mercredi 16 janvier 2019

Julie, artiste peintre fesseuse (23)


Elle lui a minutieusement examiné le fessier.
– C’est en voie de résorption. Ce soir – demain au plus tard – ça aura complètement disparu. Bon, mais tu peux te remettre au travail…
Ce qu’il a aussitôt fait.
Je suis venu me pencher par-dessus son épaule.
Il a levé sur moi un regard inquiet.
– C’est nul, hein ?
– Nul, non, mais, pour être franc, ton coup de pinceau est loin de valoir celui de Julie.
– Oui, mais ça !
Elle est intervenue.
– On s’en fiche un peu de la façon dont il peint. C’est son problème. Non, on va reprendre notre petite conversation d’hier soir, plutôt.
Il s’est raidi.
– Allez, on t’écoute…
– Vous m’écoutez ?
– Oui. Parle-nous d’Estelle, tiens, par exemple…
– Estelle ?
– Estelle, oui. Prends pas cet air idiot. T’es bien sorti avec ?
– Oui. Si ! Mais comment vous savez ?
– On sait énormément de choses. Beaucoup plus que tu ne le crois. Alors, Estelle ?
– On est sortis, oui. Pas longtemps.
– Et tu l’as larguée. Pourquoi ?
– J’en avais fait le tour.
– Avec quelle délicatesse ces choses-là sont dites. Et elle a pris ça comment ?
– Pas très bien.
– Et pour cause. Elle s’est accrochée ?
– Oh, pour ça, oui !
– Ce qui t’a gonflé. Quelle emmerdeuse, hein ! Et maintenant ?
– J’ai plus de nouvelles.
– Eh bien, je vais t’en donner, moi, des nouvelles ! Elle est détruite, Estelle. Elle ne peut plus avoir confiance. En personne. Dès qu’un garçon commence à s’intéresser d’un peu près à elle, elle freine des quatre fers. Il a pourtant l’air sincère, ce type. Oui, mais toi aussi tu paraissais l’être. Et tu t’es fichue d’elle. Dans les grandes largeurs. Alors qu’est-ce qui lui dit que ça va pas recommencer ? Qu’une fois qu’il aura eu ce qu’il voulait, le type, il va pas la bazarder sans autre forme de procès. Du coup elle ne s’aventure qu’avec précaution. Du bout des sentiments. Résultat des courses : elle lui paraît tiède à ce brave garçon. Pas vraiment investie. Tout simplement pas amoureuse. Et il n’insiste pas. Est-ce que tu te rends compte que tu as bouzillé quelque chose d’essentiel en elle ? Que tu lui as gâché la vie ?
– Je…
– Tu ?
– Je me rendais pas compte.
– La belle excuse ! Et le pire, c’est que tu continues ! C’est que tu lamines toutes celles qui passent à ta portée. C’est que tu piétines leurs sentiments. Tu es un être immonde, tiens ! Ignoble.
– Je suis désolé. Je voyais pas les choses comme ça. Je réfléchissais pas.
– T’es désolé… Ça leur fait une belle jambe. Ce qu’il faut surtout, maintenant, c’est que tu changes de comportement. Seulement ça !
– Si ! Si ! Je vais essayer.
– C’est pas essayer qu’il faut, c’est réussir. Bon, mais tu sais pas ? Puisque tu es dans d’aussi bonnes dispositions, on va commencer par la faire venir Estelle… Que tu puisses t’excuser, c’est la moindre des choses.
– Je sais pas. Je…
– Si tu te défiles déjà…
– Je me défile pas.
– Je la fais venir alors ?
– Si vous voulez.

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