16 avril.
« Êtes-vous favorable au remplacement des peines de prison par des châtiments corporels administrés publiquement, s’agissant des délits sexuels les plus graves ? » C’est la question à laquelle nous aurons à répondre par oui ou par non dimanche prochain. Et je suis incapable de me décider. Je suis partagée. Parce que bien sûr que la situation est dramatique. Viols et agressions sexuelles sont devenus monnaie courante. Les chiffres sont, à proprement parler, hallucinants. Nous ne sortons plus, nous, les femmes, que la peur au ventre. Toutes mes collègues de travail, absolument toutes, ont été victimes de prédateurs sexuels. Certaines à plusieurs reprises. Moi-même… mais je n’ai pas envie de revenir là-dessus. Non. Il faut absolument que cela s’arrête. C’est évident. Il y a urgence. Mais est-ce que c’est LA solution ? Nos gouvernants prétendent qu’il n’y en a pas d’autre. Ils en veulent pour preuve les résultats spectaculaires obtenus par les pays étrangers qui se sont récemment engagés dans cette voie. La Grande-Bretagne notamment. Et, dans une moindre mesure, la Russie. Pourquoi ? Parce que ces délinquants, qui affichent un mépris délibéré de la femme, qui prétendent se viriliser en l’utilisant comme bon leur semble et en l’humiliant, ne redoutent absolument pas la prison. Bien au contraire : y avoir goûté fait d’eux des héros auprès de leurs « potes », leur confère à leurs yeux un véritable prestige. Et ils font tout naturellement des émules. Un comble ! Tandis que se prendre une bonne correction, au vu et au su de tout le monde, c’est « la honte ». Et la honte, il n’y a rien de pire pour eux. Vu sous cet angle évidemment, tout paraît simple. Et l’instauration d’un système de châtiments corporels ne peut que faire baisser la criminalité sexuelle de façon tout à fait significative. Comme c’est incontestablement le cas à l’étranger. Il n’empêche… Il n’empêche que c’est quelque chose qui me révulse profondément. Que c’est un constat d’échec. Que je ne peux pas accepter de gaîté de cœur qu’il faille avoir recours à des méthodes aussi barbares. À des châtiments aussi cruels et dégradants. Et, si je finis par voter oui, en pensant à toutes ces femmes quotidiennement agressées, ce qui est le plus probable, ce sera avec bien des réticences malgré tout. D’autant qu’à mon avis, c’est mettre là le doigt dans un engrenage extrêmement dangereux. Châtiment réservé exclusivement aux criminels sexuels ? Oui. Bien sûr. Au début. Mais après ? La boîte de Pandore sera ouverte Un jeu d’enfant, pour un gouvernement sans scrupules, que d’étendre ce type de sanction à d’autres délits beaucoup moins graves et puis, progressivement, à tous les délits…
Manon, elle, n’a pas tant d’états d’âme. Ses vingt ans sont sans nuance.
« Mais enfin, maman, faut savoir ce qu’on veut. Tu trouves ça normal, toi, que je me fasse peloter le cul, dans la rue, dix fois par jour ? Sans compter tout le reste.
‒ Non ! Bien sûr que non !
‒ Eh ben alors ! Et Alexine ? Tu te rappelles pas ce qui lui est arrivé à Alexine ? Et Zara ? Et Pauline ? Et tant d’autres…
‒ Je sais bien…
‒ On en a marre, nous, mais marre à un point ! Alors s’il y a que ça qu’ils comprennent, une bonne correction, s’il y a que ça qui peut les faire changer d’attitude, eh bien qu’on les fouette ! Tant qu’on voudra. J’applaudirai. Et des deux mains.
‒ Il n’empêche… C’est, malgré tout, un châtiment particulièrement avilissant et…
‒ Oh, mais c’est des idées de ton époque, ça, maman ! On est en 2039. Les choses ont changé. On a évolué. Et heureusement ! N’importe comment, c’est tout bête, hein ! Ceux qui veulent pas que ça leur arrive, ben ils auront qu’à garder leurs mains dans leurs poches et leur bite dans leur slip. C’est pas plus compliqué que ça !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire