mercredi 9 janvier 2013

Le Centre2 (1)


– Et toi, Lydie ?
– Moi aussi… Le groupe vert…
– Ça a pas l’air de te convenir…
– Non… Si… C’est pas ça… C’est que… Diriger des hommes… Leur faire faire tout ce que je veux… Les punir s’il faut… Je vais jamais savoir…
– Tu vas jamais savoir ou tu vas jamais oser ?
– Les deux, je crois…
– On s’y fait vite, tu verras… Moi aussi l’an dernier je disais comme toi… Et puis finalement…
– Oui, mais toi, Marjorie…
– Oh, moi, je suis comme les autres… Non… C’est assez simple en fait… Parce que, grosso modo, à deux sortes de types tu vas avoir à faire… D’abord ceux qui escomptaient bien faire partie du groupe bleu… Avoir barre sur tout un tas de femmes ils s’en faisaient à l’avance une véritable fête… Ils sont déçus… Terriblement déçus… Seulement il y a le contrat… Qu’ils ont signé… Ils ne veulent pas avoir l’air de se défiler… Trop orgueilleux pour ça… Et puis surtout ils se disent que l’année prochaine, avec un peu de chance, le vent tournera… Qu’ils seront du « bon » côté… Ça vaut la peine de prendre son mal en patience… Et ils font contre mauvaise fortune bon cœur… En se répétant que, tout compte fait, ce devrait pas être si terrible que ça… Qu’on va pas se montrer bien méchantes… Parce que des femmes… Ils ont qu’à y croire… On peut être terribles si on veut… Ça dépend… De tas de choses… On peut aimer l’être… Ou pas… Mais tu sais là où tu prends vraiment ton pied ? C’est quand tu leur fais découvrir – petit à petit… tout doucement… – des choses qu’il y a en eux et dont ils ignoraient qu’elles s’y trouvaient… Et alors là… Là…
– Et les autres ? Deux sortes de types t’as dit…
– Les autres… Oh, les autres, eux, c’est exactement ce qu’ils espéraient… Être des jouets aux mains d’un groupe de femmes qui va les humilier et les fouetter tant et plus… Sauf qu’en réalité c’est pas si simple… Ce qu’ils attendent de toi c’est que tu réalises leurs fantasmes à eux… Et si tu les laisses faire ils prennent le dessus… Ils te manipulent… Ils veulent décider de la façon dont tu dois en user avec eux… C’est constamment qu’il faut les recadrer… Ne pas céder à leurs exigences, mais leur imposer les tiennes… Et ils savent y faire, crois-moi… Non… Contrairement aux apparences c’est avec eux que c’est le plus compliqué…
– Je m’en sortirai jamais…
– Mais si ! Tu vas voir… Allez, viens, on attaque…
– Là ? Maintenant ? Tout de suite ?

Ils étaient là, en bas… À discuter, par petits groupes, sous la surveillance d’une femme –  la soixantaine – qui arpentait la cour de long en large en faisant claquer, de temps à autre, une cravache en l’air…
– On vient t’en piquer un, Séverine…
– Tout ce que vous voulez, mes chéries… Tout ce que vous voulez… Ils sont là pour ça…
– Bon… Alors tu choisis, toi, Lydie… Tu choisis… Celui qui te ferait plaisir…
Il y en a un qui a levé les yeux, nous a effleurées – très vite – du regard, a détourné la tête…
– Celui-là ?
– Ça me paraît être un bon choix, oui…
On s’est approchées…
– Viens !
– Qui ça ? Moi ?
– Ben oui, toi… Pas le roi de Prusse…
Marjorie l’a fait passer devant nous… Et on a arpenté des couloirs… Grimpé des escaliers… Passé des portes…
– Là… On sera très bien ici…
Un immense bureau… Complètement vide… À l’exception d’un grand canapé en cuir…
– Bon… Eh bien on t’écoute…
– Vous m’écoutez ?!
– On t’écoute, oui… Prends pas cet air idiot… Tu as bien quelque chose à nous dire, non ?
– Non… Je sais pas…
– Mais si tu sais ! Bien sûr que si que tu sais… Bon… Mais comme on est très gentilles on va t’aider toutes les deux… Alors dis-nous… Pourquoi t’es venu ici ? Au centre…
– Parce que… Pour voir… Pour savoir… Pour me rendre compte…
– Par curiosité en somme… Ben voyons ! Tu nous prends pour des imbéciles, hein ? La vérité on veut… Pourquoi ?
– Parce que je croyais… j’espérais… Que dans l’autre groupe on me mettrait… le bleu…
– Ben voyons ! Bon, mais finalement c’est plutôt pas mal que ça se soit passé comme ça… Parce qu’un mec il a toujours des trucs pas très nets qui traînent… Des situations où il s’est comporté comme un minable… Ou comme un salaud… Ou les deux à la fois… Non ? Tu crois pas ?
– Si…
– Toi comme les autres… Et même – rien qu’à te voir – toi plus que les autres… Alors tu vas payer… C’est l’occasion ou jamais… Pour toutes tes petites bassesses, tes lâchetés, tes trahisons…  Tu vas nous raconter tout ça… Bien en détail… Sans rien oublier… On a tout notre temps… On a quinze jours pleins devant nous… Tu vas raconter et tu vas payer… Cash… Mais d’abord…
Elle les a sorties de derrière le canapé… M’en a tendu une… A gardé l’autre…
– Tu baisses ton pantalon… Ton slip aussi… Allez ! Tu obéis…

– Et t’enlève tes mains… Ne sois pas ridicule…
– Bien, Lydie… Bien… Tu vois que ça vient… Et vite… Bon… Mais il disait quoi, lui, déjà, tout à l’heure ?
– Qu’il aurait bien voulu être dans le groupe bleu…
– Lui ?! Non, mais alors là on aura tout vu ! Pour qui il se prend ?
– Faut reconnaître qu’on l’imagine pas vraiment dans le rôle… Il a pas la pointure…
– Bien sûr que non ! Elle est ici sa place… Avec nous… Il faut qu’il en prenne bien conscience… Mais on va faire ce qu’il faut pour… Allez, tourne-toi , toi ! Et à genoux… 

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