Mes
parents portaient désormais Émilie aux nues…
– Je
sais pas ce qu’elle t’a fait cette fille… Mais t’es
complètement transformé… Ah, t’as intérêt à la garder
celle-là…
Si
bien que, quand elle a proposé que j’aille m’installer chez
elle, ma mère a applaudi des deux mains…
– Ah,
oui… Oui… Excellente idée… Elle pourra t’avoir à l’œil…
Superviser ce que tu fais… Tu n’auras qu’à t’en féliciter,
tu verras… À tous points de vue…
Et
j’ai emménagé chez Émilie. Je me suis retrouvé sur son
territoire. À sa merci. Elle a immédiatement mis les choses au
point…
– Hors
de question que t’ailles traîner avec tes soi-disant copains… On
a vu ce que ça donnait… J’ai pas envie de te voir rentrer
ivre-mort tous les soirs… C’est clair ?
C’était
clair. Il ne me restait plus qu’à obtempérer. Parce que décider
de passer outre, c’était m’exposer à une fessée monumentale.
Et humiliante. À 19 ans ! De sa main. Une fessée à laquelle
il ne serait de toute façon pas question que j’envisage une seule
seconde d’essayer de me soustraire…
– Parce
que, alors là, je peux t’assurer que je ne me ferai qu’un
plaisir de mettre tout un tas de monde au courant… Et des fessées
que Mademoiselle Lancel t’a données cet été… Et des miennes…
Est-ce
qu’elle le ferait ? La connaissant, elle en était tout-à-fait
capable. Et c’était une perspective qui me terrorisait
J’imaginais… On allait s’en donner à cœur joie. En faire des
gorges chaudes. Je serais l’objet d’insupportables moqueries. On
m’abreuverait en permanence d’allusions. De petits sourires
narquois. De réflexions à double sens. Sans compter que derrière mon
dos… Mes copains… Tout le monde… Non. Non. Tout, mais pas ça…
J’étais
piégé. Je n’avais pas d’autre solution que d’en passer par où
elle voulait. Que de renoncer aux soirées avec les copains. En
espérant des jours meilleurs. Peut-être, avec le temps,
finirait-elle par me lâcher un peu de mou. Par me laisser les
coudées un peu plus franches. À moins encore que se présente, un
jour ou l’autre, une opportunité quelconque qui me permettrait de
déjouer sa surveillance et d’aller les retrouver. Parce qu’il
était hors de question que je reste des semaines et des semaines
sans les voir. Sans leur parler. Sans m’offrir avec eux une de ces
bonnes parties de rigolade dont nous étions coutumiers. Ce serait
au-dessus de mes forces…
Je
les appelais en cachette…
– Ben
alors ! Qu’est-ce tu fous ? On te voit plus…
– C’est
qu’avec ma copine, en ce moment, c’est pas trop ça qu’est ça…
Il y a de l’eau dans le gaz… Mais dès que ça ira mieux…
– Non,
mais franchement ! Qu’est-ce t’attends pour nous larguer
ça ? C’est un sac à embrouilles cette nana…
La
larguer ? L’idée m’avait parfois effleuré. Elle prenait
soudain consistance. Je me surprenais à la caresser avec
délectation. De plus en plus de délectation. Oui, après tout !
Je retrouverais ma liberté. J’aurais à nouveau les coudées
franches. Tout redeviendrait comme avant. Et il y en avait d’autres
des meufs. Plein d’autres. Sauf que… J’ai brusquement réalisé.
Ce n’était pas possible. La larguer ? Elle me le ferait payer
au prix fort. Tout le monde serait au courant du traitement que
j’avais subi. Ça ne faisait pas l’ombre d’un doute. Elle
donnerait force détails. Elle s’étendrait avec complaisance. Non…
Elle me tenait. J’étais pieds et poings liés…
Tout,
décidément, se retournait contre moi. C’était pour ne pas aller
en pension, pour ne pas être séparé de mes copains, que j’avais
laissé Mademoiselle Lancel prendre le pas sur moi.(*) Me punir
lorsqu’elle estimait que je l’avais mérité. Et tout ça pour
quoi au final ? Pour, de fil en aiguille, me retrouver sous la
coupe d’Émilie qui m’imposait ses quatre volontés et
m’interdisait formellement de voir mes copains. Ah, pour une
réussite, c’était une réussite…
Lisa,
la copine d’Émilie, passait souvent la voir. Restait parfois
dormir. Je l’appréhendais. Parce qu’elle était au courant :
elle avait assisté aux deux fessées que m’avait administrées
Émilie.(*) Je la redoutais : est-ce qu’elle me gardait le
secret ? Est-ce qu’elle n’était pas parfois tentée de
raconter, ici ou là, à quel traitement j’étais soumis ? Je
m’efforçais d’acheter son silence par mon attitude à son égard,
par les attentions que je lui témoignais. Et je lui en voulais d’en
être réduit à ce pitoyable stratagème. Elle n’était pas dupe.
Elle se rendait parfaitement compte qu’elle avait barre sur moi. Et
elle savait pourquoi…
Elle
prenait un malin plaisir à retourner le couteau dans la plaie… De
préférence quand nous nous trouvions seul à seule tous les deux…
– Alors ?
Il a été sage le grand garçon ? Il a pas fait de bêtises ?
Il a pas eu de fessée ? Non, hein ?J’aurais
su… J’aurais vu… Elle m’a promis Émilie… “Oh, ben oui,
attends ! Je te ferai signe… Que tu rates pas ça !”
C’est vrai… Comment t’es trop rigolo quand elle te le fait…
(*)
Voir « Studieuses Vacances »
Moi je vivrais volontiers avec Emilie pour qu'elle me donne beaucoup de bones fessées et son amie Lisa aussi.
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