Pourquoi
elle lui en flanquait plus des fessées Émilie à Damien ?
– Il
me faudrait une raison… Et, pour le moment, j’en ai pas…
– Une
petite piqûre de rappel de temps en temps… Ça peut pas faire de
mal…
– Oui,
enfin… Si je me mets à lui en coller à tout bout de champ… Pour
un oui ou pour un non… Ça va perdre tout son sens… Et son
efficacité… Non… Pour le moment, j’ai vraiment pas à me
plaindre… Il s’écarte pas… Il reste dans les rails… Il
bosse… Il met plus les pieds au café… Ces fameux copains, qui
exerçaient sur lui une influence si négative, il a pris ses
distances avec… Non… Je vois vraiment pas quelque motif que ce
soit de sévir… L’essentiel, pour le moment, c’est que ce soit
toujours là, en filigrane, entre nous… Qu’il sache qu’à la
moindre incartade je le louperai pas… Et que ça fasse son petit
effet… Que ça le rende accommodant… Il l’est devenu… Il
l’est de plus en plus… Il s’en remet à moi… Pour plein de
choses… Pour presque tout… Non… Un mec, faut le cadrer… Faut
prendre résolument le dessus… Dans son intérêt… Mais surtout
dans le tien… Il t’en fait voir de toutes les couleurs sinon…
Il te fait vivre l’enfer… Le jour où elles auront compris ça,
les nanas…
Elle
en a de bonnes, elle ! Elle croit que ça se mate comme ça un
mec ? Qu’il suffit de le décider et que ça suit son cours
tout seul… T’as qu’à y croire… Ils se laissent pas faire…
Et c’est un très mauvais exemple son Damien… Parce que si cette
Mademoiselle Lancel le lui avait pas apporté ligoté sur un plateau
d’argent, jamais elle aurait réussi à lui claquer le derrière…
Ni à en faire apparemment tout ce qu’elle veut… Apparemment…
Parce que ça me fait doucement rigoler tout ça… Qu’est-ce
qu’elle croit ? Qu’il s’est amendé… Qu’il est devenu
petit toutou bien docile ? Tu parles ! Il fait contre
mauvaise fortune bon cœur, oui… Il a pas le choix… Mais, en
réalité, c’est hypocrisie et compagnie… Il donne le change…
Et dès qu’il aura l’occasion de lui mijoter un petit coup par
derrière…
Il
se fiche d’elle… Non, mais carrément, là… Et de plus en plus
ouvertement… Que je te joue les petits garçons bien sages…
« Oui, Émilie par ci… Certainement, Émilie par là… Comme
tu voudras, Émilie… » Je t’en foutrais, moi… Quant à
elle, pas moyen de lui faire entendre raison…
– Il
est pas comme ça… Tu exagères…
– Mais
ouvre les yeux, bon sang ! Il joue un rôle… Ça se voit comme
le nez au milieu de la figure…
– T’as
une dent contre lui… C’est pour ça… T’as jamais pu le
sentir…
Moi,
en tout cas, je ne suis pas dupe… Et ce que ça peut m’agacer de
le voir jouer la comédie comme ça sans arrêt… Alors je le ménage
pas… J’hésite pas à appuyer là où ça fait mal… Il a ça en
horreur…
– Tu
te rappelles le soir où t’es rentré complètement bourré ?
Il
baisse les yeux… Il s’agite sur son siège…
– Hein ?
Tu te souviens ?
Il
se souvient, oui… Mais il est très absorbé par son devoir
d’allemand… Qui réclame toute son attention… Il fronce les
sourcils… Il réfléchit… Il fait semblant…
– Ah,
t’en tenais une bonne, on peut pas dire… T’étais tellement
saoul que t’étais pas foutu de te déshabiller tout seul… Il a
fallu qu’on te le fasse toutes les deux avec Émilie… Même que
c’est moi qui te l’ai retiré ton pantalon… Et le calbut avec…
Ce qu’a pas été simple… Parce que t’aidais pas… Tu
réagissais pas… Un vrai poids mort… Si bien qu’on a été
obligées d’attendre le lendemain pour te la flanquer ta
correction… Que tu sois suffisamment lucide pour en profiter à
plein… Mais alors là, le lendemain… Ah, elle y a mis tout son
cœur Émilie, hein ! Elle était furieuse… Faut dire qu’il
y avait de quoi… En attendant, ça a dû te brûler un moment…
Non ?
– Encore
assez, oui…
Je
souris d’un air entendu… Un moment ? Tu parles ! Un
sacré moment, oui… Deux ou trois jours… Au moins…
Je
ne le tiens pas quitte pour autant…
– Et
la suivante ! Alors là, la suivante ! Obligé de te
déshabiller… De toi-même… De nous présenter gentiment, tout
penaud, ton petit derrière… D’en passer, la mort dans l’âme,
par où on avait décidé que tu allais en passer… T’avais pas le
choix… Impossible de te rebeller… De chercher à te soustraire…
Sinon… Ah, comment tu bouillais à l’intérieur ! Et comment
tu luttais : fallait surtout pas qu’on se rende compte de quoi
que ce soit… Oui, ben, raté, mon cher ! Raté… Ça te
transpirait de partout…
Il
fait son impassible… Son impénétrable…
J’enfonce
le clou…
– On
ne peut pas indéfiniment donner le change… Dissimuler ce qu’on
est… Tu finiras par être ce que tu es à découvert… Forcément…
C’est peut-être la prochaine fessée qui t’en donnera
l’occasion… Ou celle d’après…