– Tu
t’occupes de nous la contacter, cette Estelle ?
Moi,
je voulais bien. Je demandais pas mieux.
– Seulement
d’ici ce soir, ça risque quand même d’être un peu short.
– Je
sais bien, oui. Prends tout ton temps. Fais au mieux. Ce sera quand
ce sera. En attendant, je vais nous le tenir bien au chaud sur le
gril, notre petit Domitien. Qu’il morfle un peu ! Chacun son
tour.
Établir
le contact avec Estelle n’a pas été vraiment compliqué. Je lui
ai envoyé un message, en privé, pour lui dire que j’aurais aimé
l’entretenir d’un certain Domitien. Message auquel elle a presque
aussitôt répondu.
– Qu’est-ce
qu’il a encore fait cet oiseau-là ?
Non.
Rien. Enfin si, peut-être ! J’en savais rien en fait. Mais
est-ce que c’était quelqu’un à qui une femme pouvait se fier ?
– Lui ?
C’est la dernière des enflures ! Un enfoiré de première.
Carrément !
Elle l’avait pourtant dans sa liste d’amis.
– Pour
garder un œil dessus, tiens ! C’est le genre de type dont tu
sais jamais à quel moment ça va l’attraper de te la faire à
l’envers.
Je
trouvais qu’elle en dressait un tableau…
– Encore
bien en-dessous de la vérité, je vous assure ! Si vous saviez
le nombre de filles avec lesquelles il s’est montré absolument
odieux. À commencer par moi.
– Ah,
oui ! Comment ça ?
On
s’est branchés en cam.
– Parce
que ça risque d’être long.
Et
elle s’est lancée.
– Vous
savez ce qu’il m’a fait ? Au café, il m’a larguée. Un
soir. Devant tous ses copains. En prétendant que j’étais pas un
bon coup au lit. « On s’emmerde avec, les mecs. On s’emmerde
comme c’est pas possible. C’est le genre à écarter les cuisses
et à attendre que ça se passe. T’as l’impression de baiser un
bout de bois. Ou une poupée en latex. Quant aux pipes, ben c’est
en option. Il vaut mieux d’ailleurs. Parce qu’à part te baver
tant et plus sur la queue… Maintenant, s’il y en a un que ça
tente, je la lui laisse. C’est de bon cœur. Mais il fera pas
vraiment une affaire. » Cette claque que je me suis prise !
Je m’étais investie, moi. Même si ça faisait pas beaucoup de
temps qu’on était ensemble. Et il m’avait laissée faire. Il
m’avait même encouragée. Il avait parlé d’avenir, de projets
en commun. De plein de trucs. Alors se ramasser une rupture en pleine
gueule, comme ça, devant tout le monde ! Sans que rien,
absolument rien, ait pu le laisser prévoir… Mais encore ça, qu’il
me plaque, c’était dur, un grand coup par la tronche, oui, mais
c’était pas ça, le pire. Le pire, c’était cette volonté
délibérée de m’humilier. Publiquement. Et gratuitement. Parce
qu’il y avait pas un mot de vrai dans tout ce qu’il a raconté.
Ça m’a fait mal, mais mal, vous pouvez pas savoir…
– Quel
petit personnage infect, ce Domitien !
– Ah,
ça, vous pouvez le dire… Et je suis pas la seule à avoir eu
maille à partir avec. Tenez, ma copine Carla, par exemple. Avec elle
aussi il est sorti. Eh bien un soir qu’ils étaient en boîte tous
les deux, il en a dragué une autre sous ses yeux. Et quand je dis
dragué, c’est dragué. Avec roulage de pelles et pelotage des
fesses sur la piste. Mais c’est pas tout. Parce qu’en prime la
fille, il s’est enfermé avec, pour la tirer, dans la voiture de
Carla. Qu’était folle de rage. Mais elle a eu beau hurler,
tempêter, frapper aux vitres, taper sur le capot, il en a
strictement rien eu à foutre. Il a tranquillement terminé son
affaire, il est descendu et il lui a jeté les clefs à la figure.
« Tiens, la v’là ta tire ! Et tu te casses. Je veux
plus jamais entendre parler de toi .» Et tout ça sur le
parking de la boîte. Devant cinquante personnes qu’en perdaient
pas une miette.
– C’est
le genre d’individu à qui une bonne petite leçon ferait le plus
grand bien.
– Ah,
ça, c’est sûr… Et je peux vous dire que si j’avais
l’occasion…
– Oui.
Eh bien justement… Justement vous allez l’avoir si vous voulez.
Et pas plus tard que ce soir.
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