai horreur qu’on cherche à me forcer la main. Mais rien ne t’empêche de te substituer à moi, si tu veux.
– Hein ? Mais…
– Ça te tente pas ?
– Je sais pas.
– Tu te découvrirais peut-être sous un autre angle. Sûrement même…
– Et si elle t’appelle, sa femme ?
– Je vous couvrirai. C’est pas un problème.

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