mercredi 17 janvier 2018

Pauline, Jessica, Chloé et les hommes mariés (1)

Dessin de Mike:

http://placardemike.blogspot.com

Jessica s’est laissée tomber sur le canapé en poussant un soupir à fendre l’âme.
– Faut quand même que je sois un peu conne, avouez, les filles ! Parce que le type qu’arrive jamais à se libérer un week-end, qui veut pas que tu l’appelles après sept heures du soir, il y a quand même toutes les chances qu’il y ait anguille sous roche.
– C’est pas faute de te l’avoir répété. Tant et plus. Sur tous les tons.
– Je sais bien, oui, mais quand on a envie d’y croire…
– Bon, mais il t’a dit quoi, alors, finalement ?
– Ben ça ! À force que je le pousse dans ses retranchements. Qu’il était marié, mais que ça allait pas durer. Parce qu’il est en instance de divorce. C’est l’affaire de quelques semaines de patience.
– Oui, oh, alors là ! Tu veux qu’on te dise ce qui va se passer ? Parce qu’on connaît le truc toutes les deux. On a déjà donné. Dans trois ou quatre mois, à force que tu le tarabustes, il va finir par t’avouer que la procédure de divorce n’est pas encore vraiment engagée, mais que ça se fera. Sûr. Mais pas tout de suite. Plus tard. Quand sa femme sera sortie de sa dépression nerveuse. Quand les enfants seront grands. Quand la maison sera finie de payer. Au choix. Quand les poules auront des dents, quoi, en fait ! Parce que, en réalité, ils ont jamais vraiment envie de la quitter leur bonne femme, ces types. Ils jouent à se le faire croire. Et à te le faire croire. T’auras beau dire et t’auras beau faire, tu resteras toujours la maîtresse, celle à qui on dispense quelques miettes, quand on en est, et un peu d’espoir quand elle commence à perdre patience.
– C’est dégueulasse !
– Ça, on te le fait pas dire. Mais c’est comme ça. Quatre-vingt-quinze pour cent des inscrits, sur les sites de rencontre, ils sont déjà mariés.
– Les salauds ! Bon, mais qu’est-ce que je fais, moi, alors, pour Sylvain ?
– On n’a pas de conseils à te donner, mais nous, à ta place, on se sauverait en courant. Tu perds ton temps.
– Et après ? Je fais quoi, moi, après ? Je me trouve un mec où, s’ils sont tous vérolés, ces sites  ?
– Bonne question.
– C’est ignoble de jouer comme ça avec les sentiments des gens. Je sais pas ce que je leur ferais, tiens, moi, si je pouvais…
Pauline a proposé.
– Et si on leur donnait une petite leçon ?
– Comment ça ?
– Ben, un mec marié qui court, sa grande terreur, c’est que sa femme découvre le pot-aux-roses. Alors, imaginez ! On en flaire un sur Internet. Il y en a une de nous trois qui le contacte. Qui le fait un peu mariner. Qui le rencontre. Les deux autres, elles, elles le pistent discrètement quand il repart. Elles repèrent où il habite. Elles s’assurent, d’un petit coup d’œil à la boîte aux lettres, qu’il est bien marié. S’ensuivent d’autres rencontres. Il s’enflamme, le type. Il envoie des tas de messages. De plus en plus compromettants. Il se fait pressant. Un rendez-vous ! À l’hôtel. Un rendez-vous ! Il n’a plus que ça en tête. Le grand jour finit enfin par arriver. Il se précipite, la bave aux lèvres et la queue en batterie. Et il nous trouve toutes les trois dans la chambre. Il est un peu interloqué, mais il essaie de rien laisser paraître. Des fois, on sait jamais, qu’il en ait trois pour le prix d’une. « Alors comme ça, on est marié ? » « Hein ? Ah, mais pas du tout ! Pas du tout ! » « Menteur ! Tu sais que c’est pas beau du tout de tromper sa femme ? Que tu mériterais d’être puni pour ça ? Et que d’ailleurs tu vas l’être. »
Il panique. Il déglutit. Il jette tout un tas de regards inquiets et implorants autour de lui.
« Eh, oui ! Tu vas gentiment te déculotter. Histoire qu’on te donne une bonne fessée qui te fera passer l’envie d’aller chercher ailleurs ce que t’as à la maison. Sinon… Sinon, demain matin, à la première heure, ta femme sera au courant de tes agissements. Preuves à l’appui. »
Il essaie de gagner du temps, de discuter, d’apitoyer, mais, on se montre intraitables. Déterminées. Et, au final, il a pas le choix. Bien obligé de se résoudre, la mort dans l’âme, à nous offrir son petit derrière pour une bonne claquée.
Jessica a applaudi des deux mains.
– Génial ! C’est vrai, ça ! Il y a pas de raison que ce soit toujours eux qui mènent la danse. Un peu à notre tour. On commence quand ?
– Oh, mais quand on veut. Tout de suite si on veut.
– Eh bien, allez alors !
Et on s’est rassemblées, toutes les trois, autour de mon ordinateur. On a fait défiler les profils.
– Première règle, les filles, on en choisit un qu’a pas mis de photo. S’il l’a pas fait, c’est peut-être qu’il est laid à faire peur, mais c’est, plus vraisemblablement, parce qu’il redoute qu’une bonne copine de sa femme, passant par là, le reconnaisse et vende la mèche. On est donc sur la bonne voie.
On a longuement hésité. Et finalement arrêté notre choix sur un type qui se disait chef d’entreprise. Sans plus de précisions.
– Oui, mais alors ça, moi, je demande à voir. Parce que vous avez remarqué ? Ils sont tous ou professeurs ou commerçants ou cadres de quelque chose.
La trentaine.
– Pareil. Rajoutez une bonne dizaine d’années.
Et bourré de qualités. Intelligent. Cultivé. Sportif. Tolérant. Sentimental. Plein d’humour.
– Il va pas dire le contraire.
Bon, mais alors, qui c’est qui s’y collait la première ?
– Pauline ! Pauline ! C’est elle qu’a eu l’idée.
Et Pauline a envoyé un premier message.

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