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Jessica
s’est laissée tomber sur le canapé en poussant un soupir à
fendre l’âme.
– Faut
quand même que je sois un peu conne, avouez, les filles ! Parce
que le type qu’arrive jamais à se libérer un week-end, qui veut
pas que tu l’appelles après sept heures du soir, il y a quand même
toutes les chances qu’il y ait anguille sous roche.
– C’est
pas faute de te l’avoir répété. Tant et plus. Sur tous les tons.
– Je
sais bien, oui, mais quand on a envie d’y croire…
– Bon,
mais il t’a dit quoi, alors, finalement ?
– Ben
ça ! À force que je le pousse dans ses retranchements. Qu’il
était marié, mais que ça allait pas durer. Parce qu’il est en
instance de divorce. C’est l’affaire de quelques semaines de
patience.
– Oui,
oh, alors là ! Tu veux qu’on te dise ce qui va se passer ?
Parce qu’on connaît le truc toutes les deux. On a déjà donné.
Dans trois ou quatre mois, à force que tu le tarabustes, il va finir
par t’avouer que la procédure de divorce n’est pas encore
vraiment engagée, mais que ça se fera. Sûr. Mais pas tout de
suite. Plus tard. Quand sa femme sera sortie de sa dépression
nerveuse. Quand les enfants seront grands. Quand la maison sera finie
de payer. Au choix. Quand les poules auront des dents, quoi, en
fait ! Parce que, en réalité, ils ont jamais vraiment envie de
la quitter leur bonne femme, ces types. Ils jouent à se le faire
croire. Et à te le faire croire. T’auras beau dire et t’auras
beau faire, tu resteras toujours la maîtresse, celle à qui on
dispense quelques miettes, quand on en est, et un peu d’espoir
quand elle commence à perdre patience.
– C’est
dégueulasse !
– Ça,
on te le fait pas dire. Mais c’est comme ça. Quatre-vingt-quinze
pour cent des inscrits, sur les sites de rencontre, ils sont déjà
mariés.
– Les
salauds ! Bon, mais qu’est-ce que je fais, moi, alors, pour
Sylvain ?
– On
n’a pas de conseils à te donner, mais nous, à ta place, on se
sauverait en courant. Tu perds ton temps.
– Et
après ? Je fais quoi, moi, après ? Je me trouve un mec
où, s’ils sont tous vérolés, ces sites ?
– Bonne
question.
– C’est
ignoble de jouer comme ça avec les sentiments des gens. Je sais pas
ce que je leur ferais, tiens, moi, si je pouvais…
Pauline
a proposé.
– Et
si on leur donnait une petite leçon ?
– Comment
ça ?
– Ben,
un mec marié qui court, sa grande terreur, c’est que sa femme
découvre le pot-aux-roses. Alors, imaginez ! On en flaire un
sur Internet. Il y en a une de nous trois qui le contacte. Qui le
fait un peu mariner. Qui le rencontre. Les deux autres, elles, elles
le pistent discrètement quand il repart. Elles repèrent où il
habite. Elles s’assurent, d’un petit coup d’œil à la boîte
aux lettres, qu’il est bien marié. S’ensuivent d’autres
rencontres. Il s’enflamme, le type. Il envoie des tas de messages.
De plus en plus compromettants. Il se fait pressant. Un rendez-vous !
À l’hôtel. Un rendez-vous ! Il n’a plus que ça en tête.
Le grand jour finit enfin par arriver. Il se précipite, la bave aux
lèvres et la queue en batterie. Et il nous trouve toutes les trois
dans la chambre. Il est un peu interloqué, mais il essaie de rien
laisser paraître. Des fois, on sait jamais, qu’il en ait trois
pour le prix d’une. « Alors comme ça, on est marié ? »
« Hein ? Ah, mais pas du tout ! Pas du tout ! »
« Menteur ! Tu sais que c’est pas beau du tout de
tromper sa femme ? Que tu mériterais d’être puni pour ça ?
Et que d’ailleurs tu vas l’être. »
Il
panique. Il déglutit. Il jette tout un tas de regards inquiets et
implorants autour de lui.
« Eh,
oui ! Tu vas gentiment te déculotter. Histoire qu’on te donne
une bonne fessée qui te fera passer l’envie d’aller chercher
ailleurs ce que t’as à la maison. Sinon… Sinon, demain matin, à
la première heure, ta femme sera au courant de tes agissements.
Preuves à l’appui. »
Il
essaie de gagner du temps, de discuter, d’apitoyer, mais, on se
montre intraitables. Déterminées. Et, au final, il a pas le choix.
Bien obligé de se résoudre, la mort dans l’âme, à nous offrir
son petit derrière pour une bonne claquée.
Jessica
a applaudi des deux mains.
– Génial !
C’est vrai, ça ! Il y a pas de raison que ce soit toujours
eux qui mènent la danse. Un peu à notre tour. On commence quand ?
– Oh,
mais quand on veut. Tout de suite si on veut.
– Eh
bien, allez alors !
Et
on s’est rassemblées, toutes les trois, autour de mon ordinateur.
On a fait défiler les profils.
– Première
règle, les filles, on en choisit un qu’a pas mis de photo. S’il
l’a pas fait, c’est peut-être qu’il est laid à faire peur,
mais c’est, plus vraisemblablement, parce qu’il redoute qu’une
bonne copine de sa femme, passant par là, le reconnaisse et vende la
mèche. On est donc sur la bonne voie.
On a
longuement hésité. Et finalement arrêté notre choix sur un type
qui se disait chef d’entreprise. Sans plus de précisions.
– Oui,
mais alors ça, moi, je demande à voir. Parce que vous avez
remarqué ? Ils sont tous ou professeurs ou commerçants ou
cadres de quelque chose.
La
trentaine.
– Pareil.
Rajoutez une bonne dizaine d’années.
Et
bourré de qualités. Intelligent. Cultivé. Sportif. Tolérant.
Sentimental. Plein d’humour.
– Il
va pas dire le contraire.
Bon,
mais alors, qui c’est qui s’y collait la première ?
– Pauline !
Pauline ! C’est elle qu’a eu l’idée.
Et
Pauline a envoyé un premier message.
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