mercredi 11 avril 2018

Pauline, Jessica, Chloé et les hommes mariés (13)


Dessin de Mike: http://placardemike.blogspot.com


Au retour, Lancelot n’avait pas bougé. Il était toujours au coin, les mains sur la tête.
– Il va prendre racine à force…
– Non, parce qu’on va le faire danser. Ça le réchauffera.
– Et si ?
– Quoi, Lauriane ?
– Et si vous nous laissiez l’emmener là-haut, Greta et moi ? Chez nous. On lui montrerait comme ça. Pour le ménage. La cuisine. Tout le reste.
– Et c’est quoi tout le reste ?
Elles ont ri…
– Ben…
– Oh, mais allez-y, hein ! Allez-y ! Faites-vous plaisir.
Elles ne se le sont pas fait répéter deux fois. Elles l’ont poussé vers la porte à grandes claques sur le cul. Une fesse chacune.
– Allez, avance, grand feignant !
Il y a encore eu des bruits de claques dans l’escalier. De grands rires.
Jessica a hoché la tête.
– À mon avis, il va prendre cher.
– Pas grave ! Il adore ça.

Ce qui préoccupait Pauline, elle, c’était de savoir comment les choses étaient en train de tourner entre Luc et Pascal.
– Parce que vous avez vu… Ils sont repartis ensemble.
– Peut-être qu’ils avaient des choses à se dire.
– À se dire… Ou à se faire.
– On s’en fiche n’importe comment.
– Ben, pas vraiment, moi !
– Pourquoi, Pauline ? T’as des vues sur lui ?
– Ça va pas, non ? N’importe quoi !
– Eh ben alors ?
– Je sais pas. Ça m’intrigue. Pas qu’ils couchent ensemble, non, ça, j’m’en fous, mais c’est comme s’il y avait quelque chose de beaucoup plus compliqué. Que j’arrive pas à cerner. Et ça m’agace. Vous pouvez pas savoir ce que ça m’agace.

Bon, mais c’était pas tout ça. Pour Duroc, le banquier, on faisait quoi alors ?
– Ben, on fonce, tiens ! On fonce.
Moi, de mon côté, j’avais pas mal d’éléments. Des mails. Des SMS. Et puis, la photo. C’était une bombe, cette photo. Mais elles ?
– C’est vrai qu’on n’a pas trop travaillé le dossier. Pas assez.
– Faut dire qu’avec tout ça, on savait plus trop où donner de la tête non plus…
– Oh, mais on va s’y mettre… On va s’y mettre…
Et effectivement ! Une semaine plus tard, elles disposaient, l’une comme l’autre, d’une quantité impressionnante de messages compromettants. Pauline avait même réussi à lui soutirer une photo sans avoir été pour autant contrainte, elle non plus, à lui adresser la sienne.
– Bon, ben feu alors !
Et on a pris rendez-vous avec lui.

Il nous a accueillies avec un large sourire. On ne peut plus commercial. Nous a fait asseoir.
– Si vous êtes là toutes les trois, c’est, je suppose, que vous avez élaboré un projet en commun que vous avez l’intention de me soumettre.
Voilà, oui. C’était ça.
– La ville et la région ont besoin de gens comme vous, dynamiques, entreprenants, qui n’hésitent pas à s’engager et à prendre des risques. Mesurés, bien entendu.
– Bien entendu.
– Bon, mais je vous écoute. Et nous verrons ce que nous pouvons faire.
Son sourire s’est fait plus large encore.
J’ai pris la parole.
– Écoutez, on va pas tourner trois ans autour du pot. On va jouer carte sur table.
– C’est préférable, en effet.
– Alors moi, vous me connaissez mieux – ou, en tout cas, aussi bien – sous une autre identité.
Il a levé un sourcil interrogateur.
– Veranha, ça vous dit quelque chose ?
Son sourire s’est figé. Il s’est décomposé.
– Je ne comprends pas.
– Oh, si, tu comprends. Tu comprends même très bien. Et c’est pas tout. Parce que, là, à ma droite, tu as Famoulette et, de l’autre côté, à ma gauche, Xaxiline. Alors ? Qu’est-ce tu dis de ça ?
Il s’est littéralement liquéfié. Il est devenu brusquement tout pâle. Ses mains se sont mises à trembler.
– Tu payes pas de mine comme ça, mais t’es un sacré gourmand, quand même, dans ton genre. N’empêche que là, va quand même falloir que tu fasses un choix. Parce que j’imagine mal que tu puisses, à ton âge, nous rendre hommage à toutes les trois à la file. Alors, laquelle ? Famoulette ? Xaxiline ? Moi ? Alors ? On attend.
– Je sais pas. Je…
– Bon. Eh bien, on va te laisser réfléchir. Jusqu’à ce soir. À huit heures tu nous rejoindras à cette adresse. Tâche de t’être décidé. Et de pas oublier de venir. Parce qu’on apprécierait pas, mais alors là, pas du tout. Et ça te retomberait sur le nez.

Il était là.
– T’as trouvé facilement ? Oui ? Fais pas attention au désordre. On est en pleins travaux. Bon, alors, t’as choisi ?
Il a fait signe que oui. De la tête. Oui.
– Qui ?
– Elle !
– Wouah ! Qu’est-ce t’as de la chance, Pauline, dis donc ! Il veut te tirer, le monsieur. T’es contente ?
– Depuis le temps que j’en rêve !
– Oui, hein ! Comment il est sexy avec ses cheveux blancs, ses bajoues tombantes et sa peau toute flasque…
– Je te le fais pas dire…
Et elle lui a envoyé une petite pichenette sur le nez.
– Non, mais franchement, Duroc, tu t’es regardé ? Tu t’imagines quoi, sérieux ? Faudrait vraiment crever de faim.
– Cela étant, tu vas quand même le tomber, le falzar… Et tu sais pourquoi ? Parce que tu vas te prendre une bonne fessée déculottée.
Il s’est brusquement rebiffé.
– Cette fois, ça suffit ! La plaisanterie a assez duré.
– Ah, oui ? Tu crois ? Eh ben, c’est pas notre avis à nous… Pas du tout. Et tu vas en passer par où on veut parce que, sinon, demain tout le pays est au courant que c’est un gros pervers de base, le banquier. Un fieffé cochon qui se tape ses clientes. Et Madame Duroc ? Oh, la connaissant, c’est le genre de choses qu’elle va sûrement beaucoup apprécier, Madame Duroc. On ira la voir, tiens ! On lui racontera tout ça. En tête à tête. Quitte, même, à en rajouter un peu. On sait être très imaginatives quand on veut.
– Vous êtes vraiment…
– Des petits anges ? Oui, hein ! Et adorables comme tout. Bon, mais allez, perdons pas de temps. Si tu veux pas aller au devant de gros ennuis, tu discutes pas, tu dégringoles le bénard, on t’en colle une bonne et on te laisse aller retrouver bobonne.
Pauline a tiré une chaise, s’est installée.
– Allez, papy, en place pour le quadrille.
Il a longuement hésité. A avancé. Reculé. Recommencé.
– Bon, allez, tu te magnes ? On n’a pas que ça à faire. Je compte jusqu’à trois. Un… Deux…
Il s’est précipitamment déculotté, couché en travers des genoux de Pauline. Qui s’en est donnée à cœur-joie. Ah, comment il a braillé le père Duroc ! Et quand elle l’a laissé se relever, il avait le cul dans un état !
– Allez, file ! On repassera te voir à la banque.

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