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Jessica
avait un drôle d’air.
– Qu’est-ce
t’as ? T’en fais une tête…
– Rien.
Enfin, si ! Mais vous allez m’en vouloir…
– Dis
toujours !
– C’est
reparti avec Sylvain…
– Ah !
Et pour combien de temps ?
– Vous
moquez pas. C’est sérieux cette fois. Il demande le divorce.
Enfin, c’est elle plutôt qui le demande. Mais ça revient au même.
– Pas
vraiment. C’est à cause de toi ?
– Oh,
non, non ! Elle sait même pas que j’existe. Ce qu’il y a,
c’est qu’elle a rencontré quelqu’un. Elle part vivre avec. Du
coup, Sylvain et moi, on va pouvoir se mettre ensemble.
– Il
peut pas se supporter tout seul, quoi, en gros !
– Mais
non, c’est pas ça !
– Tu
parles que c’est pas ça.
– Vous
avez jamais pu le sentir n’importe comment !
– Et
pour cause… Donc, tu vas faire la bobonne à la maison pendant que
monsieur n’aura rien de plus pressé que de s’en chercher une
autre avec laquelle passer du bon temps derrière ton dos.
– On
peut pas discuter avec vous. On peut pas. C’est pas la peine.
– Je
te donne pas trois mois avant qu’on en reparle de tout ça.
– On
verra.
– C’est
tout vu.
– En
attendant, Lancelot et tutti quanti, tout ça, pour moi, c’est
fini. Et bien fini. Évidemment.
– Évidemment.
Pour le moment.
Elle
a haussé les épaules. Et claqué la porte.
Nous
aussi, Pauline et moi, on les a haussées, les épaules.
– Qu’est-ce
t’en penses ?
– Qu’est-ce
tu veux que j’en pense ? La même chose que toi.
– Va
falloir faire sans elle, du coup.
J’ai
fait la grimace.
– Mouais…
À deux, ça va plus être vraiment pareil.
– D’autant
que… je sais pas toi… Mais moi, je sature un peu.
– T’es
pas la seule.
– Oui,
parce que tu vois, Duroc, c’est un type à qui je gardais un sacré
chien de ma chienne. C’est vraiment le salaud qui te laisse rien
passer sur ton compte, qu’aurait plutôt tendance à t’enfoncer
quand il a l’occasion. Alors ce que je me disais, c’est que
j’allais prendre un pied pas possible à lui flanquer sa fessée.
Eh ben, non ! Même pas.
– J’ai
vu, oui. Je me suis rendu compte.
– Qu’est-ce
qu’on fait ? On continue ?
– Je
sais pas quoi te dire. D’un côté, ça me tente bien, mais, de
l’autre, c’est vrai que j’ai l’impression d’en avoir fait
le tour de tout ça.
– Vu
sous un autre angle, faut reconnaître aussi que l’idée de me
retrouver face à face avec Duroc, après ce qui s’est passé, ben,
c’est pas désagréable du tout.
– Sûr
qu’il va être dans ses petits souliers.
– Et
vivre désormais avec une épée de Damoclès suspendue en permanence
au-dessus de la tête. Des fois qu’il nous prenne l’envie de
recommencer. D’ailleurs à ce propos, on pourrait peut-être…
– Aller
lui mettre un peu la pression ? Ensemble. Toutes les deux.
Pourquoi pas ?
On a
à peine eu le temps de passer la porte. Il est allé se réfugier,
ventre à terre, dans son bureau.
Lauriane
et Greta, elles, étaient absolument ravies du renoncement de
Jessica. Dont elles se doutaient bien un peu.
– Parce
qu’elle nous le laissait tout le temps ces derniers temps. Elle
rentrait quasiment plus chez elle. Bon, mais elle en veut plus du
tout alors ? On peut le garder ?
– Tant
que vous voudrez.
– Super !
On va lui annoncer la bonne nouvelle.
Elles
ont ouvert la porte d’un petit réduit. Il était là, assis sur un
petit coussin, en slip, la tête entre les genoux, les bras autour de
ses jambes repliées.
– Oui.
On a été obligées de le punir. On vous racontera. T’as entendu,
toi ? Tu vas rester là. Avec nous. Et regarde-moi quand je te
parle. Hein ? T’as entendu ? T’es content ?
– Oui.
– Oh,
ben, non. Mieux que ça.
– J’aime
vous obéir.
– Ah,
ben voilà, tu vois quand tu veux. Mais si tu t’imagines qu’on va
lever ta punition pour autant, tu te fourres le doigt dans l’œil
jusqu’au coude, mon cher. On va même y rajouter quelques heures.
Six. Parce que j’ai senti, dans ta réponse, comme une once
d’hypocrisie.
– Je
vous assure…
– Douze.
Il
n’a plus protesté. Il s’est tu.
– Vous
savez ce qu’il nous a fait, ce petit salopiaud ? Sa copine,
là, qu’il allait soi-disant retrouver le week-end, eh ben, ça
fait plus d’un mois qu’ils ont rompu. Tu crois qu’il l’aurait
dit ? Il s’en est bien gardé. Et tout ça pour quoi ?
Pour nous échapper. Pour aller courir on ne sait où. Faire on ne
sait quoi avec on ne sait qui. Hein ? Qu’est-ce tu faisais ?
– Comme
je vous ai dit. Je me promenais un peu, comme ça, au hasard.
– Et
t’imagines qu’on va gober ça ? Tu te fiches de nous, là.
Tu te fiches vraiment de nous. Oh, mais tu finiras par cracher le
morceau, va ! Je te jure qu’on te le fera cracher.
Greta
a brandi un martinet. Elle lui en a asséné une douzaine de coups
sur les jambes et les cuisses.
On
les a laissés.
– Ils
s’entendent comme larrons en foire tous les trois.
– Et
t’as vu la tête de Lancelot ? Il est absolument ravi de la
situation.
– On
n’a plus qu’à se retirer. Sur la pointe des pieds.
– Et
les laisser vivre ce qu’ils ont à vivre. On est bien d’accord.
Le
lundi, Luc n’est pas venu.
– Mais
qu’est-ce qu’il fout ?
On a
attendu. On lui a envoyé des SMS menaçants en pagaille. Sans
susciter la moindre réaction.
C’est
Pascal, sollicité, qui nous a fourni la clef de l’énigme.
– Il
n’est plus avec sa femme. Vous saviez pas ? Alors maintenant
il en a strictement rien à foutre de ce que vous pouvez bien aller
lui raconter.
– Comment
ça « plus avec sa femme » ? Il est avec toi ?
Il
n’a pas répondu. Il a raccroché.
– Bon,
ben il nous reste que Duroc.
– Qu’est
pas spécialement motivant, faut bien reconnaître…
– Ah,
ça !
– Bon,
ben on a plus qu’à se remettre en chasse…
– T’en
as vraiment envie ?
– Pour
être honnête…
– On
laisse tomber alors ?
– Oui,
je crois que c’est mieux.
– Quitte
à remettre ça un jour… Quand de l’eau aura coulé sous les
ponts.
FIN
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