mercredi 19 février 2014

Le Centre2 (36)



– Ah, c’est toi ! On commençait à s’inquiéter…
– Non, mais c’est parce que… plein de trucs il s’est passé… Mais vraiment plein…
– Bon, ben assieds-toi ! Assieds-toi et raconte-nous ça…
– D’abord j’y suis allée chez lui… Comme on avait dit… Sa tête quand il m’a vue ! « Ben entre ! Entre ! Tu veux boire quelque chose ? Du café ? » Il a pas attendu la réponse… Il s’est précipité dans la cuisine… Pour en faire… Et pour reprendre ses esprits… Moi, pendant ce temps-là, j’ai un peu tout examiné autour de moi… Un de ces foutoirs c’est chez lui ! Il y a des cartons partout… Des tas de trucs entassés dans tous les coins… On dirait qu’il vient d’arriver… Ou qu’il va s’en aller… Mais alors le plus beau… Vous savez le plus beau ? Il y avait une chemise sur le bureau… Une chemise sur laquelle était écrit, en grandes lettres noires… « Nollwen, Marta et Bastien »…
– Et évidemment tu l’as ouvert…
– Vous pensez bien que oui…
– Et alors ? Il y avait quoi dedans ?
– J’ai pas eu trop le temps de regarder sur le moment… Parce qu’il est revenu… Et quand il a vu que j’avais ça entre les mains tout pâle il est devenu… Il a avancé la main pour me le reprendre, mais je lui ai pas rendu… Pas folle ! « Ça parle de moi ce truc ? Enfin de nous plutôt, non ? » « Oui… Non… C’est-à-dire… » « Je verrai bien n’importe comment… Je l’emporte… » Il a vaguement bafouillé quelque chose en essayant encore de le reprendre… « Ah, ben si, si, je l’emporte… Vous écrivez des trucs sur moi derrière mon dos… J’ai le droit de savoir quand même… » Le temps d’avaler le café et je me suis sauvée avec…
– Et la première chose que t’as faite…
– C’est de le lire… De le dévorer plutôt… Ah, ben ça !
– Et… conclusion ?
– Conclusion ? Il y en a plein… D’abord c’est une véritable bombe ce truc… Que je fasse circuler ça au boulot et il est mal… Très très mal… Ensuite on a vraiment misé sur le bon cheval… Pour en faire ce que je veux je vais vraiment en faire ce que je veux… Tout ce que je veux… Il demande que ça… Ça fait des mois qu’il en rêve… Mais vous verrez par vous-mêmes… Vous lirez… Je vous l’ai apporté…
– Tu l’as revu depuis ?
– Ben oui… Oui… Forcément… Au boulot… J’ai aussitôt attaqué… Bille en tête… « Vous n’avez pas honte de raconter des trucs pareils ? » Il avait honte, si ! « Je vous avais autorisé ? À écrire sur moi ? Je vous avais donné la permission ? » Non… Non… Il savait bien, mais… « Mais quoi ? Vous n’avez pas d’excuse… Aucune… Alors vous allez commencer par me demander pardon… À genoux… »
– Et il l’a fait…
– Évidemment qu’il l’a fait…
– Sans rechigner ?
– Un peu quand même, si ! Parce qu’imaginer, c’est facile… Mais le vivre en vrai, c’est pas la même chose… Seulement j’avais une arme redoutable entre les mains… Que je lui ai brandie sous le nez… Il a pas insisté… Il s’est agenouillé… Les mains sur la tête je lui ai fait mettre…
– Bien… Bien… Très bien…
– Et je lui ai envoyé deux grandes baffes… Pour le punir d’avoir hésité à le faire…
– T’iras loin…
– Et puis après je l’ai expédié à la photocopieuse… Me le sortir en trois exemplaires son machin…
– Pour en faire quoi ?
– C’est la question qu’il m’a posée… Je lui ai dit qu’il y en avait un pour Marta… Un pour Julia – une autre fille du boulot dont il parle dedans – et quant au troisième j’ai laissé planer le doute…
– Tu vas vraiment leur donner à lire ?
– Marta sûrement… Julia, je sais pas encore… Je verrai comment ça va tourner tout ça…
– Il va continuer à l’écrire son histoire ?
– Non… Je lui ai interdit…
– C’est peut-être dommage… Ça aurait pu te donner des idées…
– C’est ce que je veux pas justement… Parce qu’au bout du compte c’est lui qui dirigerait les opérations… Qui m’obligerait à me calquer sur ses attentes…
– Bien vu…
– Non… Il écrira… Il continuera à écrire… Mais ce que moi j’aurai décidé… C’est mes fantasmes à moi qu’il va mettre en scène… Pas les siens… Et je peux vous dire que j’ai des tas d’idées… Pour ça comme pour le reste… Je vais bien m’amuser…

mercredi 12 février 2014

Nollwen, Marta et Batien (15)

– Ah, le voilà !
– Il a pas perdu de temps, dis donc !
– Oh, pour ça, Bastien, il y a pas de problème… On peut toujours compter sur lui… Quoi qu’il arrive…
– Tu sais pourquoi on t’a fait venir au moins ?
– Non… Apparemment il sait pas…
– Parce que t’es un mec…
– Et donc un salaud…
– Oui… C’est synonyme…
– Bon, mais qu’on t’explique ! On connaît un type… Il trompe sa femme… Jusque là rien d’original… Vous le faites tous… Mais il la trompe avec nous…
– Oui… Nous trois, là… Nollwen, Mélanie et Ismène… Il nous trompe toutes en douce les unes avec les autres…
– Tu ferais pas ça, toi, hein, Bastien ?
– Il a l’air de dire que non…
– Ben, voyons ! Tu parles ! Alors là je suis bien tranquille…
– Tu ferais mieux d’avouer… Ce serait plus honnête…
– T’as jamais trompé une nana avec qui tu sortais peut-être ?
– Non ? Ben, voyons ! Tu nous prends vraiment pour des imbéciles !
– Bon… Mais ça fait rien… On va te poser la question autrement… Supposons que tu sois marié avec Mélanie…
– Elle a pas l’air d’avoir vraiment envie…
– Ça, je la comprends…
– Oui… Non… Mais c’est juste une supposition comme ça… Supposons… Et supposons – ce qui est le cas d’ailleurs – que tu travailles avec Nollwen… Elle te tenterait pas ? Non ? Si ! Ah, tu vois !
– Quel salaud ! Non, mais quel vieux cochon ! Mais je veux pas de ses sales regards sur moi pendant qu’on bosse, moi ! Je veux pas… Je lui interdis…
– Ça mérite… Alors là ça mérite…
– Un peu que ça mérite… Eh ben vas-y ! Fais-toi plaisir… Qu’est-ce qu’il y a, Mélanie ?
– C’est pas juste ! Moi d’abord ! Parce que c’est avec moi qu’il est en couple dans l’histoire… C’est moi la cocue…
– Vous allez pas vous disputer !
– Non… Mais quand même ! C’est pas juste…
– Eh ben faites-le ensemble… Quand il y en a pour une il y en a pour deux…

– Eh ben dites donc, les filles, vous y êtes pas allées de main morte…
– Ça défoule… J’en avais besoin…
– Moi aussi… Ça fait du bien…
– En attendant il a le derrière dans un état !
– Ça lui fait pas de mal…
– Oui… Il avait qu’à pas chercher…
– Qu’est-ce qu’il y a, Ismène ?
– Ben, et moi alors ? Parce que les deux autres elles s’en sont donné à cœur joie, mais moi aussi il s’est foutu de ma gueule… Et en beauté…
– Ça se défend ce qu’elle dit…
– Un peu que ça se défend…
– Eh ben, vas-y ! Il est encore en position… Profites-en !

– C’est joli, hein, finalement… Ça rend bien…
– Pas mal, oui…
– Peut-être rajouter un peu de rouge, là, en bas à gauche… Qu’est-ce que vous en pensez, les filles ?
– Que ça s’impose…
– Qui c’est qui s’en charge ?
– Moi !
–Mais tu l’as déjà fait tout à l’heure…
– Oui, ben toi aussi !
– Julia et Marta alors ! C’est les seules qu’ont pas encore joué…
– Il les a pas trompées, elles…
– Oui, mais attends, c’est pire ! Parce qu’on bosse avec lui, nous ! On bosse avec et on n’existe pas… Jamais un regard… Rien… Il y en a que pour Nollwen… Ah, ça, Nollwen ! Vous trouvez ça normal, vous ?
– Pas bien, non !
– Ben, allez-y alors ! À votre tour…

– Ça a pas vraiment rééquilibré en bas…
– Non… Ce serait plutôt le contraire… C’est en haut maintenant que ça va plus…
– Faut recommencer… Il y a pas d’autre solution…
– Eh bien allez ! Toutes ensemble cette fois…

– Bon, ben voilà ! C’est tout pour aujourd’hui…
– On se sera bien amusées en tout cas… Pas toi, Bastien ?
– Oh, si, si ! Je suis sûre qu’il a adoré… Je le connais maintenant depuis le temps…

mercredi 5 février 2014

Le Centre2 (35)



– C’est encore moi !
– Et tout excitée on dirait…
– Oui… Parce que ça y est… Mon maître de stage… Enfin non ! Mais si quand même dans un sens…
– Assieds-toi ! Assieds-toi et raconte-nous ça…
– Je lui ai flanqué une baffe…
– Carrément !
– Qu’il méritait pas en plus !
– Comment ça ?
– À la photocopieuse j’étais… J’en avais tout un tas à faire… Il s’est approché pour voir où j’en étais… Seulement juste à ce moment-là je me suis reculée pour regarder pourquoi ça sortait plus en bas… Et on s’est touchés… Sa main et mes fesses… Ça a été d’instinct… Le réflexe… Je me suis retournée et paf ! Une grande beigne… À toute volée… Il a sacrément dû le sentir passer… Sauf qu’en réalité, c’est mes fesses qu’étaient allées à la rencontre de sa main… Dans le mouvement… Et pas l’inverse… J’étais à deux doigts de m’excuser quand j’ai vu sa tête… Tout penaud, tout contrit… Une vraie tête de coupable… Du coup j’ai repensé à tout ce qu’on avait dit… C’était l’occasion ou jamais… De prendre l’avantage… De poser les premières banderilles… « Ça va pas, non ? Et puis quoi encore ? » Il a rougi… Vaguement bredouillé quelque chose… « Recommencez jamais un truc pareil… Parce que alors là ! » Et je lui ai fait la gueule tout le reste de la matinée…
– Bien ! Bien ! T’es sur la bonne voie…
–Oh, mais attendez ! Attendez ! Parce que c’est pas fini… Je lui ai raconté à Marta, à midi, ce qui s’était passé… Et, à la reprise, elle s’est pointée avec moi dans le bureau… On s’est mises un peu à l’écart et on a chuchoté toutes les deux… Du moins au début… Parce que plus ça allait plus on parlait fort… Exprès… Qu’il nous entende… « Un vrai salaud, oui ! Tout le monde le dit dans la boîte… Il y a pas une nana qu’a pas eu à s’en plaindre… À un moment ou à un autre… » « Oui, oh, ça, j’me doute… Mais ça va pas le faire… Avec moi ça va pas le faire… Va falloir que ça cesse… À commencer par ces regards vicieux qu’il me balance dessus sans arrêt…
– Et il disait rien ?
– Il faisait celui qu’entendait pas… Qu’était complètement absorbé par ses dossiers… Même après quand elle a été partie Marta… Comment je jubilais à l’intérieur ! Ça marchait… Ça marchait… J’étais en train de prendre le dessus… Et pas qu’un peu ! La preuve :il osait même plus me regarder… Jusqu’au soir pas une seule fois il a levé les yeux sur moi… Valait mieux d’ailleurs… Parce qu’il en aurait pris une… Remontée comme j’étais, ça, c’est sûr qu’il s’en serait pris une autre…
– T’es motivée, dis donc !
– Ah, pour ça, oui ! Faut que j’y arrive… Faut vraiment que j’y arrive… Et lui… Pas un autre… La seule chose, c’est que c’est bien beau les baffes… Je pourrai bien lui en coller tant que je veux maintenant que j’ai commencé… Suffit que je fasse semblant de le prendre en flagrant délit de me mater les seins… Ou les fesses… Et paf… Et paf… Non… Le problème, c’est de passer à la vitesse supérieure… D’en faire ce que vous faites de Léonard… Et ça !
– C’est une autre paire de manches, oui…
– Vous vous y prendriez comment, vous ?
– Moi, je commencerais par me pointer tout simplement chez lui…
– Chez lui ? Comme ça ? Mais pour quoi faire ? Je vais lui dire quoi ?
– Rien… Rien de spécial… Tu restes un petit quart d’heure… À parler de choses et d’autres… Et tu te casses…
– Ça va lui paraître bizarre…
– C’est le but… Il va se poser des tas de questions… Sans trouver vraiment de réponse… Formuler des tas d’hypothèses… Douter… Hésiter… Tu vas complètement le déstabiliser… Et assurer un peu plus ton emprise sur lui…
– Ça me plaît bien cette idée…
– Deux trois jours après tu remets ça… Toujours sans la moindre explication…
– Ah, oui… Oui… Et de temps en temps, comme ça, je recommence…
– Voilà… Jusqu’à ce qu’une opportunité finisse par se présenter… Il y en aura forcément une… Un jour ou l’autre… Et alors là ! Là !
– Bon, mais allez, j’y vais…
– Maintenant ?
– Oh, oui… Oui… J’ai trop envie…