– T’as entendu, Bastien ?
Évidemment que t’as entendu… T’as passé l’après-midi à écouter, sur le palier,
ce qui se passait en bas… C’est pas vrai peut-être ?
– Si ! Oui…
– Et avec la permission de
qui ?
– De personne… Je…
– Tu n’en fais qu’à ta tête… Comme
d’habitude… Bon… Mais on réglera ça tout-à-l’heure… Peut-être devant Nollwen,
qui sait ? Puisqu’elle doit revenir… Peut-être qu’on te fera descendre… Et
puis peut-être que non… Bon, mais en attendant, pour nous mettre en appétit, tu
vas nous lire la suite de ton histoire… Parce que t’as avancé, j’espère ?
– Un peu…
– Eh bien allez ! On t’écoute…
– Mouais… Mouais…
– Ça vous plaît pas ?
– C’est pas que ça nous plaît pas… C’est
que tu te défiles… C’est un peu facile de détourner tes héroïnes du personnage
de Bastien… De TON personnage… comme tu le fais là… De les envoyer s’occuper de
quelqu’un d’autre…
– Mais vous m’avez dit l’autre
jour…
– Qu’est-ce qu’on t’a dit ?
– Que je parlais trop de moi…
– Nous ? On t’a jamais dit une
chose pareille… On lui a dit ça, Marjorie ?
– Jamais de la vie…
– Ah, tu vois… Tu racontes
n’importe quoi… Comme d’habitude… Pour ça aussi tu seras puni…
– Tiens, Léonard, tu vas commencer
par monter les affaires de Nollwen dans la chambre bleue… Et puis tu reviendras
là… Qu’elle s’occupe un peu de toi…
– Je vais en faire quoi ?
– Ce que tu voudras… Tout ce qui te fera
envie… Tout ce qui te passera par la tête…
– Je pourrai jamais…
– Mais si !
– Je sais pas…
– C’est un peu compliqué au début,
oui… Mais suffit de se lancer… C’est un peu compliqué parce que… Ça fait des
années et des années que t’invites dans tes rêves un type qui est complètement
en ton pouvoir… Non ?
– Comment vous le savez ?
– Ce type, t’en fais tout ce que tu
veux… Tu le fais venir, en imagination, quand bon te semble… Tu peux tout
exiger de lui… Et tu ne t’en prives pas… Tu t’en prives d’autant moins qu’il
n’existe pas… Que tu es convaincue qu’il ne peut pas exister… Du coup tu peux
l’emmener où tu veux… Bien au-delà du raisonnable… Ou du vraisemblable…
– C’est exactement ça…
– Et voilà que maintenant on t’en
propose un… Un qu’existe vraiment… En chair et en os… Un qui peut être là à tes
pieds… À disposition… Ça te fascine, mais en même temps t’arrives pas à y
croire… Jamais tu pourras obtenir de lui tout ce que tu pouvais obtenir de l’autre…
C’est pas possible… Eh bien si ! Si ! Il y en a – et beaucoup
plus qu’on ne l’imagine – qui sont prêts à tout accepter de nous…
Absolument tout… Et même davantage… Tu me crois pas ?
– Si ! Si, mais…
– Mais pas vraiment… Pas complètement…
Alors tu sais ce qu’il faut que tu fasses ? C’est que tu commences par avoir
des exigences simples… Basiques… Et puis peu à peu… Et tu pourras aller loin…
Très loin… Tiens, le voilà qui revient, Léonard… Tu va pouvoir commencer à t’exercer…
– Tu les as mises où mes affaires ?
– Dans votre chambre…
– Oui, ben ça, j’m’en doute… Mais
où dans la chambre ?
– Sur le lit…
– Sur le lit ?! Mais t’es
complètement idiot, ma parole ! Il te vient pas à l’idée qu’un dessous des
sac, quand on a voyagé, ça a traîné partout ?! Que c’est dégoûtant…
– Corrige-le, Nollwen !
Corrige-le… Ça lui apprendra…
– Oui, ben d’abord il va remonter
là-haut… Le poser par terre…
– Et après tu le corriges, hein ?!
Tu le loupes pas…